Bonchamps ou la vraie noblesse de cœur
Comment un général vendéen a exercé la véritable miséricorde chrétienne face à la haine révolutionnaire
Les Vendéens ont perdu 8 000 hommes, tués ou blessés à la bataille de Cholet... Bonchamps, grièvement blessé, est porté à Saint Florent le Vieil. Mme de Bonchamps, raconte ainsi dans ses Mémoires les derniers moments de son mari : « Monsieur de Bonchamps, après sa blessure, a été transporté à Saint-Florent, où se trouvent 5 000 prisonniers enfermés dans l'église. La religion avait jusqu'alors préservé les Vendéens de représailles sanguinaires ; mais lorsqu'on leur annonça que mon infortuné mari était blessé mortellement, leur fureur égala leur désespoir ; ils jurèrent la mort des prisonniers. Monsieur de Bonchamps avait été porté chez Monsieur Duval, dans le bas de la ville. Tous les officiers de son armée se rangèrent à genoux autour du matelas sur lequel il était étendu, attendant avec anxiété la décision du chirurgien. Mais la blessure ne laissait aucune espérance ; monsieur de Bonchamps le reconnut à la sombre tristesse qui régnait sur toutes les figures. Il chercha à calmer la douleur de ses officiers, demanda avec instance que ses derniers ordres fussent exécutés, et aussitôt il prescrivit que l'on donnât la vie aux prisonniers ; puis se tournant, vers d'Autichamp, il ajouta : « Mon ami, c'est sûrement le dernier ordre que je vous donnerai, laissez-moi l'assurance qu'il sera exécuté. » Un roulement se fait entendre. Est-ce le signal du massacre ? Non, c’est une proclamation de Bonchamps : « Camarades, dit-il, vous m’avez obéi jusqu’à ce jour, qui est le dernier de ma vie ; en qualité de votre commandant, je vous ordonne de pardonner à mes prisonniers. Si l’ordre d’un chef mourant n’a plus de pouvoir sur vous, je vous en prie, au nom de l’humanité, au nom de Dieu pour lequel vous combattez ! Camarades, si vous dédaignez mon ordre et ma prière, je vais me faire porter au milieu des prisonniers et vos premiers coups tomberont sur moi. » En effet, cet ordre, donné sur son lit de mort, produisit tout l'effet qu'on en devait attendre : à peine fut-il connu des soldats que de toutes parts ils s'écrièrent : « Grâce ! Grâce ! Bonchamps l'ordonne ! ». Et les prisonniers furent sauvés. Charité et générosité n'étant pas les valeurs de la Révolution, les soldats républicains reçurent l’ordre de ne pas parler de cet épisode et durent reprendre les armes contre ceux qui les avaient graciés. Dans sa dépêche du lendemain, 19 octobre 1793, au Comité de salut public, le citoyen Merlin de Thionville écrivit : « Il faut ensevelir dans l’oubli cette malheureuse action. » Pour lui, le pardon de Bonchamps déshonorait les soldats ainsi empêchés de mourir en héros de la République. On poursuivit et condamna sa veuve qui en transmettait le souvenir. Peine perdue : elle s’échappa, aidée par les soldats mêmes que son mari avait rendus « indignes ». Le fils de l’un d’eux, David d’Angers, fixera ce pardon dans la pierre en sculptant une statue de Bonchamps se soulevant de son grabat, tendant la main vers le ciel et criant, dans son dernier soupir : « Grâce aux prisonniers ! »