In Altum

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Petite histoire de la musique sacrée

Publié le dans la rubrique (In Altum n° 166)

 

 

Avez-vous déjà fait l’expérience enivrante que fait vivre la puissante résonance d’une belle harmonie, contenue et soutenue par la majestueuse architecture d’une grande église, où chaque note produit un écho cristallin ? Si oui, vous avez déjà goûté à la douce émotion que suscite la musique dans l’âme humaine. Éprouvée, purifiée et enrichie par de nombreux siècles, la musique sacrée de la liturgie chrétienne est le fruit mûr de la sagesse de l’Église.

Le peuple hébreu n’est évidemment pas étranger à la musique ; la plupart des psaumes sont d’ailleurs écrits pour être chantés. Ils sont même parfois accompagnés d’instruments. Malheureusement, l’histoire a perdu le trésor musical de ces mélodies psalmiques. Toujours est-il que les premières communautés chrétiennes ont recueilli cet héritage et chantaient très volontiers des hymnes issues de l’Écriture Sainte.

Toute l’histoire de l’Église est traversée par la tension entre le chant profane et le chant religieux. Très tôt, face à l’émulation musicale des premiers siècles, l’Église prend la décision d’interdire le recours au chant non issu de l’Écriture Sainte. L’enthousiasme des premières communautés suscite une grande émulation musicale et apporte avec elle le risque de dissoudre le chant religieux dans une mystique indéfinie. C’est pourquoi le 59e canon du concile de Laodicée en 363 bannit du culte les compositions personnelles et non canoniques.

 Le chant religieux est alors strictement monodique, c’est-à-dire chanté à l’unisson, que l’on note avec un système d’écriture musical inédit : les neumes. On le qualifie de modal, c'est à dire que sa structure repose sur l’utilisation d’un mode ; il s’agit d’une manière spécifique d’enchaîner les notes. Le chant modal est donc un chant dont la mélodie est travaillée. C’est à partir du chant modal sacré que se développe le neume (ci-dessous), une notation musicale  qui décrit de petites formules mélodiques à effectuer pour chaque syllabe.

La culture musicale occidentale, qui dérive du chant religieux modal, est quant à elle tonale ; la musique dépend d’une note, appelée la tonique, qui donne à toutes les autres notes leur fonction dans la mélodie. Le chant tonal, précisément à cause de ce système de fonctions, a recours plus fréquemment à l’harmonisation, c'est-à-dire l’emploi de plusieurs notes différentes en même temps. C’est sous l’impulsion de l’Orient que se développe la polyphonie, que l’Occident lui empruntera à la fin du Moyen-âge

Le Baroque, en réponse à la crise protestante, « réussit une remarquable unification de la musique profane et de la musique liturgique », selon les mots de Benoît XVI dans L’esprit de la liturgie, où le génie musical est parvenu à rendre compte de la beauté des réalités manifestées par le chant. Mais tentée qu’elle était par l’introduction d’une musique trop profane, l’Église dut intervenir ; Pie X fit du chant grégorien et de la polyphonie à la Palestrina le type de la musique sacrée, dont nous sommes héritiers aujourd’hui, quoique l’Église soit désormais confrontée à un nouveau danger – qui n’est en réalité qu’une nouvelle version d’un danger déjà maintes fois écarté au cours de l’histoire – la musique commerciale.

La prochaine fois que vous chanterez à l’église, imaginez quelques secondes le poids que vos notes produisent dans l’éternité !

 

 

 

 

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