Élise Rivet (1890-1945)
Une âme rivée à son Seigneur (2/2)
1940 : la défaite, l’armistice, le régime de Vichy… Mère Élisabeth, supérieure de la Congrégation de N-D de la Compassion de Lyon, n’est pas de celles qui se résignent. Marie-Josèphe Tronel, dix-sept ans, témoigne : « Un jour, mon père m’appelle et me dit : Je voudrais que tu fasses connaissance avec quelqu’un d’extraordinaire ; nous l’appellerons Betty entre nous… Je monte donc ce jour-là au couvent de la Compassion à Fourvière et je me trouve devant une femme extrêmement calme, paisible, qui m’accueille comme on accueille une petite sœur et qui me dit : Ce soir, tu veux descendre à la maison ce petit garçon ? Je dis : Pas de problème. Et ce fut le début d’une grande aventure. » Fréquemment cela se passait ainsi : le samedi matin, à la messe du cardinal Gerlier, dans la chapelle de Fourvière, Mère Élisabeth était sur un banc, une sœur sur un autre, et, entre elles, un ou deux enfants. À la fin de la messe, Marie-Josèphe repartait avec les enfants. « C’était une femme tellement apaisante, toujours accueillante, à l’écoute, une femme de prière, une vraie femme avec sa sensibilité, qui savait montrer de l’affection, très maternelle. »
En liaison avec le Card. Gerlier et des réseaux de résistance, Mère Élisabeth sauve beaucoup de Juifs et se met au service de l’armée française : elle cherche des renseignements, cache des agents de réseau, des archives des services secrets et des armes. Au printemps 1944, elle est dénoncée : la Gestapo vient faire une perquisition et trouve les armes, mais pas le carnet d’adresses habilement caché sous un carreau des toilettes. Au moment d’être emmenée, elle dit simplement :
« Messieurs, je vous demande de ne pas toucher aux sœurs ni aux enfants. »
Elle séjourne trois mois au fort Montluc où, responsable du réfectoire, son autorité pacifiante marque les détenues, qui l’appellent « notre mère ». Puis, au camp de Sarrebruck, de retour d’un interrogatoire, elle dit à ses camarades : « Je suis une criminelle de guerre. » Pour étouffer son rayonnement, elle est dépouillée de ses habits religieux : « Rien de pire ne pouvait m’arriver. » Elle en fait plusieurs malaises cardiaques, mais courageusement elle retrouve sa sérénité et ce merveilleux sourire qui redonne espoir. Après quatre jours dans des wagons à bestiaux, elle arrive à Ravensbrück. Andrée Rivière, déportée avec elle, se souvient : « Sr Élisabeth était l’âme du camp. Dans cet univers de folie meurtrière, elle a été un pôle de sérénité et d’espérance, de présence aimante auprès de ses compagnes », croyantes ou non. Elle écoute, partage son pain, use de son influence pour trouver des vêtements, crée un groupe de chapelet et lit le dimanche les prières de la messe.
Le 26 mars 1945, devant le désespoir des femmes sélectionnées pour le camp d’extermination, elle décide de se joindre à elles et ne cesse de les réconforter pendant leur attente dans le block 6. Le 30 mars, une mère de famille choisie pour le convoi hurle qu’elle ne veut pas mourir. Mère Élisabeth la tire en arrière et prend sa place dans le camion. Elle a quarante-six ans. C’est le Vendredi saint. Le sacrifice de sa vie est consommé. En 1991, sa cause de béatification a été ouverte.
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