L'embryon, être en devenir : réponse aux questions

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Saint-Pierre-de-Colombier, ce lundi 1er mars 2010 Bien chers amis,

A cause du grand pèlerinage de février, je suis en retard pour mettre à jour notre blog « liberté-loi ». Je voudrais vous partager la synthèse des diverses réactions que j’ai reçues sans citer le nom des personnes. Vous en trouverez plusieurs à la suite de mon dernier article.

L'une de ces réactions me vient d’un philosophe thomiste. Je le remercie de ses précisions :

Puissance et Acte : ces deux principes sont bien réellement distincts dans la chose et non uniquement dans notre esprit. Ce que fait l'esprit et qui n'est pas dans la chose, c'est de les considérer séparément.

Essence et Esse : la distinction vient d'Alfarabi, mais Avicenne a eu beaucoup plus d'impact. La primauté de l'Esse est, je pense, chez saint Thomas, la primauté de l'acte sur la puissance. L'Acte pur étant Esse pur.

Suppôt et sujet : je ne sais pas si c'est Jean Paul II qui fait cette distinction. Je comprends très bien ce qu'elle veut dire mais j'avoue que je ne la formulerai pas avec ces mots-là. En effet la notion de suppôt a été élaborée justement à propos de la personne et, plus précisément, à propos de la personne du Christ. On se demandait ce qui manquait à l'humanité du Christ pour qu'elle soit un suppôt (= un tout incommunicable). D'où la question sur le constitutif formel du suppôt. Cette façon de poser les questions a été critiquée par le Père de Finance qui enseignait à la Grégorienne à Rome. Je ne trouve pas génial de dire que l'animal n'est pas un sujet. Aristote parle de la matière première comme du "premier sujet", elle est sujet de la forme qu'elle reçoit. Ou encore toute substance est sujet de divers accidents. Je trouve que dans le contexte linguistique traditionnel cette distinction n'apporte pas grand chose. Elle revient à dire que la personne n'est pas un sujet comme les autres sujets : elle est justement un sujet personnel, ou libre, ou capable d'autodétermination, capable de don, etc.

Cause efficente et cause finale : je dirais certes que la cause efficiente de l'enfant est les parents, mais aussi Dieu (vous le dites d'ailleurs dans le numéro suivant). Quant à la cause finale (cad ce pour quoi existe l'enfant), je ne trouve pas génial de dire qu'elle est l'amour responsable des époux, cela reviendrait à dire que la finalité ultime de l'enfant est le bien des époux ! La cause finale est l'enfant lui-même. Ou bien on peut dire que la cause finale ultime est double : elle est l'enfant (car l'homme est la seule créature du monde visible que Dieu ait créée pour elle-même), elle est aussi Dieu (car le but de notre existence est Dieu).

Note : j’accueille bien sûr toutes ces remarques. Notre but, redisons-le encore, n’est pas de faire un cours de philosophie mais d’utiliser des développements qui appartiennent au patrimoine culturel de l’humanité et qui demeurent valables pour les hommes d’aujourd’hui et qui seront valables pour les hommes de demain.

La personne humaine est un « je » spirituel, conscient et libre, qui ne peut pas être réduite au rang d’objet, de moyen. Permettre la recherche sur les embryons, c’est réduire l’être humain au rang d’objet et de moyen.

Précisons les enjeux de la distinction essence-existence. Elle exprime la différence entre l’idée et la réalité. L’idée d’un milliard d’euros n’est pas la réalité de ce milliard d’euros ! L’être humain qu’est l’embryon n’est pas une idée, il existe !

Il n’est pas facile pour ceux qui n’ont pas fait de philosophie réaliste de comprendre ce qu’est l’essence. Prenons un exemple concret : l’essence est « l’idée » de la chose. Le constructeur de la C4 ou du 807 possède « l’idée » de sa voiture. L’idée C4 ou 807 se distingue de l’idée des autres voitures. L’essence, l’idée, est unique, elle est « ce qu’elle est » et elle ne sera que « ce qu’elle est ». Ainsi en est-il de l’essence « homme ». Tout scientifique aujourd’hui peut distinguer l’être humain de tous les autres animaux. L’essence homme peut être définie par la science génétique. L’être humain qu’est l’embryon existe, dès sa conception, parce qu’il possède l’existence. Mais il existe aussi, dès sa conception, en tant qu’être humain, par son essence concrète = sa nature. Pour défendre l’embryon en danger aujourd’hui, il faut se mobiliser, comme nous l’avons fait par la Marche pour la Vie, mais il faut aussi démontrer – en se fondant sur la science génétique et le patrimoine culturel de l’humanité – que l’embryon humain n’est pas un conglomérat de cellules indifférenciées qui pourrait devenir tel ou tel être. Il ne peut devenir que ce qu’il est : un être humain. Son patrimoine génétique lui est donné dès sa conception, rien ne lui sera ajouté. La sentence utilisée par des Pères de l’Eglise pourrait l’être pour l’embryon humain : « Deviens ce que tu es ! ». C’est la nature concrète (l’essence) qui permet à l’embryon de devenir ce qu’il est.

La distinction matière-forme n’est pas, non plus, très facile à comprendre. Essayons d’expliquer plus simplement encore. J’ai été artisan – pendant 9 années - avant d’être religieux prêtre. Cela m’a aidé à mieux comprendre la métaphysique et les principes de l’être. Un artisan aime réaliser de nouvelles « créations », mais il ne le peut que s’il a une idée claire de la chose qu’il veut réaliser. Un artisan est un fabriquant, il n’est pas créateur. Il a besoin de matière pour produire « ses créations ». La matière, pour le sculpteur, ce sera le marbre ; pour le boulanger ou le pâtissier, ce sera la pâte ; pour le maçon, ce sera le ciment. L’artisan donne forme à la matière. Si la distinction matière-forme suffit à rendre compte de la production artisanale du sculpteur, du maçon, du boulanger, elle n’est pas suffisante pour rendre compte de l’unicité de chaque être humain. La vie humaine ne peut pas être un produit de laboratoire, parce qu’elle est don de Dieu.

La nature concrète unique de chaque être humain est une personne qui existe dans l’unité substantielle de son corps et de son âme spirituelle. La philosophie, par la raison humaine seule, n’est pas arrivée à distinguer nature humaine et personne. Cette distinction réelle a été rendue possible par le mystère de l’Incarnation du Fils de Dieu. Jésus est Fils de Dieu et fils de l’homme. Son « Je » n’est pas un « je » humain mais demeure le « Je » divin. Le sujet de ses actes humains n’est pas une personne humaine mais l’unique Personne divine. Le Concile de Chalcédoine, en 451, a enseigné dogmatiquement que le Christ était « homousios », consubstantiel au Père. Le mystère de la Sainte Trinité peut ainsi s’exprimer : une seule nature divine et 3 Personnes distinctes. Le Christ est aussi, pour le Concile de Chalcédoine, « homousios » aux hommes. On peut tirer cette importante conséquence : il existe une nature humaine participée par une multitude de personnes. La distinction personne-nature est, à présent, entrée dans la philosophie personnaliste. Elle permet de découvrir la permanence de notre « je » personnel à travers tous les changements physico-chimiques des divers âges de notre vie. Ce « je » personnel n’est pas matériel, cependant, il est spirituel. L’esprit n’est pas un produit humain mais une création divine. C’est la raison pour laquelle, Jean-Paul II affirmait avec autorité que dans toute « généalogie » de la personne humaine concourt l’acte procréateur des parents et l’acte créateur de Dieu. La conception de la personne humaine, dans le plan de Dieu, ne peut donc être que le fruit de l’acte d’amour des époux.

La vie humaine est un don de Dieu, elle n’est pas une production humaine. La question que tout homme de bonne volonté devrait se poser est celle-ci : qui a conçu l’idée, l’essence, la nature humaine ? On ne peut que constater cette évidence : l’homme ne peut pas être l’architecte ou le « créateur » de la nature humaine. Dieu, Seul, en est le Créateur.

Ce développement est encore long. J’espère qu’il pourra aider à mieux comprendre le mystère de la « généalogie » de la personne humaine et sa dignité de sa conception à son terme naturel.

Notre Forum ne changera rien, c’est évident, en ce qui concerne les futures lois bioéthiques en France, mais nous aurons au moins fait tout ce que nous avons pu pour témoigner de la vérité sur la nature de l’embryon humain. Je vous cite en conclusion la lettre que l’un d’entre vous a envoyé à un homme politique et que vous pourriez envoyer à votre député ou à d’autres responsables politiques pour leur faire découvrir que l’acte qu’ils poseront ne sera pas un acte indifférent :

« Monsieur le ,

L'avortement est le fait de tuer un Être humain. Nous souhaitons être entendus sur ce point extrêmement préoccupant car il impose l'arrêt immédiat d'un tel procédé, véritable acte contre l'humanité, contre la vie humaine en donnant la mort ni plus ni moins à un Être humain, le plus faible d'entre les Être humains peut-être mais complètement Être humain quand même.

En effet, il est facile de prouver aujourd'hui qu'un embryon, tout embryon humain, est un Être humain irréductible, singulier et complet.

En conséquence, tout acte humain consistant à supprimer la vie d'un embryon est un crime, un meurtre. D'une part, l'honnêteté intellectuelle, la prudence constitutionnelle recommandent le moratoire immédiat de l'avortement pour la raison qu'il est un crime contre l'humanité. D'autre part, après avoir donné la parole à tous publiquement dans une forme de controverse moderne, (notamment à ceux qui dans la société sont en mesure de lui apprendre que l'embryon est un être humain incontestablement et donc que le supprimer, c'est tuer, c'est un crime barbare qui ne saurait être permis dans une société qui défend l'Homme, la Vie humaine, sa dignité irréductible) il s'agirait d'interdire définitivement une pratique abominable pour les convaincus et qui risque d'être telle pour les indécis mais qui sont incapables eux de prouver que l'embryon n'est pas un être humain ; et donc pour eux au moins par précaution, une telle pratique n'aurait plus le droit de cité. Ce qui a droit de cité en revanche c'est une politique qui à la fois accueille la Vie et la détresse. Mais tout autre en effet, car le soulagement de la détresse des unes ne saurait avoir pour solution le crime des autres, des sans voix. Respectueusement, pour l'honneur et la Vie de notre pays.

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