L'espérance chrétienne d'après Benoît XVI

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Voici quelques morceaux choisis de l’encyclique ''Spe Salvi'' de Benoît XVI (donnée en 2007), qui ont été commentés lors de la formation de GM à Lyon le 3 décembre dernier.

Une bonne façon d'approfondir le sens profond de l'Espérance chrétienne, qui doit transformer notre vie aujourd'hui.

En bas de page, en annexe, deux numéros du Compendium et l'acte d'Espérance.

Sauvés dans l’espérance

« SPE SALVI facti sumus » – dans l'espérance nous avons tous été sauvés, dit saint Paul aux Romains et à nous aussi (RM 8,24). Selon la foi chrétienne, la « rédemption », le salut n'est pas un simple donné de fait. La rédemption nous est offerte en ce sens que nous a été donnée l'espérance, une espérance fiable, en vertu de laquelle nous pouvons affronter notre présent: le présent, même un présent pénible, peut être vécu et accepté s'il conduit vers un terme et si nous pouvons être sûrs de ce terme, si ce terme est si grand qu'il peut justifier les efforts du chemin. Maintenant, une question s'impose immédiatement: mais de quel genre d'espérance s'agit-il pour pouvoir justifier l'affirmation selon laquelle, à partir d'elle, et simplement parce qu'elle existe, nous sommes rachetés? Et de quel genre de certitude est-il question ? (n. 1)

L’espérance nait de la rencontre avec Dieu

Maintenant se pose la question suivante: en quoi consiste cette espérance qui, comme espérance, est « rédemption »? En fait: le cœur même de la réponse est donné dans le passage de la Lettre aux Éphésiens cité précédemment: avant leur rencontre avec le Christ, les Éphésiens étaient sans espérance, parce qu'ils étaient « sans Dieu dans le monde ». Parvenir à la connaissance de Dieu, le vrai Dieu, cela signifie recevoir l'espérance. Pour nous qui vivons depuis toujours avec le concept chrétien de Dieu et qui nous y sommes habitués, la possession de l'espérance, qui provient de la rencontre réelle avec ce Dieu, n'est presque plus perceptible. (n. 3)

L’espérance change notre vie

St Paul dit aux Thessaloniciens: vous ne devez pas être « abattus comme les autres, qui n'ont pas d'espérance » (1TH 4,13). Ici aussi, apparaît comme élément caractéristique des chrétiens le fait qu'ils ont un avenir: ce n'est pas qu'ils sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant. C'est seulement lorsque l'avenir est assuré en tant que réalité positive que le présent devient aussi vivable. (…) Cela signifie que l'Évangile n'est pas uniquement une communication d'éléments que l'on peut connaître, mais une communication qui produit des faits et qui change la vie. La porte obscure du temps, de l'avenir, a été ouverte toute grande. Celui qui a l'espérance vit différemment; une vie nouvelle lui a déjà été donnée.

Qu’est-ce que la vie éternelle ?

(…) l'éternité n'est pas une succession continue des jours du calendrier, mais quelque chose comme le moment rempli de satisfaction, dans lequel la totalité nous embrasse et dans lequel nous embrassons la totalité. Il s'agirait du moment de l'immersion dans l'océan de l'amour infini, dans lequel le temps – l'avant et l'après – n'existe plus. Nous pouvons seulement chercher à penser que ce moment est la vie au sens plénier, une immersion toujours nouvelle dans l'immensité de l'être, tandis que nous sommes simplement comblés de joie. C'est ainsi que Jésus l'exprime dans Jean: « Je vous reverrai, et votre cœur se réjouira; et votre joie, personne ne vous l'enlèvera » (16, 22). Nous devons penser dans ce sens si nous voulons comprendre ce vers quoi tend l'espérance chrétienne, ce que nous attendons par la foi, par notre être avec le Christ.

Jésus vrai guide pour notre vie

Les sarcophages des débuts du christianisme illustraient de manière visible cette conception devant la mort, face à laquelle la question concernant la signification de la vie devient inévitable. La figure du Christ est interprétée sur les sarcophages antiques surtout au moyen de deux images: celle du philosophe et celle du pasteur. (…) Le philosophe était plutôt celui qui savait enseigner l'art essentiel: l'art d'être homme de manière droite – l'art de vivre et de mourir. (…) On cherchait d'autant plus le vrai philosophe qui saurait indiquer vraiment la voie de la vie. Vers la fin du troisième siècle, nous trouvons pour la première fois à Rome, sur le sarcophage d'un enfant, dans le contexte de la résurrection de Lazare, le Christ comme figure du vrai philosophe qui, dans une main, tient l'Évangile et, dans l'autre, le bâton de voyage du philosophe. Avec son bâton, il est vainqueur de la mort; l'Évangile apporte la vérité que les philosophes itinérants avaient cherchée en vain. Le Christ nous dit qui, en réalité, est l'homme et ce qu'il doit faire pour être vraiment homme. Il nous indique la voie et cette voie est la vérité. Il est lui-même à la fois l'une et l'autre, et donc il est aussi la vie dont nous sommes tous à la recherche. Il indique aussi la voie au delà de la mort; seul celui qui est en mesure de faire ainsi est un vrai maître de vie. La même chose est visible dans l'image du pasteur. Dans ce dernier, le pasteur était en général l'expression du rêve d'une vie sereine et simple. (…) L'image était alors perçue dans le cadre d'un scénario nouveau qui lui conférait un contenu plus profond: « Le Seigneur est mon berger: je ne manque de rien... Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi » (PS 22,1 22,4 23, 1. 4). Le vrai pasteur est Celui qui connaît aussi la voie qui passe par les ravins de la mort; Celui qui marche également avec moi sur la voie de la solitude ultime, où personne ne peut m'accompagner, me guidant pour la traverser: Il a parcouru lui-même cette voie, il est descendu dans le royaume de la mort, il l'a vaincu et il est maintenant revenu pour nous accompagner et pour nous donner la certitude que, avec Lui, on trouve un passage. La conscience qu'existe Celui qui m'accompagne aussi dans la mort et qui, « avec son bâton, me guide et me rassure », de sorte que « je ne crains aucun mal » (PS 22 23, 4), telle était la nouvelle « espérance » qui apparaissait dans la vie des croyants.

Espérance et société

Le christianisme n'avait pas apporté un message social révolutionnaire (…). Jésus n'était (…) un combattant pour une libération politique. Ce que Jésus, personnellement mort sur la croix, avait apporté était quelque chose de totalement différent: la rencontre avec le Seigneur de tous les seigneurs, la rencontre avec le Dieu vivant, et ainsi la rencontre avec l'espérance qui était plus forte que les souffrances de l'esclavage et qui, de ce fait, transformait de l'intérieur la vie et le monde.

Benoit XVI cite l’exemple de Philémon et Onésime.

Les hommes qui, selon leur condition sociale, ont entre eux des relations de maîtres et d'esclaves, en tant que membres de l'unique Église, sont devenus frères et sœurs les uns des autres – c'est ainsi que les chrétiens se nomment les uns les autres. En vertu du Baptême, ils avaient été régénérés, ils s'étaient abreuvés du même Esprit et ils recevaient ensemble, côte à côte, le Corps du Seigneur. Même si les structures extérieures demeuraient identiques, cela changeait la société, de l'intérieur. Si la Lettre aux Hébreux dit que les chrétiens n'ont pas ici-bas une demeure stable, mais qu'ils cherchent la demeure future (cf. HE 11,13-16 Ph 3, 20), cela est tout autre qu'un simple renvoi à une perspective future: la société présente est considérée par les chrétiens comme une société imparfaite; ils appartiennent à une société nouvelle, vers laquelle ils sont en chemin et qui, dans leur pèlerinage, est déjà anticipée.

La fausse espérance du progrès

(…) l'ambiguïté du progrès est rendue évidente. Sans aucun doute, le progrès offre de nouvelles possibilités pour le bien, mais il ouvre aussi des possibilités abyssales de mal – possibilités qui n'existaient pas auparavant. Nous sommes tous devenus témoins de ce que le progrès, lorsqu'il est entre de mauvaises mains, peut devenir, et qu'il est devenu, de fait, un progrès terrible dans le mal. Si au progrès technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l'homme, dans la croissance de l'homme intérieur (cf. EP 3,16 2CO 4,16), alors ce n'est pas un progrès, mais une menace pour l'homme et pour le monde.

L’exigence morale pour toutes les générations

(…) un progrès qui se peut s’additionner n'est possible que dans le domaine matériel. (…) À l'inverse, dans le domaine de la conscience éthique et de la décision morale, il n'y a pas de possibilité équivalente d'additionner, pour la simple raison que la liberté de l'homme est toujours nouvelle et qu'elle doit toujours prendre à nouveau ses décisions. Elles ne sont jamais simplement déjà prises pour nous par d'autres – dans un tel cas, en effet, nous ne serions plus libres. La liberté présuppose que, dans les décisions fondamentales, tout homme, chaque génération, est un nouveau commencement. Les nouvelles générations peuvent assurément construire sur la connaissance et sur les expériences de celles qui les ont précédées, comme elles peuvent puiser au trésor moral de l'humanité entière. Mais elles peuvent aussi le refuser, parce que ce trésor ne peut pas avoir la même évidence que les inventions matérielles. Le trésor moral de l'humanité n'est pas présent comme sont présents les instruments que l'on utilise; il existe comme invitation à la liberté et comme possibilité pour cette liberté. (…) Puisque l'homme demeure toujours libre et que sa liberté est également toujours fragile, le règne du bien définitivement consolidé n'existera jamais en ce monde. Celui qui promet le monde meilleur qui durerait irrévocablement pour toujours fait une fausse promesse; il ignore la liberté humaine. La liberté doit toujours de nouveau être conquise pour le bien. La libre adhésion au bien n'existe jamais simplement en soi. S'il y avait des structures qui fixaient de manière irrévocable une condition du monde déterminée – bonne –, la liberté de l'homme serait niée, et, pour cette raison, ce ne serait en définitive nullement des structures bonnes.

Un premier lieu essentiel d'apprentissage de l'espérance est la prière

De façon très belle, Augustin a illustré la relation profonde entre prière et espérance dans une homélie sur la Première lettre de Jean. Il définit la prière comme un exercice du désir. L'homme a été créé pour une grande réalité – pour Dieu lui-même, pour être rempli de Lui. Mais son cœur est trop étroit pour la grande réalité qui lui est assignée. Il doit être élargi. « C'est ainsi que Dieu, en faisant attendre, élargit le désir; en faisant désirer, il élargit l'âme; en l'élargissant, il augmente sa capacité de recevoir »

(…) Prier ne signifie pas sortir de l'histoire et se retirer dans l'espace privé de son propre bonheur. La façon juste de prier est un processus de purification intérieure qui nous rend capables de Dieu et de la sorte capables aussi des hommes.

(…) Ainsi, nous devenons capables de la grande espérance et nous devenons ministres de l'espérance pour les autres: l'espérance dans le sens chrétien est toujours aussi espérance pour les autres. Et elle est une espérance active, par laquelle nous luttons pour que les choses n'aillent pas vers « une issue perverse ». Elle est aussi une espérance active dans le sens que nous maintenons le monde ouvert à Dieu. C'est seulement dans cette perspective qu'elle demeure également une espérance véritablement humaine.

La vierge Marie, étoile de l’Espérance

(…) depuis plus de mille ans, l'Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. (…) La vie est comme un voyage sur la mer de l'histoire, souvent obscur et dans l'orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d'espérance. Certainement, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l'histoire. Mais pour arriver jusqu'à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l'étoile de l'espérance – elle qui par son « oui » ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante Arche de l'Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l'un de nous, planta sa tente au milieu de nous (cf. JN 1,14) ? C'est ainsi que nous nous adressons à elle : (…) Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseigne-nous à croire, à espérer et à aimer avec toi. Indique-nous le chemin vers son règne! Étoile de la mer, brille sur nous et conduis-nous sur notre route !

Annexe

  1. Vertu théologale :

Ce sont les vertus qui ont Dieu lui-même pour origine, pour motif et pour objet immédiat. Infuses en l'homme avec la grâce sanctifiante, elles rendent capables de vivre en relation avec la Trinité ; elles fondent et animent l'agir moral du chrétien, en vivifiant les vertus humaines. Elles sont le gage de la présence et de l'action de l'Esprit Saint dans les facultés humaines. (Compendium 384)

  1. Qu'est-ce que l'espérance ?

L'espérance est la vertu théologale par laquelle nous désirons et attendons de Dieu la vie éternelle comme notre bonheur, mettant notre confiance dans les promesses du Christ et comptant sur l'appui de la grâce du Saint-Esprit pour mériter la vie éternelle et pour persévérer jusqu'à la fin de notre vie sur la terre. (Compendium 387)

  1. Acte d’Espérance

Traduction française officielle :

Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l'autre, parce que vous l'avez promis et que vous tenez toujours vos promesses. Dans cette foi, puis-je vivre et mourir. Amen.

Traduction littérale du latin :

Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ, la rémission de tous mes péchés en ce monde et le bonheur éternel dans l'autre, parce que vous l'avez promis vous qui êtes infiniment puissant, fidèle, bon et miséricordieux. Dans cette espérance, puis-je vivre et mourir. Amen.

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