Il en rencontre trois mais il n'en adore qu'un !
En parcourant l’Écriture... Les homélies d'Origène sur la Genèse (3/8)
2 - L'apparition de Dieu à Abraham
Avec cette série "En parcourant l'Ecriture", nous voudrions à nouveau vous faire partager les richesses de la littérature patristique et nous vous proposons de découvrir cette fois les écrits d'Origène avec ses Homélies sur la Genèse.
Voici aujourd'hui un extrait de la 4ème homélie, sur l'apparition de Dieu à Abraham, sous le chêne de Mambré (Gn 18)
" Dieu apparut à Abraham, dit l'Ecriture, comme il était assis à l'entrée de sa tente au chêne de Mambré. Et voici que trois hommes se tinrent debout devant lui. Levant les yeux, Abraham regarda, et voici qu'il y avait trois hommes devant lui, il sortit à leur rencontre, etc... " […]
L'Ecriture continue : " Il courut lui-même au troupeau et prit un veau ". Quel veau ? Sans doute le premier venu ? Non pas, mais un veau " bon et tendre ". Il a beau tout faire en hâte, il n'oublie pas cependant l'importance et la grandeur de ce qu'il faut offrir au Seigneur et à ses anges. Donc il prit, ou plutôt il choisit dans son troupeau un veau " bon et tendre " et le donna à son serviteur. " Le serviteur se hâta de l'apprêter ", dit le texte. Abraham court, sa femme s'empresse, son serviteur se hâte : pas de fainéant dans la maison du sage. Abraham sert donc le veau, avec lui le pain et la farine, ainsi que le lait et le beurre. Telles sont les mesures d'hospitalité d'Abraham et de Sara. […]
— Poursuivons. Que fait Abraham avec les trois hommes qui " se tinrent au-dessus de lui " ? Remarquez le tour même de l'expression : ils viennent " au-dessus de lui " et non pas " en face de lui ". C'est parce qu'il s'était soumis à la volonté de Dieu que le texte porte que Dieu se tenait " au-dessus de lui ". […] Tout ce qu'il fait a un caractère mystérieux, tout renferme des mystères. Qu'un veau soit servi, voilà encore un mystère. Or le veau n'est pas dur, mais " bon et tendre ". Et que peut-il y avoir de plus tendre, que peut-il y avoir de meilleur que Celui qui " s'est abaissé pour nous jusqu'à la mort " et qui " a donné sa vie pour ses amis " ? Il est ce " veau gras " que le Père égorge pour recevoir son fils repentant, car " Dieu a tant aimé ce monde qu'il a donné son Fils unique " pour la vie de ce monde.
Cependant, la qualité de ses hôtes n'échappe pas au sage Abraham. Il en rencontre trois, mais il n'en adore qu'un et ne parle qu'à un seul en disant : " Arrête-toi chez ton serviteur et repose-toi sous cet arbre. " […]
" Abraham, dit l'Ecriture, se tenait debout près d'eux sous l'arbre. " Pour entendre des récits de ce genre nous exigeons des oreilles circoncises. Car il faut bien se garder de croire que le principal souci de l'Esprit Saint dans les Livres de la Loi ait été d'écrire où se trouvait Abraham. En effet en quoi m'intéresse-t-il, moi qui suis venu écouter ce que l'Esprit Saint enseigne au genre humain, d'entendre raconter qu'Abraham se trouvait sous un arbre ?
Voyons plutôt quel est cet arbre sous lequel se tenait Abraham et où il offrait un repas au Seigneur et à ses anges. L'Ecriture porte : " Sous l'arbre de Mambré ". Mambré, dans notre langue, signifie " vision " ou " pénétration ". Comprenez-vous alors quel est le lieu où le Seigneur peut se mettre à table ? La pénétration de la vue d'Abraham l'a charmé. C'est qu'Abraham était " un cœur pur qui pouvait voir Dieu ". Dans un tel lieu, dans un tel cœur, le Seigneur peut venir se mettre à table avec ses anges. — Autrefois, également, les prophètes étaient appelés des voyants.
— Et que dit le Seigneur à Abraham ? " Où est Sara, ta femme ? dit-il. Abraham répondit : là dans la tente. Et le Seigneur dit : Je reviendrai chez toi à cette époque même, et Sara ta femme aura un fils. Mais Sara écoutait à l'entrée de la tente derrière Abraham ".
Que dit ensuite l'Ecriture ? Elle dit : " Ils étaient tous deux anciens— c'est-à-dire vieux— et avancés en jours. " Au point de vue de l'âge corporel, beaucoup, avant eux, avaient vécu de plus longues années et pourtant aucun ne fut appelé " ancien ". Ce qui prouve que l'on ne donne pas cette appellation aux saints pour leur longévité, mais pour leur perfection.
— Or, après ce fameux repas qu'Abraham offrit à Dieu et à ses anges sous l'arbre de la vision, qu'advient-il ? Les hôtes s'en vont.
" Abraham les reconduisit, dit le texte, et marchait avec eux. Alors le Seigneur dit : Je ne cacherai pas à Abraham mon serviteur ce que je vais faire. Abraham deviendra une nation grande et forte et toutes les nations de la terre seront bénies en lui. Car il savait qu'il commanderait à ses fils de garder les voies du Seigneur en pratiquant l'équité et la justice, afin que le Seigneur accomplisse en faveur d'Abraham ce qu'il lui avait promis. Et il dit : Le cri qui s'élève de Sodome et de Gomorrhe est bien fort et leurs péchés bien grands. Je suis descendu pour voir si, selon leur clameur qui est venue jusqu'à moi, leurs crimes sont arrivés au comble. Et s'il n'en est pas ainsi, je le saurai ". — Telles sont les paroles de l'Ecriture sainte.
Voyons maintenant ce qu'il faut en tirer.
[…] A propos de ce texte, des hérétiques attaquent ordinairement mon Dieu en disant : Quelle ignorance, dans ce Dieu de la Loi ! Il n'aurait pas pu savoir ce qui se passait à Sodome s'il n'était descendu pour se rendre compte et s'il n'y avait envoyé des observateurs.
Nous à qui il est enjoint de combattre les combats du Seigneur, aiguisons contre eux " le glaive de la parole de Dieu " et courons-leur sus ! Ayons au combat " les reins ceints de la vérité ", " couvrons-nous en même temps du bouclier de la foi " pour recevoir les traits empoisonnés de leurs arguties et renvoyons-les-leur après les avoir mieux balancés. Ce sont les mêmes combats pour le Seigneur qu'ont soutenus David et les autres patriarches. Affrontons-les pour nos frères. Car " il me vaudrait mieux mourir " que de laisser enlever et ravir quelques-uns de mes frères et que de laisser emmener en captivité par des insinuations verbales pleines de ruse les " petits enfants " et les nourrissons du Christ. Mais contre les parfaits ils ne pourront pas rassembler leurs troupes et n'oseront pas engager le combat. A nous, par conséquent, en priant le Seigneur et avec l'aide de vos prières, d'engager contre eux le combat de la parole.
Avec assurance, nous disons donc que, selon les Écritures, Dieu ne connaît pas tous les hommes. Dieu ne connaît pas le péché, Dieu ne connaît pas les pécheurs, il ignore ceux qui sont mal disposés pour lui. Ecoutez l'Ecriture : " Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent, et : Qu'il s'éloigne de l'iniquité, celui qui invoque le nom du Seigneur. " Le Seigneur connaît les siens, mais il ne connaît pas les méchants ni les impies. Ecoutez le Sauveur : " Éloignez-vous de moi, vous tous, ouvriers d’iniquités, je ne vous connais pas." Et Paul encore : " Si quelqu'un parmi vous est un prophète ou riche en dons spirituels, qu'il reconnaisse que ce que j'ai écrit appartient au Seigneur. Mais s'il l'ignore, qu'il soit ignoré. "
Ce disant, nous ne blasphémons pas Dieu, comme vous, et ne lui attribuons pas l’ignorance, mais notre pensée est que ceux dont la conduite est indigne de Dieu sont indignes également de la connaissance de Dieu. Car Dieu ne consent pas à connaître celui qui se détourne de lui et qui l'ignore. Aussi l'Apôtre dit bien : " Que celui qui ignore soit ignoré. "
C'est de cette façon que l'Ecriture parle, ici, des habitants de Sodome : Si, selon la clameur qui est montée jusqu'à Dieu, leurs crimes sont au comble, ils seront, jugés indignes de sa connaissance, mais s'ils changent, ou si l'on peut trouver au moins dix justes parmi eux, Dieu alors les connaîtra. C'est dans le même sens que Dieu a dit : " S'il n'en est pas ainsi, je le saurai ". Il n'a pas dit : " Pour savoir ce qu'ils font ", mais : pour que je connaisse et que je rende dignes de ma connaissance ceux que je trouverai justes, repentants et disposés comme il faut pour que je les connaisse.
Mais comme il n'y en avait pas pour se repentir ni pour se convertir, à l'exception de Lot, ce dernier seul est digne de connaissance, seul il est sauvé de l'incendie. Ni ses gendres avertis, ni ses voisins, ni ses proches ne le suivent, aucun ne voulut connaître la générosité de Dieu, aucun ne voulut avoir recours à sa miséricorde : aucun, par conséquent, ne fut digne de sa connaissance.
Voilà ce qu'il y a à dire contre ceux qui " lancent leurs paroles d'iniquité contre le Très-Haut ".
Pour nous, occupons-nous de donner à nos actes, de donner à notre conduite une perfection telle que nous soyons dignes de la connaissance de Dieu et que Dieu veuille bien nous connaître. Soyons dignes de la connaissance de son Fils, Jésus-Christ, et de la connaissance du Saint Esprit, pour que, connus de la Trinité, nous méritions de connaître à notre tour, pleinement, entièrement et parfaitement, le mystère de la Trinité, par la révélation du Seigneur Jésus-Christ " à qui appartiennent la gloire et la puissance aux siècles des siècles. Ainsi soit-il ".
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Dans la même série :
Introduction : il a écouté la Parole de Dieu et l'a mise en pratique
1 - Mesurons la grandeur de l'homme !
2 - Il en rencontre trois mais n'en adore qu'un
3 - Prenez Sara, c'est-à-dire la vertu, pour épouse !
4 - Perdre quelque chose pour Dieu, c'est le retrouver plusieurs fois
5 - En aucun cas on ne s'éloigne des puits, en aucun cas on ne cesse de puiser de l'eau !