Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne !

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En parcourant l'Ecriture... La prière du Notre Père (3/8)

Que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne !

Après l’apostrophe « Notre Père qui es aux Cieux » qui indique à qui l’on s’adresse dans la prière (la communication étant ainsi établie !), viennent ensuite les 7 demandes du Notre Père. Les trois premières sont ordonnées à Dieu - c’est l’excellence de l’amour que de s’intéresser d’abord à l’Être aimé ! - ; les quatre suivantes présentent nos attentes. Ici, nous verrons les deux premières demandes « que ton Nom soit sanctifié ; que ton Règne vienne » après avoir fait quelques remarques générales sur cette première série de 3 demandes.

I – Remarques générales sur les 3 premières demandes

Les premières demandes du Notre Père, et tout particulièrement la première, sont au passif, sans complément d’agent, c’est le « passif divin ». Il implique deux réalités : Dieu seul peut sanctifier son Nom, assurer efficacement sa gloire etc., mais nous lui demandons aussi la grâce de pouvoir  y contribuer nous-mêmes le plus possible. C’est EN JESUS que Dieu sanctifiera pleinement son Nom, assurera son règne etc. (dans son Nom-même = « Dieu sauve », dans ses actes, dans son œuvre de Rédemption), et nous nous y associons par participation.

Autre remarque : l’expression « sur la terre comme au Ciel » qui conclue les 3 premières demandes et que nous verrons plus spécifiquement pour la 3e, se rapporte également aux deux autres pour que, sur la terre, son Nom soit sanctifié comme au Ciel, son règne arrive comme il est déjà au Ciel !

II – Que ton Nom soit sanctifié

1.La valeur du nom

Comme nous l’avons déjà vu, dans la Bible le Nom désigne l’être de quelqu’un, et/ou son rôle ;  connaître le nom, c’est donc connaître la personne. C’est ainsi qu’en donnant son Nom à Moïse dans le Buisson ardent, « YHWH » « Je suis Celui qui suis »[1], Dieu se révèle à lui, Il se fait connaître. Mais en même temps, le Nom révélé par Dieu est à la fois un nom et une absence de nom. Benoît XVI, dans son livre Jésus de Nazareth [2], souligne ainsi que Dieu veut faire comprendre à Moïse, qui vit dans un monde polythéiste, qu’Il n’est pas ‘un dieu parmi les autres dieux’ : Il est le seul Dieu, vraiment Dieu donc unique : « Il Est », Point.

Avec le 2e commandement, Dieu demande expressément à Moïse que ce Nom soit honoré et qu’Il ne soit pas prononcé à faux : le Nom de Dieu a valeur de Dieu Lui-même, et ceci est vrai aussi bien dans l’Ancien Testament (on sait que, par respect pour ce Nom, les juifs en viendront à ne plus prononcer le Nom de Dieu si ce n’est une fois par an par le Grand Prêtre dans le Saint des saints) que dans le Nouveau (la mission de Jésus est de faire connaître « le Nom » de son Père (Jn 17,6) [3], les Apôtres sont heureux d’avoir été jugés dignes d’être outragés pour « le Nom » (Ac 5, 41) [4]…).

En donnant son Nom aux hommes, Dieu leur permet d’entrer en contact avec Lui : Il se rend vulnérable et prend le risque que ce Nom soit sali et utilisé pour justifier des actes qui sont contraires à son Être-même. Dans la Bible, on voit donc Dieu qui agit « par égard pour son Nom » - et parfois les prophètes Le supplient en ce sens -, afin que sa sainteté soit préservée.

Exemples :

Dn 9, 19 : Seigneur, écoute ! Seigneur, pardonne ! Seigneur, sois attentif et agis ! Ne tarde pas ! C’est pour ta cause, mon Dieu, car c’est ton nom qui est invoqué sur ta ville et ton peuple ! »

Ba 3,5-6 : « Ne te souviens pas des injustices de nos pères, mais souviens-toi, en cette heure, de ta main et de ton nom. Car tu es le Seigneur notre Dieu, et nous voulons te louer, Seigneur. »

Ez 20,39 : « Alors vous saurez que Je suis le Seigneur, quand j’agirai envers vous à cause de mon nom, et non pas d’après votre mauvaise conduite et vos actes corrompus, maison d’Israël – oracle du Seigneur Dieu ».

Ez. 36, 20-23 : «Dans les nations où ils sont allés, ils ont profané mon saint nom, car on disait : “C’est le peuple du Seigneur, et ils sont sortis de son pays !” Mais j’ai voulu épargner mon saint nom, que les gens d’Israël avaient profané dans les nations où ils sont allés. Eh bien ! Tu diras à la maison d’Israël : Ainsi parle le Seigneur Dieu : Ce n’est pas pour vous que je vais agir, maison d’Israël, mais c’est pour mon saint nom que vous avez profané dans les nations où vous êtes allés. Je sanctifierai mon grand nom, profané parmi les nations, mon nom que vous avez profané au milieu d’elles. Alors les nations sauront que Je suis le Seigneur – oracle du Seigneur Dieu – quand par vous je manifesterai ma sainteté à leurs yeux.)

2. Sanctifié = mis à part et glorifié

Puisque Dieu EST la sainteté, pourquoi et comment sanctifier son Nom ?

Le mot hébreu qui est utilisé dans la prière du Notre Père, « qâdash », signifie plus exactement « mettre à part », « mettre en relief », « distinguer ». Il veut nous faire contempler la transcendance de Dieu, la distance qui sépare Dieu de la créature et qui doit nous conduire à l’adoration : on pourrait dire « que ton Nom soit glorifié ! ». En demandant que le Nom de Dieu soit sanctifié, on demande que soit reconnue la grandeur de Dieu et que tout honneur Lui soit rendu. A ce propos, Benoît XVI nous interroge : « Comment est-ce que je traite le nom sacré de Dieu ? Est-ce que je me tiens avec une crainte respectueuse devant le mystère du Buisson ardent, devant l’énigme insondable de sa proximité jusqu’à sa présence dans l’Eucharistie, dans laquelle Il se met vraiment entre nos mains ? Est-ce que je veille à ce que Dieu avec nous, dans sa sainteté, ne soit pas trainé dans la boue, mais qu’Il nous élève à la hauteur de sa pureté et de sa sainteté ? »[5]

Et comment pouvons-nous faire honneur à Dieu sinon en vivant pleinement en chrétien ? C’est ce que nous dit Saint Cyprien : « Qui pourrait sanctifier Dieu, puisque lui-même sanctifie ? Mais nous inspirant de cette parole ‘Soyez saints, parce que moi je suis Saint’ (Lv 20, 26), nous demandons que, sanctifiés par le baptême, nous persévérions dans ce que nous avons commencé à être. »[6]. Il dépend inséparablement de notre vie et de notre prière que son Nom soit sanctifié parmi les nations,[7] « Car si nous vivons bien, le nom divin est béni ; mais si nous vivons mal, il est blasphémé, selon la parole de l’Apôtre : ‘Le Nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations » nous dit Saint Pierre Chrysologue[8] !

Mais nous connaissons bien notre faiblesse, c’est pourquoi, tout en œuvrant pour que le Nom de Dieu soit sanctifié, nous demandons en même temps à Dieu qu’Il prenne en charge Lui-même la sanctification de son Nom, qu’Il veille à ce que ce Nom soit préservé de toute déformation. Et c’est en Jésus que le Nom du Père est parfaitement glorifié, puisqu’Il nous a manifesté le Père dans toute sa sainteté ; c’est donc en priant le Notre Père avec Jésus, « dans le Nom de Jésus » que nous travaillons efficacement à ce que le Nom du Père soit sanctifié, en commençant par être sanctifié en nous.

III – Que ton règne vienne !

Cette demande du « règne de Dieu » était familière aux premiers chrétiens : c’est le fameux « nous attendons ton retour dans la gloire » que nous demandons à chaque messe, le « Marana Tha » de l’Apocalypse : « Viens Seigneur Jésus ! » (cf. CEC n°2817).

1.Basileïa : signification

Le terme « règne » utilisé provient cette fois du grec « basileïa », qui peut se traduire effectivement par « règne », c’est-à-dire l’exercice du pouvoir royal, ou par « royauté » qui traduit plus la dignité du roi, ou par « royaume » qui désigne l’état régi par un roi, comme territoire et personnes soumises à son autorité.

Pour le Père Lagrange (o.p.), il est clair qu’il faut, dans le Notre Père, traduire par « règne », car un royaume ne vient pas, alors que le règne peut venir, la royauté de Dieu s’étendre. Quoi qu’il en soit, on aboutit à la même réalité, mais selon deux points de vue comme le fait remarquer le Père Carmignac[9] : le point de vue de Dieu dans le cas du règne (c’est alors Dieu qui étend son règne) ou le point de vue de l’homme dans le cas du royaume (car on ne peut pas dire qu’un royaume vient vers un homme puisqu’alors au contraire c’est l’homme qui se dirige vers le royaume, qui entre dans le royaume).

Ce qu’on annonce, ce qu’on appelle de nos vœux, c’est la primauté de Dieu dans nos vies. Benoît XVI écrivait : « Par cette demande, nous reconnaissons d’abord le primat de Dieu. Là où Dieu n’est pas, rien ne peut être bon. Là où l’on ne voit pas Dieu, l’homme déchoit, ainsi que le monde. C’est dans ce sens que le Seigneur nous dit : « cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela [nourriture, vêtement…] vous sera donné par-dessus le marché. (Mt 6,33). Ce mot établi un ordre de priorité pour l’agir humain, pour nos attitudes dans le quotidien »[10].

2. Règne de Dieu ou règne de Satan : le choix entre les 2 étendards !

Si on demande que Dieu soit Roi sur la terre, c’est qu’on a conscience que « le Prince de ce monde » = Satan y étend pour l’instant son pouvoir… Le Royaume de l’un avance quand l’autre recule… c’est ce que disait notre Pape François aux Petits Chanteurs rassemblés à Rome : « il y a une chose dont on n’aime pas parler mais dont il faut parler : dans le monde il y a la lutte entre le bien et le mal – disent les philosophes –, la lutte entre le diable et Dieu. Ça existe toujours. […] Cette lutte entre le diable et Dieu, dit la Bible, continuera jusqu’à la fin. Est-ce clair ? Vous avez compris ? Nous avons tous en nous un champ de bataille. On lutte entre le bien et le mal, tout le monde. »[11]. Il nous faut donc « choisir notre étendard » comme dirait St Ignace, et combattre avec Dieu… ou Satan ! Nous avons la chance de savoir, nous, que la victoire de Dieu est certaine : le Royaume de Satan a été vaincu sur la Croix, et le Royaume de Dieu est déjà là. Mais Dieu nous demande notre collaboration pour hâter la venue de son règne. (« La guide travaille à établir le règne du Christ dans toute sa vie et dans le monde qui l’entoure »  - 2e principe du scoutisme !)

Dans la prière du Seigneur, il s’agit principalement de la venue finale du Règne de Dieu par le retour du Christ (cf. Tt 2, 13). Mais ce désir ne distrait pas l’Église de sa mission dans ce monde-ci, il l’y engage plutôt. Car depuis la Pentecôte, la venue du Règne est l’œuvre de l’Esprit du Seigneur " qui poursuit son œuvre dans le monde et achève toute sanctification " (MR, prière eucharistique IV).[12] Cependant, dans un discernement selon l’Esprit, les chrétiens doivent distinguer entre la croissance du Règne de Dieu et le progrès de la culture et de la société où ils sont engagés. Cette distinction n’est pas une séparation. La vocation de l’homme à la vie éternelle ne supprime pas mais renforce son devoir de mettre en pratique les énergies et les moyens reçus du Créateur pour servir en ce monde la justice et la paix.[13]. En bref, nous devons travailler à répandre le Royaume de Dieu en ayant souci de nos frères sur la terre, ce travail étant comme une préparation mais non comme une fin ultime en soi.

Pour relire les articles précédents :

[1] Cf. Gn 3 ; 13-15 : Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS”. » Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est LE SEIGNEUR, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en âge.

[2] Benoît XVI – Jésus de Nazareth – Tome 1 : La prière du Seigneur (p.166).

[3] Jn 17, 6 : « J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. » et Jn 17, 11-12 : « Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Quand j’étais avec eux, je les gardais unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu, sauf celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Écriture soit accomplie. »

[4] Ac 5,41 : Quant à eux, quittant le Conseil suprême, ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le nom [de Jésus].

[5] Benoît XVI – Jésus de Nazareth – Tome 1 : La prière du Seigneur (p.168).

[6] S. Cyprien, Dom. orat. 12

[7] CEC n°2814

[8] S. Pierre Chrysologue, serm. 71

[9] Jean Carmignac – à l’écoute du Notre Père. (p.30)

[10] Benoît XVI – Jésus de Nazareth – Tome 1 : La prière du Seigneur (p.168).

[11] Dialogue du Pape François avec les Pueri Cantores – 31 déc. 2015

[12] CEC n°2818

[13] CEC n°2820

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