Faire l'expérience de la rencontre avec Dieu

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Homélie du 19e Dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche 9 août 2020

Nous approcher de Dieu...

En ces mois d’été la liturgie nous invite à nous approcher de Dieu, à prendre du temps pour le rencontrer.

Le premier livre des Rois nous rapporte l’expérience du prophète Élie. Il avait fui loin du roi qui voulait sa mort parce qu’il avait détruit les idoles. Sur la montagne, Élie a fait l’expérience de Dieu non pas dans la force de l’ouragan, ni dans le fracas du tremblement de terre, ni même dans l’ardeur du feu. C’est dans le calme, dans le « murmure d’une brise légère » qu’Élie a reconnu la présence de Dieu. Dans le texte hébreu1 la « voix » perçue est paradoxalement associée au « silence », au calme qu’on expérimente tandis que le vent a cessé de souffler. Dieu parle dans le silence, comme nous l’a rappelé récemment le cardinal Sarah. En cette période de vacances, sachons nous libérer de la dictature du bruit pour aller à la rencontre de Dieu dans le silence de la prière.

L’évangile que nous avons entendu nous révèle la vraie mission de Jésus, en lien avec le mystère de sa personne ainsi que la réponse de foi que Dieu attend de nous.

Dimanche dernier nous avons entendu le récit de multiplication des pains. Saint Jean nous rapporte que la foule, remplie d’enthousiasme, voulut s’emparer de Jésus pour le faire roi, mais que ce dernier s’est alors enfui dans la montagne pour prier. Benoît XVI, dans sa trilogie sur Jésus, a expliqué qu’une des tentations de Satan contre Jésus visait à le faire dévier de sa véritable mission. Selon les critères du monde, Jésus pouvait apparaître comme l’homme politique idéal, apte à régler la question sociale de son temps. On se pressait de toutes parts pour l’écouter parler. Il guérissait les malades, venait en aide aux miséreux, il avait fermé la bouche aux pharisiens qui imposaient le joug trop pesant de l’observance d’innombrables préceptes. Qui plus est, Jésus venait de rassasier une foule de plus de cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Il était le candidat idéal pour le trône de Jérusalem dont on attendait depuis longtemps la restauration. Ses disciples eux-mêmes se seraient probablement réjouis d’une telle élection. Le glorieux destin de leur maître leur aurait garanti une bonne situation pour l’avenir.

Admirons le discernement et la prudence de Jésus qui démasque la tentation sous couvert de bien et oblige ses disciples à monter dans la barque. Jésus ne se laisse pas prendre aux filets du succès humain, de l’orgueil et de la vanité. Il congédie la foule et va en hâte s’immerger dans la solitude et le silence, lieu de son dialogue avec son Père.

« Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 5,30) répète-t-il souvent. La volonté de Dieu n’était pas que Jésus soit un libérateur social et politique, mais que tous croient en son nom (Jn 1,12) et qu’ainsi ils reçoivent le pouvoir de devenir enfants de Dieu en recevant le salut. Il est un fait que la foule n’a pas compris le sens de la multiplication des pains. Jésus le leur fera remarquer le lendemain : « Vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés. Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure en vie éternelle » (Jn 6,26-27). Le signe donné par Jésus visait à susciter la foi. Ils auraient dû reconnaître en lui le Dieu qui avait nourri leurs pères avec la Manne dans le désert. Mais on a mal interprété son message.

La tentation de réduire la mission de Jésus à une action sociale, de réduire le salut à quelque chose de purement terrestre existe encore aujourd’hui pour l’Église. N’a-t-on pas parfois transformé l’ouverture au monde en un banal alignement sur les valeurs du monde ? L’Église continue-t-elle encore la mission de Jésus quand elle s’associe à l’effort mondial de construction d’une nouvelle humanité fondée sur le vivre ensemble, mais dont le grand absent est Dieu lui-même ?

Jésus voit clairement le danger pour ses disciples. C’est pourquoi il les force à monter dans la barque et à prendre le large. Cela signifiait leur commander de naviguer à contre-courant de l’esprit du monde. Sur le lac de Tibériade les disciples vont ramer toute la nuit. La barque de Pierre avancera lentement contre le vent, "battue" par les vagues (littéralement fouettée, soumise à la torture). À la quatrième veille, c’est-à-dire entre trois et six heures du matin, dans les ténèbres de la nuit, les disciples s’épuisent à ramer. Sur les 40 stades qu’ils avaient à parcourir, ils étaient péniblement arrivés à seulement un peu plus de la moitié. C’étaient pourtant des professionnels de la mer, mais leurs seules forces humaines ne suffisaient pas et il est probable que si Jésus ne s’était pas tenu en prière devant le Père pour intercéder en leur faveur, la barque aurait déjà été engloutie par les flots.

Jésus les rejoint alors en marchant sur la mer. Quel prodige ! Benoît XVI relève : Seul Dieu pouvait agir ainsi comme l’affirme le livre de Job : « À lui seul il déploie les cieux, il marche sur la crête des vagues » (Job 9,8). La perception de la présence divine suscite alors chez les disciples une profonde crainte, mais Jésus les rassure : « Confiance ! c’est moi ; n’ayez plus peur ! ».

Admirons la foi de saint Pierre et sa spontanéité pour aller vers Jésus : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ». Pierre sait qu’il est humainement impossible de marcher sur la mer, mais il est convaincu que la Parole de Jésus, qui est la Vérité, est le rocher invisible sur lequel il pourra s’appuyer en toute assurance, car Dieu est toujours fidèle à sa Parole.

En hébreu derrière les mots « Amen » et « Emunah » (fidélité, parfois aussi vérité) qui ont même racine se trouve l’idée d’être stable, de ternir ferme, de sorte que ce qui est « fidèle » est ce sur quoi on peut s’appuyer. Tant que nous gardons, comme Pierre notre regard fixé sur Jésus et que nous croyons en sa Parole, nous pouvons traverser avec assurance les pires tempêtes car la Vérité est le rocher qui donne stabilité à notre vie. Mais quand, comme Pierre, nous nous laissons impressionner par la force des vagues, que ce soit la force du mal ou des idéologies de notre temps, le doute pénètre en nous et nous pouvons être tentés d’abandonner le rocher de la Vérité. Rappelons-nous cependant que celui qui tente de surfer sur les vagues de l’ambiguïté et du mensonge finit toujours englouti par les flots du péché. Jésus dans sa miséricorde sera toujours là pour nous repêcher si nous crions comme Pierre : « Seigneur, sauve-moi ! ».

Jésus est un maître exigeant. Il attend de Pierre une foi totale : « pourquoi as-tu douté ? » Cependant, après la tribulation, la foi des disciples sera renforcée par l’expérience de la divinité de Jésus. « Le vent tomba ». Dans le silence qui suivi ils expérimentèrent la présence divine et adorèrent en Jésus, celui que prophète Élie avait reconnu sur la montagne.

Que saint Pierre nous obtienne en ce dimanche la grâce de faire ou de refaire l’expérience de la rencontre avec Jésus le Fils de Dieu. Qu’il nous obtienne de traverser les épreuves avec foi, en nous appuyant toujours sur la Vérité. Que l’Église tout entière, actuellement tourmentée par les flots des puissances infernale, puisse à nouveau se tourner vers son Seigneur qui la rejoint en marchant sur la mer. Qu’elle proclame avec plus de vigueur sa foi en Jésus-Christ Fils de Dieu l’unique sauveur de l’humanité. Amen.

Notes

1 קוֹל דְּמָמָה דַקָּה litt : « la voix d’un fin silence »

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