Le Père Paul Doncoeur : « Non, nous ne partirons pas ! »
Une nouvelle page ‘culture’ pour découvrir ce qui a pu marquer notre culture française… Notre culture chrétienne ! Le Père Doncoeur fut un jeune prêtre hors du commun, plusieurs fois blessé au front lors de la 1ère guerre mondiale. D’abord exilé de France en 1902 à cause de la politique anticléricale de Clémenceau, il fut du nombre des religieux qui revinrent défendre le Pays durant la grande guerre. En 1924, le président du Conseil décide de les expulser de nouveau. La réaction du Père Doncoeur fut claire et précise. M. Herriot fit marche arrière. Voici quelques extraits de sa célèbre lettre : « Alors M. Herriot a fait le grand geste d’ouvrir tout large les deux bras encore sanglants de la France et a donné à tous les misérables leur pardon. Par la porte ouverte on a voulu faire passer tous les coupables et tous les lâches, les insoumis, les déserteurs et les traîtres. S’ils reviennent pour servir et réparer, j’applaudis. Mais cette même porte ouverte aux frontières, le même M. Herriot, du haut de la tribune française, il nous la montre, pauvres bougres de religieux, rentrés le 4 août 1914 pour la bataille. Eh bien ! Non nous ne partirons pas. Pas un homme, pas un vieillard, pas un novice, pas une femme ne repassera la frontière, cela jamais ! J’ai vécu douze ans en exil, de 22 à 34 ans, toute ma vie d’homme. Je vous le pardonne. Mais le 2 août 1914, à 4 heures du matin, j’étais à genoux chez mon supérieur. C’est demain la guerre, ai-je dit, ma place est au feu. Et mon supérieur m’a béni et m’a embrassé. Par des trains insensés, sans ordre de mobilisation (j’étais réformé), sans livret militaire, j’ai couru au canon, jusqu’à Verdun. Le 20 août, à l’aube, avant la reprise du combat, à la recherche des blessés du 115ème, j’avançais au-delà des petits postes, quand tout à coup, je fus enveloppé par le craquement de vingt fusils, et je vis mon camarade étendu de son long, contre moi, sur la route, la tête broyée. J’ai senti à ce moment que mon cœur protégeait tout mon pays. Jamais je n’avais respiré l’air de France avec cette fierté. […] J’ai été trois fois blessé, je garde toujours sous l’aorte un éclat d’obus reçu dans la Somme… et, démobilisé, j’ai commis le crime de rester chez moi… Et maintenant vous me montrez la porte ! « Vous voulez rire M. HERRIOT ! Mais on ne rit pas de ces choses. Jamais, pendant cinquante mois, vous n’êtes venu me trouver. […] Ni moi, entendez-vous, ni aucun autre (car tous ceux qui étaient en âge de se battre se sont battus), ni aucune femme, nous ne reprendrons la route de Belgique. Cela jamais ! Vous ferez ce que vous voudrez, vous prendrez nos maisons, vous nous ouvrirez vos prisons […] Mais partir comme nous l’avons fait en 1902 ? Jamais ! « Nous avons aujourd’hui un peu plus de sang dans les veines, voyez-vous, et puis, soldats de Verdun, nous avons appris aux bons endroits ce que c’est que de s’accrocher à un terrain. […] Et je vais vous dire maintenant pourquoi nous ne partirons pas. […] Nous ne partirons plus parce que nous ne voulons plus qu’un [étranger] nous rencontrant un jour loin du pays, nous pose certaines questions auxquelles nous répondrions, comme jadis, en baissant la tête : « La France nous a chassés ». […] Pour l’honneur de la France jamais nous ne dirons plus cela à un étranger. Donc nous resterons tous. Nous le jurons sur la tombe de nos morts ! ».