En aucun cas, on ne s'éloigne des puits, en aucun cas, on ne cesse de puiser de l'eau !
En parcourant l’Écriture... Les homélies d'Origène sur la Genèse (6/8)
5 - Rebecca
Avec cette série "En parcourant l'Ecriture", nous voudrions à nouveau vous faire partager les richesses de la littérature patristique et nous vous proposons de découvrir cette fois les écrits d'Origène avec ses Homélies sur la Genèse.
Voici aujourd'hui un extrait de la 10ème homélie, sur Rebecca (Gn 24)
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— Examinons ce qu'on vous a lu tout à l'heure : " Rébecca, dit l'Ecriture, venait puiser de l'eau au puits avec les jeunes filles de la ville. "
Chaque jour, Rébecca allait aux puits, chaque jour, elle puisait de l'eau. C'est à cela qu'elle dut de rencontrer le serviteur d'Abraham et d'épouser Isaac.
Peut-être pensez-vous que ce sont là des fables et que, dans les Écritures, l'Esprit Saint conte des histoires. Mais il y a là une science et un enseignement spirituels pour les âmes. Vous vous y formez et vous y apprenez à venir chaque jour aux puits des Écritures, aux eaux de l'Esprit Saint, à y puiser sans cesse et à en rapporter chez vous une pleine mesure.
Ainsi faisait sainte Rébecca, et elle n'aurait pu épouser le grand patriarche Isaac, " né en vertu de la promesse ", sans avoir puisé de l'eau, — sans en avoir puisé une quantité telle qu'elle pût donner à boire non seulement à ceux de sa maison, mais encore au serviteur d'Abraham, — et non seulement donner à boire au serviteur d'Abraham, mais abreuver encore ses chameaux "jusqu'à ce qu'ils cessent de boire ", dit l'Ecriture, — tant était abondante l'eau que Rébecca avait tirée du puits.
Tout est mystère, de ce qui est dans l'Ecriture. Le Christ veut vous fiancer à lui, vous aussi. C'est à vous qu'il s'adresse par les prophètes, quand il dit : " Je te fiancerai à moi pour toujours, je te fiancerai à moi dans la fidélité et la miséricorde et tu connaîtras le Seigneur. " Voulant donc vous fiancer à lui, le Christ vous envoie un serviteur. Ce serviteur, c'est la parole inspirée : sans l'avoir reçue, vous ne pouvez épouser le Christ. [...]
Le serviteur s'était dit en lui-même : " Celle qui me dira, parmi ces jeunes filles qui viennent puiser de l'eau : bois, puis j'abreuverai tes chameaux, celle-là sera l'épouse de mon maître. " — Alors Rébecca — ce nom signifie " patience " — dès qu'elle eut vu le serviteur, dès qu'elle aperçut la parole inspirée, " abaissa la cruche " qu'elle tenait sur l'épaule. Elle abaissa, en effet, la prétention hautaine de l'éloquence grecque et, s'inclinant vers l'humilité et la simplicité du langage inspiré, elle dit : " Bois, puis j'abreuverai tes chameaux. "
— Vous direz peut-être : si le serviteur représente la parole inspirée, comment se fait-il que Rébecca lui donne à boire, quand c'est plutôt lui qui devrait le faire ? Mais prenez garde : il fait comme le Seigneur Jésus. Le Seigneur Jésus est " le pain de vie " et nourrit les âmes qui ont faim, pourtant il déclare qu'il a faim lui aussi, quand il dit : " J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger. " — De même, il est " l'eau vive " et donne à boire à tous ceux qui ont soif, pourtant il dit lui-même à la Samaritaine : " Donne-moi à boire. "
Semblablement, la parole inspirée désaltère ceux qui ont soif, et pourtant on peut dire que ce sont ces derniers qui lui donnent à boire, quand elle est l'objet de la pratique et de l'étude de ceux qui s'intéressent à elle. Une âme qui fait ainsi tout avec patience, qui est entièrement disponible, qui s'applique à une connaissance si élevée et qui a pour règle d'aller au plus profond puiser les eaux de la science, une telle âme peut être prise par le Christ en mariage.
Par conséquent, si vous ne vous rendez pas aux puits tous les jours, si vous ne puisez pas de l'eau tous les jours, loin de pouvoir donner à boire aux autres, vous endurerez vous-mêmes " la soif de la parole de Dieu ". Ecoutez ce que dit le Seigneur dans les Évangiles : " Celui qui a soif, qu'il vienne et qu'il boive ! " [...]
" Et voici, dit l'Ecriture, qu'elle sortit vers le soir pour puiser de l'eau. " [...]
" Rébecca s'en va donc à l'eau le soir. " Tout à l'heure nous avons déjà parlé du soir. Mais remarquez la prudence du serviteur : il ne veut amener comme épouse à son maître Isaac qu'une vierge parée et qui a beau visage. Il ne lui suffit pas que ce soit une vierge, il faut aussi qu'aucun homme ne l'ait connue et qu'il la trouve en train de puiser de l'eau, car il ne veut pas en fiancer une autre à son maître.
Elle est simple dans sa toilette, sans apprêt, sans raffinement, et le serviteur ne lui donne de parures, " boucles d'oreilles et bracelets " que parce qu'elle est telle.
Faut-il penser que le père de Rébecca, riche certes, n'avait pas de bracelets ni de boucles d'oreilles à faire porter à sa fille ? Avait-il tant d'insouciance ou d'avarice pour ne point lui donner de parures ? C'est que Rébecca ne veut pas se parer de l'or de Bathuel : les parures d'un barbare et d'un ignorant ne lui conviennent pas. Mais elle cherche ses bijoux dans la maison d'Abraham, parce que la " patience " trouve sa parure dans la maison du sage.
Les oreilles de Rébecca n'auraient donc pas trouvé leur beauté si le serviteur d'Abraham n'était venu les embellir, et ses mains ne reçoivent d'autres parures que celles qu'a envoyées Isaac. Car elle veut recevoir dans ses oreilles des paroles d'or et tenir dans ses mains des actions toutes d'or. Mais elle n'aurait pu ni recevoir ni mériter tout cela, si elle n'était venue auparavant puiser de l'eau aux puits. Vous donc, qui ne voulez pas venir près des eaux, qui ne voulez pas recevoir dans les oreilles les paroles d'or des Prophètes, comment pourrez-vous porter la parure de la doctrine, la parure des œuvres, la parure de la vie ?
— Mais passons ! Car, actuellement, ce n'est pas le moment de commenter, mais d'édifier l'Eglise de Dieu et de remuer les auditeurs inertes et nonchalants par les exemples des saints et les explications mystiques.
Donc Rébecca, en suivant le serviteur, arrive chez Isaac, — comme l'Eglise, en suivant la parole inspirée, arrive au Christ. Et où le trouve-t-elle ? " Près du puits du serment, dit l'Ecriture, alors qu'il se promenait. "
Ainsi, en aucun cas, on ne s'éloigne des puits, en aucun cas, on ne cesse de puiser de l'eau. C'est près d'un puits que l'on trouve Rébecca. C'est près d'un puits qu'elle, à son tour, trouve Isaac. C'est là qu'elle l'aperçoit pour la première fois, c'est là qu'elle " saute de son chameau ", c'est là qu'elle voit Isaac que lui désigne le serviteur. Peut-être pensez-vous que l'Ecriture ne s'en tient qu'à cela sur les puits ? Mais c'est à un puits aussi que vient Jacob et qu'il trouve Rachel, c'est là que Rachel lui paraît " belle de taille et belle de visage ". C'est encore près d'un puits que Moïse trouve Séphora, fille de Raguel.
Tout cela ne vous frappe-t-il pas et ne comprenez-vous pas que cela a un sens spirituel ? Vous croyez peut-être que c'est un hasard si les Patriarches viennent toujours à des puits et si leurs unions se contractent toujours au bord des eaux ? Quiconque se l'imagine est " l'homme animal qui ne perçoit pas les choses de l'Esprit de Dieu ". En reste là qui voudra, demeure " animal " qui voudra. Pour moi, à la suite de l'Apôtre Paul, je dis que ces choses sont " allégoriques ", et je dis que les noces des saints représentent l'union de l'âme avec le Verbe de Dieu, car " celui qui s'unit au Seigneur est un seul esprit avec lui ".
Quant à cette union de l'âme avec le Verbe, il est certain qu'elle ne peut se réaliser que par l'étude des Livres Saints, qui sont des puits, selon leur appellation figurée. Quiconque vient à ces puits et y puise de l'eau, c'est-à-dire quiconque, méditant l'Ecriture, en approfondit le sens, aura des noces dignes de Dieu, car son âme est unie avec Dieu. Celui-là descend aussi de son chameau, c'est-à-dire qu'il se défait de ses vices, rejette ses instincts déraisonnables, et s'unit à Isaac, car il convient qu'Isaac s'avance de " vertu en vertu ". Le fils de la " vertu " qui est Sara se lie et s'unit maintenant à la " patience " qui est Rébecca, car c'est en cela que consiste le passage " de la vertu à la vertu " et " de la foi à la foi ".
Mais venons-en aux Évangiles. Quand le Seigneur lui-même " est fatigué de marcher ", voyons, où cherche-t-il le repos ? — " Il arriva près d'un puits, dit l'Ecriture, et il s'assit sur le bord ".
Vous le voyez, partout les mystères se répondent, il y a accord des figures entre le Nouveau et l'Ancien Testament. Dans l'Ancien, c'est aux puits et à leurs eaux que l'on se rend pour trouver des épouses, et c'est dans le bain de l'eau que l'Eglise s'unit au Christ.
Voyez quel poids de mystères nous accable ! Ils se présentent si nombreux que nous ne pouvons les expliquer. Du moins doivent-ils vous exciter à écouter et à venir aux assemblées. Ainsi, même si nous passons trop vite sur quelques-uns, vous pourrez, lorsque vous y reviendrez et que vous vous y appliquerez, faire la lumière et trouver par vous-mêmes. Puissiez-vous au moins persévérer dans la recherche, afin que le Verbe de Dieu, vous trouvant vous aussi près de l'eau, vous prenne et vous unisse à lui, pour devenir avec lui " un seul esprit " dans le Christ Jésus Notre Seigneur, " à qui sont la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il ".
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Dans la même série :
Introduction : il a écouté la Parole de Dieu et l'a mise en pratique
1 - Mesurons la grandeur de l'homme !
2 - Il en rencontre trois mais n'en adore qu'un
3 - Prenez Sara, c'est-à-dire la vertu, pour épouse !
4 - Perdre quelque chose pour Dieu, c'est le retrouver plusieurs fois
5 - En aucun cas on ne s'éloigne des puits, en aucun cas on ne cesse de puiser de l'eau !