Je vais me tenir à mon poste de garde, je vais rester debout sur mon rempart...

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Vendredi 2 décembre 2016 : le prophète Habacuc (Fr. Jean-Régis)

Saint Matthieu, en ce jour, nous présente Jésus, guérissant deux lépreux qui croient en Lui. Ce miracle annonce que l’ère radieuse, annoncée par le prophète Isaïe dans la première lecture, est toute proche pour ceux qui croient en Dieu. Le psaume 26, enfin, nous appelle à attendre dans la confiance et l’espérance, la venue du Sauveur, lumière et salut de tous les peuples.

Habacuc, que nous fêtons aujourd’hui, est l’un des 12 petits prophètes[1] de l’Ancien Testament. Nous avons peu d’éléments sur sa vie. La plupart des exégètes s’accordent pour dire qu’il appartenait à la tribu de Siméon. D’après le bref livre biblique qui porte son nom, nous pouvons penser qu’Habacuc vécut vers la fin du VII siècle av. J.-C., lorsque le royaume de Judée se sentait comme écrasé entre deux superpuissances en expansion, d'un côté l'Egypte et de l'autre Babylone.

Le livre d’Habacuc se distingue d’entre tous les écrits prophétiques par la grande place que l’auteur y occupe. Nous y lisons ses tristesses, ses plaintes, ses doutes, ses espérances, ses joies ; nous le voyons chercher la cause des dispensations divines, la demander à Dieu et recevoir la réponse d’en haut. Puis il nous met dans la confidence des impressions intimes qu’ont produites sur lui les révélations qu’il a reçues : en un mot il nous fait lire dans le cœur d’un prophète. Le plan de son livre est bien simple. Le premier chapitre contient ses plaintes sur ce qui est pour lui une énigme. Dans le chapitre deux, on trouve la réponse de Dieu ou la solution de l’énigme. Le chapitre trois est un cantique du prophète.

Autrefois, Job avait été scandalisé de ce qu'une personne juste puisse être dans le malheur et une personne impie dans le bonheur. Habacuc ressentit le même scandale, mais sur le plan des nations. Il est scandalisé devant le règne de l’iniquité et le triomphe apparent du mal à son époque, et il ose questionner Dieu sur sa gestion de l’Histoire. Il adresse deux demandes à Dieu (Ha 1, 2-4 ; 12-17), questions d’une éternelle actualité, qu’on pourrait résumer ainsi : « Pourquoi Dieu n’intervient-il pas en réponse aux prières de ceux qu’il aime ? Pourquoi le mal semble-t-il triompher ? ». Epris de justice, Habacuc attendait avec impatience et persévérance la réponse du Seigneur : « Je vais me tenir, dit-il, à mon poste de garde, je vais rester debout sur mon rempart ; je guetterai pour voir ce qu'il me dira, ce qu'il va répondre à ma plainte. » (Ha 2, 1).

La réponse de Dieu lui vint sous la forme d'une vision, que le Seigneur lui ordonna d'écrire, tout en lui disant d'être patient pour sa réalisation, qui "viendra sûrement, sans faillir" (Ha 2, 3). Cette vision lui montra que les Babyloniens seraient châtiés à leur tour. Il lui fit comprendre ainsi que chaque peuple sert à sa manière à la réalisation de son plan divin plein d'une Sagesse qui dépasse l'intelligence humaine. Le cœur de la réponse de Dieu peut être vu dans ce verset : « Voici qu'il succombe celui dont l'âme n'est pas droite, mais le juste vivra par sa fidélité. » (Ha 2, 4) ou, selon la version grecque : « le juste vivra par sa foi ». Ce verset est repris trois fois[2] dans le Nouveau Testament et la majorité des Pères de l’Eglise l’ont aussi repris pour exprimer la nécessité de la foi au Christ pour être sauvé. C'est pourquoi Habacuc a pu être appelé "le prophète de la foi".

Après cette réponse divine, Habacuc fit monter vers Dieu une prière confiante pour implorer cette réalisation de la Toute Puissance divine. Il exprime qu'il l'attend à la fois avec une grande crainte et une paix profonde, parce que "mon Seigneur est ma force" (Ha 3, 19). « Ce cantique, bien qu'il soit marqué par "la forme de la lamentation", se transforme en un hymne de joie. Les catastrophes annoncées visent en effet à libérer le peuple des oppresseurs (Ha 3, 15). Elles provoquent donc la joie du juste qui s'exclame : « Mais moi je me réjouirai dans le Seigneur, j'exulterai en Dieu mon Sauveur ! » (Ha 3, 18), exultation reprise sept siècles plus tard par la Vierge Marie dans la prière du Magnificat (Lc 1,47). La liturgie des heures reprend une partie[3] de cette très belle prière d'Habacuc aux Laudes du vendredi de la IIème semaine. Nous le chantons aussi aux Laudes du Vendredi Saint puisque nous pouvons voir en l'extermination des Chaldéens la figure du jugement définitif et universel des puissances ennemies de Dieu par la mort et la résurrection du Christ.[4] »

Il est intéressant de citer aussi l’expérience personnelle de Benoit XVI : « En voyant se produire  autour de nous des évènements humains dont on se demande comment Dieu peut les permettre, on se pose de graves questions. Il faut alors s’accrocher à la conviction que Dieu sait mieux que nous. Dans certaines circonstances, on a du mal à comprendre ce que veut véritablement Dieu, pourquoi le mal est aussi présent, par exemple, comment ce peut être compatible avec sa toute-puissance, avec sa bonté. Ces questions peuvent nous assaillir de façon récurrente. On les affronte d’abord en ne renonçant jamais à la certitude fondamentale de la foi. Et en sachant que si je ne comprends pas quelque chose, ce n’est pas que c’est faux, mais à cause de ma petitesse… On se rend compte qu’on doit être humble, que si les paroles des Ecritures nous restent fermées, il faut attendre que le Seigneur nous les ouvre. »[5]

Si le cœur de l’homme peut souffrir de l’injustice et du pouvoir du mal et du péché dans le monde, combien plus le cœur de Dieu peut-Il souffrir du rejet de Jésus et de sa loi d’amour par nos sociétés occidentales. En ce premier vendredi du mois qui se vit dans le temps de l’Avent, ayons à cœur d’entourer de beaucoup d’amour Jésus dans son saint sacrement. Sachons vivre notre heure sainte en esprit de réparation en consolant le Cœur si aimant de Jésus. Avec l’aide du prophète Habacuc,  attendons dans la patience et la persévérance la venue du Sauveur qui nous libèrera du pouvoir du péché, du mal et de la mort en grandissant dans la foi confiante et agissante, comme nous y invite l’oraison de ce jour : « Déploie, Seigneur, ta puissance et viens : puisque dans le péril où nous mettent nos péchés, nous ne pouvons obtenir que de toi la délivrance et le salut. »

[hr]

[1] Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie.

[2] Rm 1, 17 ; Ga 3, 11 ; He 10, 38.

[3] Ha 3, 2-4.13a.15-19

[4] St Jean-Paul II, audience du 15 mai 2002

[5] Benoit XVI, Dernières conversations pages 30 et 31

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