Dans la Maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures...
En parcourant l’Écriture... Les images du Ciel dans la Bible (5/8)
La maison du Père - la Demeure de Dieu
Comme 4e image du Ciel, penchons-nous aujourd’hui sur les expressions « Maison du Père » ou « Demeure de Dieu ».
Lorsque nous évoquons la Maison du Père, c’est d’abord la figure paternelle qui nous apparaît. Depuis l’Ancien Testament, Dieu se révèle comme le Père : Père d’Israël, plein d’amour et de sollicitude pour son « fils premier-né », un Père aux entrailles de mère, plein de miséricorde et de tendresse, en même tant que d’exigences pour ses enfants. Quant à Jésus, Il se présente comme « le Fils » en constante union avec « son Père ».
« En désignant Dieu du nom de " Père ", le langage de la foi indique principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être exprimée par l’image de la maternité (cf. Is 66, 13 ; Ps 131, 2) qui indique davantage l’immanence de Dieu, l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont d’une certaine façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et qu’ils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il n’est ni homme, ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf. Ps 27, 10), tout en en étant l’origine et la mesure (cf. Ep 3, 14 ; Is 49, 15) : Personne n’est père comme l’est Dieu. [1]» dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique.
Ainsi, en pensant à la Maison du Père, nous pensons à la sécurité que nous assure la présence paternelle, à la chaleur du foyer familial, au lieu familier depuis l’enfance.
Depuis l’Ancien Testament aussi, la Maison du Père, la Demeure de Dieu, c’est d’abord le Temple de Jérusalem : « Entrons dans la demeure de Dieu, prosternons-nous aux pieds de son trône. Monte, Seigneur, vers le lieu de ton repos, toi, et l'arche de ta force ! » dit le Psaume 131 (v. 7-8). Jésus Lui-même, alors qu’Il en chasse les vendeurs, considère bien le Temple de Jérusalem comme la Maison de son Père : « Comme la Pâque juive était proche, Jésus monta à Jérusalem. Dans le Temple, il trouva installés les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs. Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple, ainsi que les brebis et les bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs, et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : L’amour de ta maison fera mon tourment. » (Jn 2, 13-17)
Cependant, le Temple de Jérusalem – tout comme nos églises actuelles - n’est qu’une figure de la véritable Maison du Père, celle qui est au Ciel. Ainsi Saint Etienne, lorsqu’il fait le récit de l’Histoire du Salut pour ses adversaires, déclare : « Nos pères, dans le désert, avaient la tente. Elle avait été faite d’après les ordres de Celui qui parlait à Moïse et qui lui en avait montré le modèle. Après avoir reçu cette tente, nos pères, avec Josué, la firent entrer dans le pays que les nations possédaient avant que Dieu les chasse loin du visage de nos pères. Cela dura jusqu’au temps de David. Celui-ci trouva grâce devant Dieu et il pria afin de trouver une demeure au Dieu de Jacob. Mais ce fut Salomon qui lui construisit une maison. Pourtant, le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? » (Ac 7, 44-50).
Et dans l’Apocalypse, Saint Jean rapporte effectivement : « Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. » (Ap 21,3).
Nous savons que Dieu nous attend « dans sa Maison » ; Jésus en effet nous a dit : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. Pour aller où je vais, vous savez le chemin. » Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? » Jésus lui répond : « Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi.» (Jn 14, 1-6)
Et Dieu désire que sa maison soit remplie : « Le maître [qui avait préparé un grand festin auquel tous ses invités ont refusé de venir] dit alors au serviteur : “Va sur les routes et dans les sentiers, et fais entrer les gens de force, afin que ma maison soit remplie. » (Lc 14,23)
Pour aller à la Maison du Père, il faut donc passer par Jésus. « Si la clé n'est pas bonne, la porte ne s'ouvre pas. Car, dit le Bon Pasteur, c'est à lui que le portier ouvre (Jn 10,3). Mais si la porte ne s'ouvre pas, personne n'entre dans la maison du Père, car le Christ a dit : Personne ne va vers le Père sans passer par moi (Jn 14,6). Or, c'est l'Esprit Saint qui, le premier, ouvre notre esprit et nous enseigne ce qui concerne le Père et le Fils. [2]»
Comme Fils demeurant dans la Maison du Père, Jésus a le pouvoir de nous y faire entrer en nous libérant du péché : « Jésus leur répondit : « Amen, amen, je vous le dis : qui commet le péché est esclave du péché. L’esclave ne demeure pas pour toujours dans la maison ; le fils, lui, y demeure pour toujours. Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres. » (Jn 8, 34-36)
Libérés par le Christ, nous devenons à notre tour « des fils », et comme fils, nous devenons héritiers dans la Maison du Père ! Saint Paul dit en effet : « De même nous aussi, quand nous étions des petits enfants, nous étions en situation d’esclaves, soumis aux forces qui régissent le monde. Mais lorsqu’est venue la plénitude des temps, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme et soumis à la loi de Moïse, afin de racheter ceux qui étaient soumis à la Loi et pour que nous soyons adoptés comme fils. Et voici la preuve que vous êtes des fils : Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos cœurs, et cet Esprit crie « Abba ! », c’est-à-dire : Père ! Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils, et puisque tu es fils, tu es aussi héritier : c’est l’œuvre de Dieu. » (Ga 4, 3-7)
C’est librement que nous accédons à la Maison du Père, car c’est librement que nous choisissons d’aimer Dieu et de nous attacher à Jésus. Et ceci est vrai pour nous comme pour les anges. Ainsi les anges déchus, ceux qui ont refusé de servir Dieu, ont-ils quitté la demeure paternelle : « quant aux anges qui n’ont pas gardé la dignité de leur rang, mais ont quitté la demeure qui était la leur, le Seigneur les maintient enchaînés à perpétuité dans les ténèbres en vue du jugement du grand jour » (Jude v.5-6)
En fin, il est bon de rappeler que notre vie terrestre est un pèlerinage vers la Maison du Père ; c’est ce que Saint Jean-Paul II nous exprimait lorsqu’il nous préparait à entrer dans le IIIe millénaire : « ‘Je suis sorti d'auprès du Père et venu dans le monde ; à présent, je quitte le monde et je vais vers le Père’ (Jn 16, 28). […] Nous voulons à présent vivre la troisième année de préparation au Jubilé, désormais imminent, comme un pèlerinage vers la maison du Père. Nous nous insérons ainsi dans l'itinéraire qui, partant du Père, reconduit les créatures vers le Père, selon le dessein d'amour pleinement révélé dans le Christ. [3]».
C’est ce que lui-même, Jean-Paul II, a vécu. Un peu avant sa mort, en effet, il ne désirait plus qu’une chose… « Les derniers mots de saint Jean-Paul II furent : « Laissez-moi aller à la Maison du Père ». Puis, le Saint Père a achevé sa vie d’un simple « Amen ». C’est une parole et une prière qui fait écho aux derniers mots de Jésus sur la croix : « Tout est consommé » (Jn 19, 30).[4]»
Et nous nous rappelons comment, dans l’homélie de ses funérailles, le Cardinal Ratzinger avait repris cette expression pour conclure : « Pour nous tous demeure inoubliable la manière dont en ce dernier dimanche de Pâques de son existence, le Saint-Père, marqué par la souffrance, s’est montré encore une fois à la fenêtre du Palais apostolique et a donné une dernière fois la Bénédiction Urbi et Orbi. Nous pouvons être sûrs que notre Pape bien-aimé est maintenant à la fenêtre de la maison du Père, qu’il nous voit et qu’il nous bénit. Oui, puisses-tu nous bénir, Très Saint Père, nous confions ta chère âme à la Mère de Dieu, ta Mère, qui t’a conduit chaque jour et te conduira maintenant à la gloire éternelle de son Fils, Jésus Christ, notre Seigneur. Amen. [5]»
Ainsi, la Maison du Père n’est pas close sur elle-même : ses habitants ne se désintéressent pas de la vie des habitants de la terre… Par la fenêtre, ils nous voient, ils intercèdent pour nous… et nous pressent de les rejoindre comme Saint Bède le Vénérable : lui aussi, exhortait ses frères à se préparer pour habiter la maison du Seigneur : « Frères très chers, si nous désirons, dans la béatitude du siècle futur, habiter la maison du Seigneur pour le louer éternellement, il faut sans nul doute, dès ce siècle, montrer activement par avance ce que nous cherchons pour ce siècle futur. Il faut visiter les églises, non seulement en y chantant les louanges du Seigneur, mais encore en montrant, aussi bien par nos actes que par nos paroles, ce qui contribue à la louange et à la gloire de notre Créateur sur toute l'étendue de son empire (Ps 102,22).[6] »
Concluons aujourd’hui par cette homélie de Saint Cyrille d’Alexandrie, commentant l’évangile de Saint Jean :
« Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? (Jn 14,2)
Si les demeures auprès du Père n'avaient pas été nombreuses, le Seigneur aurait dit qu'il partait en avant-coureur, manifestement afin de préparer les demeures des saints. Mais il savait que beaucoup étaient déjà prêtes et attendaient l'arrivée des amis de Dieu. Il donne donc un autre motif à son départ : préparer la route à notre ascension vers ces places du ciel en frayant un passage, alors qu'auparavant cette route était impraticable pour nous. Car le ciel était absolument fermé aux hommes, et jamais aucun être de chair n'avait pénétré dans ce très saint et très pur domaine des anges.
C'est le Christ qui inaugura pour nous ce chemin vers les hauteurs. En s'offrant lui-même à Dieu le Père comme les prémices de ceux qui dorment dans les tombeaux de la terre, il permit à la chair de monter au ciel, et il fut lui-même le premier homme apparu à ses habitants. Les anges ne connaissaient pas le mystère auguste et grandiose d'une intronisation céleste de la chair. Ils voyaient avec étonnement et admiration cette ascension du Christ. Presque troublés à ce spectacle inconnu, ils s'écriaient : Quel est celui-là qui arrive d'Édom (Is 63,1), c'est-à-dire de la terre ? Mais l'Esprit ne permit pas que la milice céleste demeurât dans l'ignorance de cette disposition admirable de la sagesse de Dieu le Père. Il ordonna qu'on ouvrît les portes devant le Roi et Seigneur de l'univers : Princes, ouvrez vos portes, portes éternelles : qu'il entre, le roi de gloire (Ps 23,7 LXX)!
Donc, notre Seigneur Jésus Christ inaugura pour nous cette voie nouvelle et vivante : comme dit saint Paul, il n'est pas entré dans un sanctuaire construit par les hommes, mais dans le ciel lui-même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu (He 9,24).
En effet, le Christ n'est pas monté pour se faire voir de Dieu son Père, car il était, il est et il sera toujours dans le Père, sous le regard de celui qui l'engendre, et c'est en lui qu'il se réjouit éternellement. Il monte maintenant, d'une façon étrange et insolite pour un homme, lui, le Verbe qui, à l'origine, n'avait pas revêtu l'humanité. S'il l'a fait, c'est pour nous et en notre faveur, afin que, reconnu comme un homme (Ph 2,7), mais avec la puissance du Fils, et entendant avec sa chair ce décret : Siège à ma droite (Ps 109,1), il puisse, établi lui-même comme Fils, transmettre la gloire de la filiation à tout le genre humain.
Car, puisqu'il est devenu homme, c'est comme l'un de nous qu'il siège à la droite du Père, bien qu'il soit supérieur à toute la création et consubstantiel au Père - il est en effet vraiment venu de lui, puisqu'il est Dieu venu de Dieu et lumière venue de la lumière.
Comme homme, il s'est présenté devant le Père en notre faveur, pour nous rendre capables de nous tenir debout devant la face du Père, alors que l'antique péché nous en avait chassés. Comme Fils, il s'est assis pour que nous-mêmes, à cause de lui, nous puissions être appelés fils de Dieu.
Aussi Paul, persuadé de parler au nom du Christ (cf. 2Co 13,3), enseigne-t-il que tout ce qui a été accordé au Christ est communiqué à l'humanité, puisque Dieu nous a ressuscités avec Jésus Christ et nous a fait asseoir dans les cieux avec lui (Ep 2,6). L'honneur et la gloire de siéger au ciel est propre au Christ, qui est Fils par nature. C'est à lui seul que cela revient et que nous le reconnaissons au sens strict. Il a beau avoir pris notre ressemblance en apparaissant comme un homme : la divinité lui appartient parce qu'il est Dieu, mais il nous transmet mystérieusement le don d'une telle dignité. [7]»
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[1] Catéchisme de l’Eglise Catholique n°239
[2] Syméon le Nouveau Théologien – L’Esprit-Saint, Clé de la connaissance - Catéchèses, 33, SC 113, 255-261.
[3] Jean-Paul II – Audience générale du 16 décembre 1998
[4] Patrick Kelly, Directeur du Sanctuaire Saint Jean-Paul II de Washington – Interview pour Famille Chrétienne, 1er avril 2015
[5] Homélie du Cal Ratzinger pour la messe de funérailles de Jean-Paul II – 8 avril 2005
[6] Bède le Vénérable – grandir en humilité - Homélies, 1, 19, CCL 122, 134-135 137-139
[7] Saint Cyrille d’Alexandrie – « Il est allé nous préparer une place » - Commentaire sur l'évangile de Jean, 9, sur Jn 14,2-3; PG 74, 182-183
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1- le Paradis : Au vainqueur, je donnerai de goûter à l’arbre de la vie qui est dans le paradis de Dieu
2 - le Ciel : Dieu nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus.
3 - Le Royaume des Cieux : Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche !
4 - La Maison du Père : Dans la Maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures…
5 - La Cité Sainte, la Jérusalem céleste : Je vis la Cité Sainte, la Jérusalem Nouvelle
6 - Le festin des Noces : Heureux les invités au festin des Noces de l’Agneau !
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