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L’effondrement du pont de Tacoma

Publié le dans la rubrique (In Altum n° 68)

Très certainement l’un des plus tristement célèbres dans l’histoire du génie civil, l’effondrement du pont de Tacoma est devenu un cas d’école, révélateur d’un phénomène encore peu étudié à l’époque. Il est d’usage d’attribuer la cause de cette ruine à la mise en résonnance du pont par le vent. En réalité, des études ont montré que cette explication n’est pas exacte. Pour comprendre, rappelons-nous les faits. Le pont de Tacoma (de la ville de Tacoma, état de Washington, aux Etats-Unis) était un pont suspendu (image) qui fut inauguré le 1er juillet 1940. Dès le départ, le pont avait tendance à osciller, même par vent très faible. Le 7 novembre 1940, sous des rafales de seulement 60 à 70km/h, le pont se met à osciller verticalement bien plus que la normale, avec des amplitudes de plus d’un mètre. Le trafic est arrêté. Vers 10h du matin, les oscillations verticales se transforment en torsion (figure 1). A partir de ce moment, l’amplitude des oscillations va augmenter jusqu’à atteindre 9 mètres par rapport à l’horizontale ! Au bout d’une demi-heure, le pont commence à s’écrouler. Alors, que vient faire le phénomène de résonance dans cette histoire ? Le phénomène de résonance apparaît lorsqu’un objet ou une structure (en l’occurrence, le pont) est soumis à une force qui se répète à une fréquence donnée. Pour toute structure, il existe plusieurs fréquences, dites fréquences propres. Toute structure sollicitée à sa fréquence propre entre dans un mouvement bien plus important que pour d'autres fréquences. C'est le phénomène de résonance. Il existe des formules et méthodes de calcul permettant ce connaître ces fréquences propres.  Celles-ci dépendent de plusieurs paramètres, entre autres la masse et la rigidité de la structure. Pour le pont de Tacoma, elle fut estimée à environ 1Hz (soit une fois toutes les secondes). Or, on sait qu'un vent d'environ 60km/h correspond à une fréquence de 0,2Hz. Il y a un facteur de 5 par rapport à la fréquence propre du pont, écartant ainsi le phénomène de résonance comme cause du désastre. La cause réelle du désastre est plus subtile. Elle porte le nom de vortex de Von Karman. Le nom paraît complexe, mais l’explication est simple. Pour comprendre, il faut s’imaginer le pont comme une aile d’avion géante. Le vent soufflant sur le tablier (la structure supportant la route) crée des vortex (tourbillons, cf. figure 3) au dessus et au dessous de celui-ci. Ces vortex engendrent des pressions sur la structure qui s’annulent si le tablier est immobile (figure 3). Ce dernier ayant été mis en mouvement par le vent, les vortex ne s’annulent plus et ont tendance à créer une torsion dans le tablier. Qui plus est, cette torsion modifie à son tour l’écoulement du vent autour du pont, amplifiant ainsi les vortex. Le vent crée donc le vortex, qui amplifie le mouvement, qui amplifie le vortex etc. Jusqu’à que la structure dise stop ! Malgré la catastrophe, les dégâts ne furent que matériels. Elle donna lieu à toute une série d’analyses et d’expérience qui nous permirent de mieux comprendre ces phénomènes. C’est souvent ainsi que les progrès se font. Le viaduc de Millau, chef d’œuvre du génie civil, est soumis quant à lui à des vents pouvant atteindre 200 km/h. La solution ? Une forme d’aile d’avion… inversée.

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