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Les chemins de fer Decauville

Publié le dans la rubrique (In Altum n° 91)

Le chemin de fer à voie étroite, créé par le français Paul Decauville à la fin du XIXe siècle, a été une petite révolution industrielle

Le père de Paul, qui est à la tête d’une exploitation de betteraves sucrières à Corbeil-Essonnes, se trouve un jour confronté à un problème : la récolte de neuf mille tonnes est achevée mais le sol, détrempé par les pluies, empêche les charrettes d’accéder aux champs. Paul a une idée : il fixe des cornières métalliques sur des traverses, formant une multitude de petits ensembles de quelques mètres de long, qui peuvent être assemblés à volonté. Un ouvrier de la ferme construit quant à lui de petits wagonnets adaptés à la largeur de la voie : 60 cm. La voie étroite est née (pour mémoire, l’écartement de la voie « normale » est de 1,435 m). En 1876, après un an de développement de ce chemin de fer miniature au sein de la ferme, les premiers éléments sont commercialisés. Les acheteurs sont variés : mines, carrières, agriculteurs, industriels, armée… Le concept de voie « puzzle » est très séduisant, tant pour les facilités qu’il apporte dans les opérations de manutention en des temps encore peu mécanisés, que pour sa facilité d’installation. Très vite, la Société Decauville étoffe son catalogue : éléments droits, courbes, aiguillages, croisements, plaques tournantes, wagonnets en tous genres… À ceci s’ajoutent bientôt de petites locomotives à vapeur, puis diesel. Le fabricant, et d’autres dans son sillage, s’attelle à la fabrication de voies ferrées classiques, mais toujours étroites. Sa notoriété va grandissant, renforcée par quelques installations visibles par le grand public : en 1878, il installe un réseau de 3 km au sein de l’Exposition universelle de Paris, pour transporter les visiteurs et le matériel des exposants, et quelques temps plus tard, un petit chemin de fer semblable qui fonctionne encore aujourd’hui, au Jardin d’acclimatation. À l’approche de la Première Guerre mondiale, l’armée devient un client important. Le commandant Péchot adapte les produits du constructeur aux besoins particuliers des installations fortifiées. Ainsi, de très nombreux forts vont voir leurs galeries souterraines équipées de voies de 40 ou 60 cm d’écartement pour le transport des munitions entre les magasins et les chambres de tir. Certains wagons seront même adaptés en affûts, portant un canon de 120 ou de 155. Sur le seul secteur d’Épinal, un total de 120 km de voies desserviront les dix-sept forts et la plupart de leurs 91 batteries. Mais le rayonnement de Decauville, qui compte à son apogée deux mille employés et trois usines, s’étend peu à peu au-delà des frontières, et ses produits se diversifient. Du matériel plus lourd (locomotives jusqu’à 32 t) est conçu pour les pays d’Afrique dont les réseaux nationaux sont à voie métrique, mais aussi des autorails, dont certains seront livrés à la SNCF jusque dans les années 1950. L’entreprise explore en outre des secteurs connexes : automobile, cycles, outillage, grues, rames de métro… Cependant, le marché s’effrite jusqu’à devenir quasi obsolète, et l’activité ferroviaire est abandonnée en 1956. Autour de l’an 2000, la société Decauville a été absorbée par Marrel, un fabriquant de bennes pour camions.

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