La Grande Chartreuse
Nul ne peut rester indifférent devant sa majesté, dans la présence des moines que l’on devine. Quel est l’origine de l’ordre des chartreux ?
Tout commence au XIe siècle, avec saint Bruno qui, se trouvant de moins en moins à l'aise dans une cité où abondent les motifs de scandale, ressent le désir d'une vie plus totalement donnée à Dieu seul. L'évêque de Grenoble, saint Hugues, offre alors un lieu solitaire dans les montagnes de la Chartreuse, pour lui et ses six compagnons. Malgré le départ de saint Bruno, appelé au service du Siège apostolique, la communauté survit. À partir de 1140, à la suite du premier chapitre général, l’ordre des chartreux naît officiellement. Aujourd’hui, il compte dix-neuf maisons de moines et cinq de moniales. Saint Bruno n’a pas écrit de règle. En effet, il souhaitait transmettre l’esprit de la communauté « non par l’écrit, mais par l’exemple, demeurant à l’école du Saint-Esprit, et se laissant former par l’expérience ». Guigues, cinquième prieur de Chartreuse, consigna par écrit les Coutumes qui y étaient en usage. Ainsi, le but premier du chartreux est la contemplation : « découvrir l’immensité de l’amour ». Le moine doit chercher avec toujours plus d’ardeur la pureté du cœur. Cette contemplation est source de liberté, de paix et de joie. Néanmoins, c’est un combat qui nécessite l’aide de la grâce. « Il ne peut entrer dans ce repos (de la contemplation) sans passer par l'épreuve d'un rude combat. […] Ainsi, purifié par la patience, nourri et fortifié par la méditation assidue de l'Écriture, introduit par la grâce du Saint-Esprit dans les profondeurs de son cœur, il pourra désormais, non seulement servir Dieu, mais adhérer à lui. » (Statuts, 3.2). C’est ainsi que le chartreux cherche Dieu dans la solitude. Elle est vécue à trois niveaux : la séparation d’avec le monde, réalisée par la clôture. Les moines ne sortent habituellement du monastère que pour la promenade hebdomadaire. C’est le prieur qui reçoit les nouvelles du monde et transmet ce que les moines ne doivent pas ignorer. Le deuxième niveau est la garde de la cellule, pavillon à étage entouré d’un jardinet, où le moine demeure seul la majeure partie de la journée. Enfin, le dernier niveau consiste à favoriser la solitude intérieure, ou pureté du cœur : tenir son esprit éloigné de tout ce qui n'est pas Dieu ou ne conduit pas à Lui. L'originalité de la Chartreuse vient, en second lieu, de la part de vie commune qui est indissolublement liée à l'aspect solitaire. La Chartreuse est une communion de solitaires pour Dieu. Le moine a donc des temps en communauté, comme la liturgie. Bien que séparé du monde, il ne cesse pas d’offrir pour ce dernier : « Séparés de tous, nous sommes unis à tous car c'est au nom de tous que nous nous tenons en présence du Dieu vivant. » Leur unique désir : « Tournés, de par notre profession, uniquement vers celui qui est, nous témoignons face au monde trop absorbé par les réalités de la terre qu'en dehors de Lui il n'est point de Dieu. » (Statuts 34.2,3).