Être fils dans le Fils

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Homélie pour le Baptême de Notre-Seigneur

Dimanche 9 janvier 2022

Être fils dans le Fils, et chercher à ressembler au Fils !

La fête du Baptême du Seigneur conclut le temps liturgique de Noël, et clôt la vie cachée de Jésus. Elle nous ouvre au temps ordinaire, qui commencera demain, et à la vie publique de Jésus, à sa mission pour les âmes.

Il est significatif que cette mission commence par cet acte si riche, qui annonce déjà le mystère pascal : Jésus est l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde. Comme le dit saint Paul aujourd’hui, « il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. »

Saint Luc nous décrit ce qui se passe, avec des mots qui décrivent l’événement, mais aussi ce qui se passe dans l’invisible : « Jésus priait, le ciel s’ouvrit… » Puis la voix du Père se fait entendre : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. » Ces mots du Père ne sont pas pour Jésus, ils sont pour la foule, car le Père, à l’aube de la vie publique de Jésus, veut révéler qui est Jésus, que Jean vient de baptiser : il est son Fils bien-aimé.

C’est l’identité profonde de Jésus qui est ici dévoilée : il est vraiment le Fils unique, consubstantiel au Père, comme nous le redirons désormais dans une meilleure traduction du Credo. Nous devons nous arrêter sur cette identité de fils, car c’est précisément ce que le baptême nous a donné : d’être fils dans le Fils unique.

Qu’est-ce donc, pour Jésus, qu’être Fils du Père ? Bien sûr, Jésus est « Dieu, né de Dieu, lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ». Pour autant il accomplit tout dans une parfaite communion avec le Père. Nombreuses sont les expressions touchantes par lesquelles Jésus renvoie sans cesse à son Père : « Je dois être aux affaires de mon Père » (Lc 2, 49). « Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement » (Jn 5, 19). « Moi, je suis venu au nom de mon Père… » (Jn 5, 43). « Je ne fais rien de moi-même ; ce que je dis là, je le dis comme le Père m’a enseigné… je fais toujours ce qui lui est agréable. » (Jn 8, 28-29). « Ce n’est pas de ma propre initiative que j’ai parlé ; le Père lui-même, qui m’a envoyé, m’a donné son commandement sur ce que je dois dire et déclarer ; et je sais que son commandement est vie éternelle. Donc, ce que je déclare, je le déclare comme le Père me l’a dit » (Jn 12, 49-50). 

On pourrait se demander : Jésus est-il libre, en demeurant ainsi toujours fils de son Père ? Écoutons ces autres paroles, qui montrent la totale réciprocité de cet amour confiant : « Le Père aime le Fils et il a tout remis en sa main » (Jn 3, 35). « Il faut que le monde sache que j’aime le Père… » (Jn 14, 31). « Le Père est en moi, et moi dans le Père » (Jn 10, 38 ; cf. Jn 17, 21). « Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi » (Jn 17, 10). « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28,18)… Voilà comment Jésus est Fils, et, mon Dieu, que c’est beau ! Ainsi, dans le baptême de Jésus, c’est ce mystère du Fils qui est manifesté, au moment où Jésus va commencer à parler et à agir en public, après trente années de vie cachée.

En ce jour, nous pensons aussi à notre propre baptême, et à la grâce immense reçue ce jour-là. Or la grâce particulière du baptême est de faire de nous des enfants de Dieu, des fils en Jésus. Nous sommes entrés par le baptême dans la communion divine, et il nous a été « donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » (Jn 1, 12). Nous devons donc, en devenant fils par adoption, reproduire en en nos vies, cette communion filiale d’amour qui unissait Jésus à son Père.

Renoncerons-nous pour cela à notre liberté ? C’est en effet ce qui est souvent répété : les chrétiens doivent obéir à des commandements, à une loi, à des dogmes, à des supérieurs… C’est là une incompréhension de ce que signifie « être fils ». Jésus dit dans l’Évangile : « Les fils sont libres » (Mt 17, 26 ; cf. aussi Jn 8, 34-36). Cela signifie que plus nous sommes fils, plus nous sommes libres. C’est ce qu’a vécu Jésus. C’est ce qu’a enseigné sainte Thérèse par sa voie de l’enfance spirituelle : être enfant de Dieu, c’est avancer librement dans la voie de l’amour.

L’esprit de fils, vécu en Jésus, à la suite et à la manière de Jésus, est source de maturité et de croissance. C’est d’ailleurs le témoignage que nous avons entendu il y a quelques jours de ce qui s’est vécu dans la Sainte Famille, où Jésus a vécu une relation de filiation humaine envers la Vierge Marie et spirituelle envers saint Joseph : « Il leur était soumis… Il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » (Lc 2, 51-52). La soumission filiale, libre, amoureuse, confiante, est source de croissance.

On pourrait faire une très belle application humaine de cette réalité, à l’heure où la filiation est si mal comprise dans nos sociétés occidentales, où une notion viciée de la liberté veut nous faire croire qu’il faudrait, pour être libre, s’affranchir de toute dépendance, de toute autorité, et ne rien recevoir de personne. Toute filiation – humaine ou spirituelle – doit prendre exemple sur celle de Jésus envers son Père. Et plus on est fils de cette manière, plus on est libre. Ajoutons que cette juste attitude filiale se puise dans la prière, qui entoure les deux événements où le Père fait entendre sa voix : le baptême et la Transfiguration. Et le fruit en est la communion, et la joie : « en lui je trouve ma joie ».

Que la Vierge Marie, Mère du Fils de Dieu, et Fille parfaite du Père, elle qui est à la fois la créature la plus confiante et obéissante, comme aussi la plus libre, nous aide à vivre en plénitude des grâces de notre baptême, à vivre en enfants de Dieu, dans la joie.

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