Léon Bloy (1846-1917) 1/2
Il a tout raté, sauf sa vie...
Un père voltairien et franc-maçon, une mère croyante férue de l’Imitation, six garçons, pas une fille : telle était la famille Bloy, à Périgueux. Le petit Léon, comme ses frères, est mis au catéchisme. Cela ne l’intéresse guère. C’est un garçon silencieux, observateur, frondeur, et dont les yeux virent au noir dès qu’il est en colère. Il travaille mal en classe et se montre asocial. A 18 ans, il part pour Paris où son père, soucieux d’assurer un avenir à ce fils rebelle aux études, lui a trouvé une place de commis architecte. S’il se montre travailleur, il pourra s’y faire une belle situation. Mais Léon rêve d’être artiste, peintre, poète… et ne manifeste aucune bonne volonté pour satisfaire ses maîtres. Il perd la foi, devient socialiste et s’adonne, sans joie, aux plaisirs de la vie. Ni les lettres grondeuses de son père, ni celles tendrement persuasives de sa mère ne l’empêchent de sombrer peu à peu dans une amère et inféconde révolte. Au lieu de se réformer lui-même, il démasque avec une ironie mordante les tares de la société. Il perd sa situation et tombe dans la misère. Cet insatisfait est cependant épris de grands idéaux. Il admire les grands hommes. Aussi, lorsqu’il rencontre un jour Barbey d’Aurevilly, il ne craint pas de l’aborder. « Que désirez-vous ? » lui demande l’écrivain. « Vous contempler ! » répondit-il. Ce fut le début d’une amitié fidèle. Bien qu’il ne soit pas un chrétien exemplaire, d’Aurevilly a une foi robuste et un grand attachement à l’Eglise. Ses brillantes démonstrations ne tardent pas avoir raison du socialisme anticlérical de son jeune disciple. En 1869, Léon se confesse et reçoit une grâce de vrai attachement à son Seigneur. Il a 23 ans, et encore un long et difficile chemin à parcourir avant d’acquérir la paix du cœur. « Il n’y a qu’une tristesse, celle de ne pas être des saints » Pendant 20 ans, il doit mener contre son tempérament décidément impossible un rude combat. Il pense à la vie religieuse, mais ses tentatives sont vaines. Il gagne sa vie péniblement, comme gratte-papier, de-ci de-là… Un temps, il croit pouvoir devenir le collaborateur de Louis Veuillot, le célèbre directeur du journal catholique « L’Univers », mais là comme partout, il ne peut s’adapter. Il a soif de sainteté, d’absolu, d’idéal, et cette soif le torture. Il supplie, menace, proteste… et est perpétuellement déçu des autres et de lui-même. Ardent et passionné, son style littéraire s’affermit et il devient peu à peu un écrivain de talent, au redoutable coup de griffe qui n’épargne personne, surtout pas ceux qu’il considère devoir être des modèles : « On vous demande, messieurs les successeurs des apôtres, de ne pas dégoûter le pauvre qui cherche Jésus, de ne pas détester les artistes et les poètes, de ne pas envoyer au camp ennemi celui qui ne chercherait pas mieux que de combattre à côté de vous si vous étiez assez humbles pour le commander… On demande des Prêtres ! » En 1877, il est repris par le vertige de la chair et vit avec une femme de mauvaise vie. Il fait des efforts héroïques pour se dégager, allant, par deux fois, se réfugier à la Trappe. Chutes et rechutes ponctuent son quotidien. L’alcoolisme le guette. Lui si intransigeant pour les autres ne cesse de se heurter à ses limites et à ses péchés. Mais ses larmes face à son idéal saccagé et son espérance toujours prête à repartir dans la lutte manifestent sa bonne volonté et un cœur plus humble que ses écrits ne le laissent entrevoir. Il a maintenant 44 ans et est prêt à accueillir une nouvelle grâce de Dieu. Pour lire la suite, cliquez ici