WE Foyers : Eduquer les enfants face aux malades et à la maladie

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Récollection de Foyers - 1e trimestre 2022

Le sacrement des malades - 3

3- Eduquer les enfants à aimer les malades et à prier pour eux. Les aider à développer l'énergie et l'offrande avec Jésus.

Nous voici au terme de nos approfondissements sur le sacrement des malades mais aussi sur les sacrements en général. Nous espérons que tout ce que nous avons développé vous aura servi à mieux comprendre la théologie des sacrements et l’action du Christ en chaque sacrement.

Oui, redisons-le encore : chaque sacrement est sacrement du Christ et de Son Eglise. Le ministre du sacrement est toujours un homme ordonné, mais en cet homme agit le Christ. C’est Lui, le Grand Prêtre éternel qui dans et par son ministre ordonné donne ses grâces aux membres de son Corps. Grâce aux sacrements, Jésus est vraiment avec nous, comme Il nous l’a promis.

Mais nous, sommes-nous chaque jour avec Lui ? Les sacrements ne sont pas des rites magiques, donnés automatiquement, ils sont les sacrements de la Foi. S’ils sont les sacrements de la Foi, cela signifie qu’ils présupposent la Foi et la liberté de celui qui les demande à l’Eglise. Si le baptisé ne demande pas à l’Eglise tel ou tel sacrement, Jésus ne peut pas violenter sa liberté. Il a bien promis d’être chaque jour avec ses disciples, mais il faut que le disciple prenne les moyens surnaturels qu’Il a institués, les sacrements, pour que cette promesse soit réalisée. Comprenons cela plus en profondeur. Si nous avons besoin de la présence et de la grâce de Jésus, chaque jour de notre vie, nous en avons encore plus besoin lorsque nous devons vivre l’évangile de la souffrance.

Quelques considérations générales

Avant de continuer notre développement, nous voudrions faire quelques considérations plus générales à la suite de ce que nous avons approfondi hier soir et ce matin.

L’Eglise se doit d’annoncer aux hommes l’évangile de la souffrance et, même, de proclamer à la suite de St Jean-Paul II que cet évangile est l’évangile supérieur. Elle doit, en effet, témoigner du Christ et de la Rédemption qu’Il a accomplie. Cette Rédemption par le Christ a donné un sens à la souffrance vécue en union avec notre Rédempteur. L’Eglise doit, cependant, être toujours très humaine et délicate en parlant de la souffrance. Elle fait peur. La maladie grave fait peur. La mort fait peur. Jésus a pleuré devant le tombeau de son ami Lazare. Il a sué du sang et de l’eau au moment de son agonie au Jardin des Oliviers. Comment la Vierge Marie, la Mère des douleurs, n’aurait-elle pas pu pleurer lorsqu’elle était debout au pied de la Croix de Son Fils ? Le chrétien, devant un souffrant, ne peut qu’imiter la compassion et l’Amour de Dieu ! Le christianisme n’est pas le stoïcisme ! Mais, en même temps, l’Eglise doit accompagner ses enfants qui souffrent et elle doit désirer réconforter, soigner, fortifier tous les souffrants.

Notre société actuelle, qui oublie ses racines chrétiennes, voudrait cacher ou nier la souffrance et la mort. Mais peut-on les nier ? Les informations quotidiennes transmettent des images de violences, de catastrophes, de morts. Comment oublier en ces jours la terrible catastrophe d’Haïti. Ces informations tragiques révèlent, hélas, la vraie nature de la civilisation humaine « réelle » ! La vie humaine sans souffrance, cela n’existe pas. La Sainte Vierge avait été réaliste avec la petite Bernadette : « je ne promets pas le bonheur en ce monde ». Mais elle avait été aussi témoin de l’espérance chrétienne en lui promettant, à la suite de Jésus, le bonheur éternel en Dieu.

L’homme, pourtant, n’est pas un « être fait pour la mort ». Il a été créé par Dieu pour « la vie éternelle ». Mais le mal et la mort sont entrés dans le monde et dans l’histoire humaine. Ils y sont entrés à cause du péché originel et des péchés personnels des hommes. La Révélation divine est explicite : Dieu Créateur n’a pas voulu la mort de l’homme. Mais Dieu n’a pas abandonné l’homme à son propre malheur. Jésus est venu pour accomplir notre Rédemption. Il est notre Sauveur. Au Ciel, le Mal sera définitivement vaincu, mais sur cette terre, chacun de nous fait l’expérience de la maladie et de la mort. Cette expérience, cependant, n’est pas privée de sens lorsqu’elle est vécue dans le Christ. Jésus a fait l’expérience de la mort, mais Il en a été vainqueur : Il est ressuscité. Il a donné un sens rédempteur à la souffrance et à la mort. Par la Foi, on peut vivre notre souffrance et notre mort dans le Christ et collaborer avec Lui pour la Rédemption de tous les hommes.

Ceux qui refusent Dieu et qui veulent donner une nouvelle signification à la vie humaine, comme Pierre Simon, qui a été Grand Maître de la Grande Loge de France, dans son livre « De la Vie avant toute chose », ne peuvent pas comprendre que la souffrance et la mort puissent avoir un sens rédempteur. S’il n’y a pas de vie éternelle, si Dieu n’existe pas, quel sens pourrait avoir la souffrance et la mort ?

L’euthanasie, étymologiquement « la bonne mort », est la réponse de ceux qui nient l’existence de Dieu, mais elle n’est pas la bonne réponse. L’euthanasie est la fin d’une vie sans Dieu et sans espérance. Une telle mort peut-elle être appelée en vérité « bonne mort » ? Cette « bonne mort » n’est pas une pâque, elle n’est pas un passage vers un autre monde, vers le Royaume de Dieu ! Jésus est venu nous révéler, par sa Pâque, le sens rédempteur de la souffrance et le sens de la mort comme passage vers la vraie vie. Peu avant de mourir Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait : « je ne meurs pas, j’entre dans la Vie » ! Puisse cette récollection nous éclairer en profondeur et nous permettre d’être auprès des hommes de notre temps les témoins de l’évangile de la souffrance et les témoins de la vraie espérance dans le Christ.

Dernière considération : la guérison. Le sacrement des malades, avons-nous vu, dans le premier enseignement est en vue du salut du malade. Ce salut concerne toute la personne du malade : son corps et son âme. Il peut comporter la guérison du corps, mais il est surtout en vue du salut de l’âme. La guérison et le salut donnés par le sacrement des malades révèlent que les grâces données viennent du Christ. C’est Lui qui agit dans la personne de ses ministres. C’est Lui, le Seigneur qui relève le malade comme l’écrit Saint Jacques. Le ministre n’est qu’un instrument. Il n’est ni un « guérisseur », ni un « sorcier », mais un prêtre de Jésus-Christ. En cette année sacerdotale, nous désirons vous redire notre reconnaissance pour vos prières en vue de notre sanctification. Le prêtre est un homme fragile, il se doit d’imiter Jésus, doux et humble de cœur. Il doit aussi être conscient que dans le don des instruments il tient la place du Christ, le Seul Grand Prêtre de l’Alliance nouvelle et éternelle.

Le Père Adnès, comme nous le disions dans la première causerie, a bien souligné la différence entre les guérisons opérées par l’huile versée sur leurs blessures et la guérison opérée par l’onction d’huile par les disciples de Jésus en son nom. Il est important de souligner cet aspect qui nous fait mieux comprendre à nouveau la triple distinction des théologiens thomistes concernant le sacrement : sacramentum tantum, sacramentum et res, res tantum. Appliquons au sacrement des malades : le sacramentum tantum est l’huile de l’onction des malades. La res du sacrement est le salut apporté par le Christ. Le sacramentum et la res : l’onction d’huile au moment de la célébration du sacrement par laquelle le Christ apporte au malade la grâce du salut, avec des grâces de force, de paix du cœur, de consolation, peut-être la guérison physique, mais aussi la grâce de participer à l’évangile supérieur qu’est l’évangile de la souffrance, l’évangile par lequel Jésus a accompli la Rédemption.

Au terme de nos approfondissements sur les sacrements, nous espérons que vous aurez mieux compris que ces distinctions théologiques ne sont pas des concepts philosophiques abstraits mais correspondent à une réalité qui est celle-ci : tout sacrement est un signe sensible efficace qui produit ou augmente la grâce en notre âme. D’où lui vient cette efficacité qu’aucune autre action humaine ne peut avoir ? De son institution par le Christ et du fait qu’en chaque sacrement le Christ agit par l’Esprit Saint dans son ministre : l’eau et l’huile - pour ne prendre que ces deux éléments - au moment du don du sacrement, sont élevés à un degré d’être supérieur à leur propre nature, ils deviennent des êtres de passage permettant à la grâce de Dieu de pénétrer dans l’être du sujet qui reçoit le sacrement. Le ministre du sacrement est, certes, important : sans lui, le sacrement ne peut pas être administré, mais lui aussi est un signe sacramentel et en cette année sacerdotale, répétons-le, il est urgent que tous les baptisés comprennent que l’on ne peut pas se passer des ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres. Sans eux, en effet, le Christ Grand Prêtre ne pourrait pas agir dans les sacrements. Mais ils quêtent votre prière car ils savent que sans le Christ ils ne sont rien !       

a) Ne pas avoir peur d’éduquer les enfants à la vie « réelle » des hommes (maladie et mort)

Comment éduquer les enfants à la vie réelle des hommes dont nous venons de parler ? Priez bien et échangez pour savoir comment faire découvrir aux enfants cette vie humaine réelle. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus n’avait que 4 ans et demi au moment de la mort de sa maman. Cette mort a tellement bouleversé la famille que personne n’a pensé à s’occuper d’elle. Elle a été beaucoup perturbée. La maladie et la mort des grands parents, vécues à la maison, peuvent aider à préparer les enfants. Le Bx Charles d’Autriche, sur son lit de mort, comme nous l’avons dit ce matin, a fait appeler son fils aîné Otto pour qu’il voit comment un chrétien retourne à son Créateur. La maladie et la mort font partie de notre vie.

b) Faire découvrir aux enfants l’amour de Jésus et de la Sainte Vierge pour les malades

Nous ne répèterons pas tout ce que nous avons déjà dit en nous appuyant sur l’évangile, mais nous vous invitons à bien faire découvrir à vos enfants l’amour de Jésus pour les malades. Il nous semble aussi que la meilleure catéchèse sur ce sujet est un pèlerinage en famille à Lourdes, la cité des malades. Là, les enfants voient l’amour de Jésus, de la Vierge Marie et de l’Eglise pour les malades.

c) Eduquer les enfants à l’amour et à la compassion pour les malades

Cette éducation se fait d’abord par votre propre témoignage. Les enfants sont beaucoup plus éduqués par des témoins que par des enseignements théoriques. Je peux parler en connaissance de cause. J’ai toujours eu devant les yeux une mère qui ne s’écoutait jamais et qui allait sans cesse visiter les malades et accompagner les mourants.

d) Des enfants, héroïques témoins de l'Evangile de la souffrance

Dieu a donné au cours du XXe siècle de nouveaux témoins de l'Evangile de la souffrance : des enfants. Tout baptisé devrait lire le témoignage de soeur Lucie sur François et Jacinthe, les voyants de Fatima. Combien ces enfants ont été héroïques pour répondre aux appels de la Sainte Vierge, qui leur avait fait voir l'enfer et les nombreuses âmes qui y tombaient ! Les enfants de Fatima ont bien compris le sens de cette vision. Ils ont accepté de faire de grandes pénitences, parce qu'ils voulaient sauver des âmes de la damnation éternelle et consoler le Coeur de Jésus. François et Jacinthe sont des exemples pour les enfants et les adultes dans la manière dont ils ont héroïquement vécu leurs souffrances et leur mort.

Beaucoup connaissent la petite Anne de Guigné, née en 1911 à Annecy et morte à l'âge de 11 ans dans la maison où nous sommes implantés à Cannes. Quand on demandait à la petite Anne – après sa conversion bien sûr ! - quel était le plus grand bonheur sur la terre, elle répondait : "Souffrir beaucoup pour le Bon Dieu !" Elle a passé les derniers temps de sa vie en souffrant beaucoup. Elle a dit à sa maman : "Oh maman, que je suis heureuse ! Je veux bien souffrir encore." L’héroïcité de ses vertus a été reconnue, il ne manque qu’un miracle pour qu’elle puisse être béatifiée.

Une petite fille, moins connue qu'Anne, mais tout aussi généreuse : Delphine de Fosseux. Delphine était née en 1959 et sa maman l'avait surnommée "Mademoiselle Non". Après sa première communion, à l'âge de 7 ans, un cancer se révèle. Sa maman lui propose d'aller à Lourdes pour demander à la Sainte Vierge sa guérison mais surtout la conversion de "Mademoiselle Non" en "Mademoiselle Oui". Delphine va être héroïque pour vivre sa maladie qui l'emportera à l'âge de 10 ans. Elle offrira particulièrement pour les prêtres. Sa maturité spirituelle se révèle dans cet événement : elle apprend, un vendredi saint, qu'un jeune prêtre fait du ski, elle dit alors à sa maman : "Tu vois, j'ai bien raison de tout offrir pour les prêtres". Merci Delphine ! Note : ce n’est pas le fait que le prêtre ait fait du ski qui est répréhensible, Jean-Paul II en a fait en tant que Pape, mais qu’il en ait fait le Vendredi Saint !

Merci aussi à sa maman qui a écrit son témoignage dans un petit livre bouleversant dont le titre est vraiment l'Evangile de la souffrance : "Que mon fiat devienne magnificat !"

Citons encore ce jeune Camérounais : Robert Naoussi (1947-1970). A 14 ans, tous ses projets s'écroulent : il est atteint de la lèpre ! Il va édifier tous ceux qui le soignent à la léproserie. Les séances de pansements sont terribles. Il les redoute. Il lui arrive de laisser échapper des cris et, dans une méditation, il a une lumière : Jésus n'a pas crié sur la Croix. Il prend alors la décision de ne plus crier ! La nuit, il ne dort pas beaucoup mais il prie le chapelet et il dira à un prêtre : "J'ai le cœur en fête chaque soir quand je dors avec ma douleur. Mon seul travail est de prier." Il dit à un ami : "Je souffre, mais je demande à Dieu d'en rajouter pour que je m'approche un peu de ce que Jésus a voulu souffrir pour nous sur la Croix. Il faut que ceux qui souffrent, souffrent encore plus pour débrousser la route des autres." Il est bouleversé en apprenant la vie de Sainte Thérèse qui voulait être missionnaire, martyre, prêtre. Il dit alors : "Moi aussi, je veux donner ma vie pour les jeunes du monde entier. Je veux être comme un capitaine d'une équipe de football (Robert était un excellent footballeur). Je veux entraîner les autres au Ciel par ma souffrance et leur en ouvrir les portes". Le 15 août 1970, il dit à la Sainte Vierge qu'il veut bien lui donner ses yeux pour lui faire un cadeau de plus. Il perdra la vue le soir même. Il mourra, comme la petite Thérèse, en la nuit du 30 septembre au 1er octobre. Il avait 23 ans.

 Elisa Ghitti est née le 13 avril 1964 dans le Nord de l'Italie et morte le 29 juillet 1973. Cette petite fille a été bouleversée, en mai 1969, après avoir entendu parler de Fatima et du message de la Sainte Vierge : beaucoup d'âmes vont en enfer. Elle veut imiter les enfants de Fatima, elle n'a que 5 ans ! Au cours de la fête de Noël de cette même année, elle s'offre à Jésus pour aider les petits noirs du Burundi dont un missionnaire lui a parlé. Elle lui demande de souffrir pour l'aider à sauver des âmes. Quelques mois plus tard, on lui découvre une tumeur cancéreuse. Elle accepte tous les traitements sans se plaindre. On lui demande si les piqûres lui font mal. Elle répond : "Oui, mais très peu. Jésus a souffert beaucoup plus que ça sur la Croix. Ca c'est supportable." Elle aide les malades adultes à accepter et à offrir leurs souffrances. Elle leur témoigne beaucoup de compassion et elle prie pour eux ! On la conduit à Lourdes pour demander sa guérison. Elle ne prie pas pour cela mais elle prie pour ceux qui souffrent plus qu'elles et elle demande la guérison d'un petit garçon. Elle deviendra aveugle et elle dira : "Mes yeux sont en Afrique, dans la forêt à chercher les orphelins et les abandonnés pour les amener à Jésus". Elle meurt en l'année du centième anniversaire de la naissance de Sainte Thérèse qu'elle aimait beaucoup et qu'elle voulait imiter dans son offrande à Jésus, le 29 juillet 1973.

La vénérable Antonietta Meo, Nennolina, morte le 3 juillet 1937, était née à Rome le 15 décembre 1930. À six ans, un ostéosarcome rendit nécessaire l'amputation de la jambe gauche. Elle a écrit plusieurs lettres à Jésus qui révèlent la grande maturité spirituelle de cette petite fille, qui avait compris, avant St Jean-Paul II, que l’évangile de la souffrance était l’évangile supérieur. Nennolina, comme Anne de Guigné, a beaucoup à apporter aux adultes qui voudraient un christianisme sans croix. Un tel christianisme n’est pas la religion de Jésus. Pour sauver les âmes, il faut accepter de souffrir en aimant et d’offrir en aimant.

Nous ne donnons pas ces exemples d’enfants héroïques pour une exaltation morbide de la souffrance. Il est bien évident que l’on ne recherche pas de souffrir à tout prix. Certaines expressions de ces enfants peuvent faire « réagir » certains adultes aujourd’hui. Nous les avons cependant conservées car elles ne sont pas des théories abstraites sur la souffrance mais des « idées vécues ». Nous devons respecter le témoignage de ces enfants par qui Jésus nous parle. Mais sans Jésus, sans la Vierge Marie, ces enfants n’auraient jamais pu vivre la souffrance comme ils l’ont vécue. 

e) Eduquer les enfants à l’énergie et à l’offrande pour aider Jésus à sauver des âmes

Nous voudrions aller au-delà du thème de ce jour pour vous inviter à ne pas avoir peur d’éduquer vos enfants à l’énergie. Notre consigne de cordée de janvier porte sur le courage. Le courage est une vertu qui prend sa source dans le cœur. Comment pouvoir développer cette vertu si l’on ne développe pas, en même temps, l’énergie physique, morale et spirituelle ? Soyez des parents éducateurs énergiques et, en même temps, doux, bons, miséricordieux et remplis d’amour !

f) Les éduquer enfin à ne pas être orgueilleux : sans Jésus on ne peut rien faire

Nous voudrions conclure par ce nouvel appel à l’éducation à l’humilité. En vous disant cela j’ai en mémoire ce que nous disait un Père Jésuite, responsable d’une maison de Pères Jésuites âgés : « ne jugez pas vos confrères malades, ne les condamnez pas ». Personne ne sait comment il réagira lorsqu’il sera malade. Ne disons jamais d’un malade : « que c’est dommage : il se révolte, il vit mal sa maladie ! ». Mais aidons les malades et ne soyons ni orgueilleux, ni téméraires… Nous ne savons pas ce qu’est la souffrance !

Les enfants doivent être éduqués à l’énergie, c’est évident, mais aussi à l’humilité ! L’éducation chrétienne n’est pas l’éducation stoïcienne : il ne s’agit pas de former des hommes forts, qui ne se laissent émouvoir par aucun sentiment. Un stoïcien ne devait verser aucune larme en apprenant la mort de son père : une telle éducation n’est pas chrétienne. Jésus a pleuré. La Sainte Vierge a pleuré. Les malades peuvent aussi pleurer. Les pleurs ne sont pas nécessairement les signes d’un manque de foi, d’un manque d’espérance, d’un manque d’énergie. Soyez attentifs : éduquez à la virilité, à l’énergie, oui, mais aussi au développement du cœur, de la compassion, de la douceur, de la miséricorde et de l’humilité.

Eduquez vos enfants à combattre la témérité. Ne soyons pas non plus « pélagiens » dans notre éducation. Le moine Pélage, qui venait de Bretagne, était un grand ascète et il avait beaucoup de succès à Rome. Mais Saint Augustin s’opposa fortement à lui et il fut condamné par l’Eglise. La théologie de Pélage pourrait être ainsi résumée : tout chrétien peut atteindre à la sainteté par ses propres forces et par son libre arbitre. Cette doctrine a été condamnée parce qu’elle niait la grâce et le péché originel. Alors pour n’être ni stoïciens, ni pélagiens, imitons Saint Ignace : tout faire comme si tout dépendait de nous (il faut donc exercer toutes les vertus) et prier comme si tout dépendait de Dieu et demander humblement les sacrements que Jésus a institués pour être « tous les jours avec nous » ! Que nos enfants comprennent que c’est dur de souffrir, et que l’on a particulièrement besoin de l’aide de Jésus pour porter la souffrance avec Lui.

EXCURSUS : THEOLOGIE PASTORALE DU SACREMENT DES MALADES.

Si ce sacrement était devenu quasi uniquement l'extrême-onction, une tendance opposée actuelle pourrait le banaliser en le donnant sans grave nécessité. Les célébrations publiques s'étant multipliées, certains le donnent un peu trop facilement à n'importe qui !

1 - Comment discerner qui a droit à ce sacrement ?

En plus de ce qui a été dit dans le C.E.C. , le rituel donne quelques autres précisions :

Pour apprécier la gravité de la maladie, il suffit d'un jugement prudent, porté sans anxiété ou scrupule, par ceux qui demandent ou qui proposent le sacrement (57).

Il est dit encore qu'on peut demander ce sacrement avant une intervention chirurgicale, chaque fois que la cause de cette intervention est une maladie grave" (60).

Pour les personnes âgées, on peut donner le sacrement, même si aucune maladie grave n'est diagnostiquée, mais il faut que les forces déclinent beaucoup (61) !

Aux enfants, on peut donner ce sacrement s'ils ont un usage de la raison suffisant (62).

Pour les malades inconscients, on peut donner le sacrement si l'on estime que, conscients, ils l'auraient demandé, mais on ne présumera pas systématiquement cette demande (63).

Le sacrement peut être donné sous condition si l'on doute vraiment que le malade est mort. Le doute doit être réel et fondé. Le rituel dit que l'on ne doit pas donner le sacrement lorsqu'on est appelé auprès d'une personne déjà morte (64).

2 - Les ministres

dans les sessions de pastorale de la santé, beaucoup de demandes ont été faites pour permettre aux diacres et aux laïcs qui ont reçu une mission pour le service des malades de donner l'onction des malades. Bien des confusions existent sur ce sujet actuellement. Des permanents et laïcs, zélés mais déformés, ne comprennent pas ce qu'ils appellent l'intransigeance de Rome ! Il manque de prêtres, pourquoi priver les malades d'un sacrement si important pour eux ? Mais Rome est lié par l'épître de Saint Jacques et la Tradition : seuls les presbytres peuvent donner ce sacrement. On peut faire ce raisonnement : ce sacrement peut avoir comme effet le pardon des péchés. Or ce pardon ne peut être donné que par les prêtres également. Donc on comprend qu'il ne puisse être donné que par les prêtres.

Il est intéressant de noter que la célébration du sacrement peut être concélébrée par plusieurs prêtres, mais l'un fait l'onction et la prière essentielle et les autres se partagent les autres parties du rite (68). Tous les prêtres peuvent imposer chacun les mains au malade.

Conclusion pastorale intéressante d'Arnaud Bérard :

La pastorale de l'Eglise montre d'une part que l'on ne donne le sacrement aux personnes âgées que si elles sont en un certain danger. Il semble donc abusif de donner ce sacrement à des personnes qui auraient atteint l'âge civil donnant droit à l'onction des malades parce que considérées comme personnes âgées. Pour ces personnes l'Eucharistie est le sacrement le plus efficace !

 "Inversement l'Eglise n'administre l'onction qu'à des enfants en âge de raison. Ils sont atteints parfois de maladies graves qui mettent en danger réel leur vie. Si l'on attend des effets physiques dans ce sacrement, il ne serait pas aberrant de l'administrer aux petits enfants malades qui ont reçu le baptême en vue de leur obtenir réconfort, soulagement ou même guérison.

Ces deux pratiques aux extrémités de la vie suggèrent que seuls les effets spirituels sont recherchés.

La personne âgée a besoin d'une préparation pour jouir de la gloire de Dieu. Pour le petit enfant, les effets du baptême sont suffisants pour le conduire à la béatitude éternelle. Mais, doit-on renoncer aux effets corporels chez l'enfant malade sous le prétexte que l'effet principal est spirituel et inutile pour lui ?

Limiter ce sacrement à la guérison physique ne reflète pas la richesse des verbes sauver et relever. Ils conservent le sens large qu'ils ont acquis avec l'oeuvre de rédemption du Christ. Il a vaincu la mort pour nous donner la vie éternelle...

Ces deux verbes ont un sens eschatologique. C'est pourquoi nous pouvons affirmer : l'onction des malades prépare aussi à la gloire, car la véritable guérison est celle qui nous soustrait définitivement à la morsure du péché, dans la vie éternelle" (p. 116).

THEOLOGIE ANTHROPOLOGIQUE DU SACREMENT DES MALADES

Nous nous servirons de quelques passages du livre d'Arnaud Bérard.

Pour certains théologiens ce sacrement est le sacrement de la victoire sur la maladie : on privilégie alors l'aspect de guérison de ce sacrement, d'un point de vue spirituel. L'Esprit-Saint produit une grâce de réconfort. Cela est dit dans les paroles essentielles du sacrement. De quelle grâce s'agit-il ? "Grâce de sanctification pour le malade en son état présent et par conséquent aussi de soumission à la volonté de Dieu ; force qui assume la lutte du malade pour vivre, guérir ou dominer son état". "Grâce à l'onction, le malade affronte l'épreuve en compagnie du Christ et de l'Eglise".

L'onction des malades est une participation et immersion dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ : le verbe grec egeiren de l'épître de Saint Jacques est le verbe utilisé pour parler de la résurrection dans le NT : Le malade participe à la résurrection du Christ, vainqueur du mal et de la mort.

Le malade est comme consacré : "L'onction avec l'huile a été employée pour indiquer la guérison, et dans le même temps, pour indiquer une mission particulière à l'intérieur du Peuple de Dieu. Dans les Ecritures, on note souvent que les personnes choisies par Dieu pour une mission spéciale reçoivent une onction spéciale. Cela vaut aussi pour vous, malades et anciens. Vous avez un rôle important dans l'Eglise... En outre vos douleurs assument une valeur spéciale, un caractère créatif, quand vous les offrez en union au Christ. Elles deviennent agents salvifiques puisqu'elles participent au mystère de la Rédemption. Pour cette raison saint Paul pouvait dire : «En ce moment je trouve ma joie dans les souffrances que j'endure pour vous, et je complète en ma chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son Corps qui est l'Eglise (Col 1, 24)»" (Jean-Paul II Oss Rom 326. 1986). Des théologiens en ont conclu que cette consécration conférait un quasi-caractère. On ne peut pas accepter cette affirmation théologique qui n'est pas traditionnelle, mais elle permet de découvrir cependant que l'effet du sacrement des malades a un effet permanent pendant l'état de la maladie, qui consacre en quelque sorte le malade pour une mission importante d'Eglise !

Conclusion

Notre prochaine récollection sera comme une introduction au Concile Vatican II et sur votre vie et votre mission de foyers dans l’Eglise de ce temps et dans le monde de ce temps. Cette récollection vous permettra aussi de faire le lien avec les approfondissements sur les sacrements. En commençant ces approfondissements, nous vous avions dit que, de fait, l’Eglise était comme le grand Sacrement de l’union des hommes à Dieu et de l’unité des hommes entre eux. Cette expression du Concile Vatican II est très importante à comprendre et à transmettre. Elle permet de découvrir ce qu’est le grand mystère de l’Eglise et ce que sont les sacrements : non des rites magiques mais des signes sensibles efficaces par lesquels Jésus communique sa Grâce dans et par Son Eglise.

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