La mission de l'Eglise : montrer Dieu avant toute chose !
Homélie pour le 3e Dimanche de Carême
Dimanche 15 mars 2020
Joie de la rencontre avec Jésus, dans la vérité
Quelle joie d’entendre cet évangile si émouvant ! Cette rencontre intime longue, paisible, de Jésus avec la Samaritaine.
Quel amour, d’abord, de Jésus, pour cette âme. Quelle délicatesse du Fils de Dieu, qui commence par lui demander un service : « Donne-moi à boire » ! Puis Jésus l’amène progressivement à un désir plus grand, la soif de cette eau vive : « Seigneur, donne-moi de cette eau… » Il y a un instant, c’est Jésus qui lui demandait à boire, et désormais c’est elle qui lui demande l’eau vive ! Jésus désire la lui donner… Mais pour cela, il va lui faire prendre conscience d’une situation de sa vie qui est un obstacle à la réception de cette eau vive : « Va, appelle ton mari… Je n’ai pas de mari… Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari : des maris, tu en as eu cinq, et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ; là, tu dis vrai. » Car cette situation, contraire aux commandements de Dieu, n’est pas compatible avec cette eau vive. Jésus le dit à la fois avec une grande clarté et avec une grande bonté. Or cette vie selon Dieu est un préliminaire pour la véritable adoration, en esprit et en vérité, qui est précisément le cœur de la foi. Cette adoration passe aussi par une vie en conformité avec les commandements de Dieu – autrement dit par une foi authentiquement vécue.
La foi, notre plus grand bien
Ainsi, le dialogue de Jésus avec cette femme de Samarie met en évidence ce qui est le plus grand bien aux yeux de Dieu : la foi. La foi est le bien le plus précieux pour l’Église. Et ce bien, quand il est vécu, se communique naturellement. Nous le voyons dans la conclusion magnifique de cette rencontre : Jésus a semé le grain, qui va porter du fruit à raison de trente, soixante, cent pour un ! Car la femme va se rendre auprès des habitants de sa ville, et ceux-ci, grâce à son témoignage, vont venir voir Jésus – puis ils mettront alors leur foi en lui.
Remarquons que Jésus ne parle à la Samaritaine que de biens que l’œil ne peut voir. Il ne lui promet pas d’améliorer sa condition, de rendre sa vie plus aisée ou confortable… Il lui montre l’essentiel, qui est invisible pour les yeux. Il la tourne vers Dieu. C’est la mission de l’Église, sa seule mission : montrer Dieu avant toute autre chose. Benoît XVI écrivait : « Ce n’est pas d’une Église plus humaine dont nous avons besoin, mais d’une Église plus divine au contraire ; c’est alors seulement qu’elle sera aussi vraiment humaine. "[1]
Une "Eglise samaritaine"
Précisément cette rencontre entre Jésus et la Samaritaine est en quelque sorte une icône de ce que doit être l’Église. Aujourd’hui, on entend beaucoup dire qu’il nous faut une « Église samaritaine ».
Alors, à la lumière de cet évangile, qu’est-ce qu’une « Église samaritaine » ?
C’est une Église pour laquelle le bien le plus précieux est la foi.
C’est une Église qui a pour premier but de conduire à l’adoration du Dieu vivant.
C’est une Église qui accueille l’appel de Jésus à la conversion, et qui le met en pratique pour plus de fidélité aux commandements de Dieu.
C’est une Église qui, comme Jésus, avec délicatesse, mais dans un grand souci de la vérité, sait dire clairement qu’une situation ne correspond pas à la volonté de Dieu et peut être un obstacle, si elle demeure, à la réception de cette eau vive.
C’est une Église qui ne craint pas de parler ouvertement de Jésus, et de proclamer à tous : « venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. », pour que tous puissent dire un jour : maintenant « nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »
Une « Église samaritaine », c’est une Église qui ne craint pas de dire, avec humilité et bonté, aux hommes d’autres religions, ou à ceux dont la foi est mélangée : « Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons... »
C’est une Église qui dit avec Jésus : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. »
C’est une Église dont le seul but est de donner l’eau vive, et de transmettre la foi.
Voilà ce qu’est une « Église samaritaine ». Si, et seulement si elle est ainsi, alors elle pourra entendre cette parole : « Levez les yeux et regardez : les champs sont dorés pour la moisson... »
Le témoignage des saints
En ce dimanche, nous célébrons deux saints dont la foi vivante a illuminé l’Europe, et qui ont travaillé à la moisson en tournant les âmes vers l’essentiel : Dieu. Écoutons seulement un conseil de chacun d’eux.
Saint Louise de Marillac, collaboratrice de saint Vincent de Paul, rappelée à Dieu le 15 mars 1660, disait à ses filles : « Que voulons-nous en quelque lieu que nous soyons, puisque nous avons Dieu avec nous ? Soyons donc dans la joie ! Allons à Dieu tout bonnement, tout simplement, sans tant raffiner ! Priez bien la Sainte Vierge, qu’elle soit votre unique Mère. »
Quant à Saint Clément-Marie, qui est mort il y a 200 ans aujourd’hui, pendant l’angélus de midi, il encourageait ainsi ses fils au milieu des difficultés et des oppositions : « Courage ! Dieu est le maître, il dirige tout pour sa gloire et pour notre bien, et personne ne peut lui résister. Tous les projets des hommes, si bien organisés qu’ils soient, ne servent qu’à l’accomplissement de sa sainte volonté. (…) Je vois que tout ce qui paraît nous être hostile nous mène là où Dieu nous veut… Laissons-nous conduire par Dieu et tout ira bien… »
Références
[1] Joseph RATZINGER, Église et Théologie, Mame, Paris, 1992, page 217. Aussi dans Joseph RATZINGER, Appelés à la communion, Fayard, 1991, page 126