La musique, c’est mathématique
Ou comment Pythagore définit sa gamme...
La légende raconte que c’est en passant devant un atelier de forgeron que Pythagore (oui oui, celui-là même qui vous a fait tant souffrir avec son fameux théorème !) eut l’intuition du lien entre l’harmonie des sons et l’harmonie des nombres… Quand le forgeron frappait sur l’enclume avec des marteaux de poids différents, les notes produites par les marteaux ayant des poids liés (la moitié l’un de l’autre par ex.) étaient harmonieuses entre elles ! Nous sommes au VIème s. av. JC, Dame Musique et Monsieur Mathématiques viennent de se rencontrer, ils ne se quitteront plus ! De retour chez lui, Pythagore dut se livrer à plusieurs expériences en testant différents rapports de nombres : ainsi les notes produites par un vase plein d’eau et un vase à moitié plein étaient harmonieuses, de même que les notes d’un vase plein et d’un vase aux 2/3 plein… Pour simplifier ses recherches, il construisit un instrument de musique très simple, une simple corde tendue au dessus d’une caisse de résonnance, et dont on pouvait faire varier la longueur par un chevalet mobile : le monocorde. Plus la longueur de corde utilisée était petite, plus le son émis était aigu. Il commença alors ses calculs… Mais avant de le suivre, quelques notions préliminaires… Qu’est-ce qu’une note ? C’est un son, que l’on peut caractériser par 4 paramètres : sa hauteur (grave ou aigu), son intensité (fort ou faible), sa durée (courte ou longue) et son timbre (qui caractérise le type d’instrument utilisé pour le produire). Lorsqu’on cherche à définir une note sur la gamme, le paramètre qui nous intéresse est la hauteur de la note, qui, en physique, correspond à une fréquence de vibration : plus la fréquence est élevée, plus la note est aigue. Définir une gamme, c’est donc préciser les rapports entre les fréquences des notes la composant. Oui, mais comment choisir ? Revenons à Pythagore et à son monocorde… Ayant fixé que la corde avait une longueur =1, il vérifia que 2 cordes identiques de longueur = 1 donnaient le même son ; le rapport 1/1 définissait donc « l’unisson ». Puis en faisant sonner une corde de longueur = ½ par rapport à une corde de longueur = 1, il retrouva l’harmonie déjà observée précédemment ; les 2 notes semblaient même « s’imbriquer » l’une dans l’autre, de sorte qu’on pouvait avoir l’impression de chanter la même chose ! L’intervalle entre ces 2 notes, défini par le rapport 1/(½)=2, déterminait ainsi « l’octave ». C’est cet intervalle qui sert d’échelle pour structurer nos gammes, tant il est « naturel » : quand un homme et une femme chantent ensemble par ex., ils vont généralement chanter à une ou plusieurs octaves de distance, sans le chercher, et sans même souvent s’en rendre compte ! Puis il fit sonner une corde de longueur = 2/3, avec une corde de longueur=1. Là encore il y avait harmonie entre les 2 notes produites, mais avec des sons qui paraissaient différents cette fois, s’accordant l’un avec l’autre. Le rapport 1/(2/3) = 3/2 définissait ainsi « la quinte ». On sait maintenant que la quinte est une « harmonique » de la note fondamentale, c’est-à-dire une vibration secondaire issue de la note fondamentale dont la fréquence est multiple de la fréquence « pure » de la fondamentale… Pythagore était convaincu que la nature obéissait à des règles "simples" et que les fractions qui devaient régir la musique devaient l'être également. Il appliqua donc son système de quinte de proche en proche, c’est-à-dire en prenant la quinte de la quinte puis la quinte de la quinte de la quinte etc. (donc en multipliant chaque fois la longueur obtenue par 3/2), en ramenant toujours la note obtenue dans l’octave de base (donc en divisant autant de fois par 2 que nécessaire) et définit ainsi 7 notes avant de retomber (+/-) sur sa note initiale: « et c’est ainsi qu’on revient à Do-ooo ! » La gamme de Pythagore fut utilisée jusqu’au Moyen-âge ; puis on introduisit avec Zarlino (en 1553) la notion de tierce pour la réajuster. Enfin on créa la gamme tempérée qui divise l’écart d’octave en 12 intervalles égaux : si cela simplifie les problèmes de transposition et d’accordage entre instruments, cela suppose que l’on sacrifie sur la justesse des notes, l’harmonie entre elles… Il faudra donc attendre le Ciel pour rencontrer l’harmonie pure !