La joie de Notre-Dame est notre joie !
Homélie pour l'Assomption 2021
Dimanche 15 août 2021
Chacun d’entre nous, s’il s’ouvre à elle, pourra entendre Notre-Dame lui parler...
En ce jour de l’Assomption, la liturgie de l’Eglise nous invite à quitter pour un temps la considération des réalités de cette terre pour tourner notre regard vers le Ciel où la Vierge Marie, notre mère et notre reine, est élevée avec son âme et son corps.
En ce jour, la joie de Notre-Dame est notre joie. En effet, lorsqu’une mère est pleine d’amour, la joie qui habite son cœur se communique à ses enfants ; cette joie, comme une douce lumière, irradie les membres de son foyer.
La Vierge Marie est aujourd’hui revêtue de joie en montant au Ciel. Aussi voudrions-nous, en fils et fille de Notre-Dame, nous approcher d’elle pour nous réfugier sous le manteau de joie qui la recouvre, avec les Apôtres et tous les anges.
Si l’on considère l’Assomption avec le cœur des Apôtres, cet événement pourra tout d’abord nous paraître étrangement paradoxal. Comment les Apôtres, en ce jour, pourraient-ils être dans la joie ? Depuis l’Ascension, les Apôtres n’ont plus la joie de voir Jésus ; ils doivent vivre de la foi. Avec l’Assomption, les Apôtres perdent également la joie de voir la Vierge Marie de leurs yeux ; la joie de pouvoir se confier à elle de vive voix ; la joie de contempler en elle l’icône, l’image très pure de Dieu. Et pourtant, étonnamment, le départ de Notre-Dame vers le Ciel ne cause pas en eux de la tristesse mais, au contraire, une profonde joie. Dans cet étrange paradoxe se trouve le cœur de la fête que nous célébrons. En effet, les Apôtres ont
que l’Assomption ne marque tant un départ qu’une arrivée. Notre-Dame ne monte pas au Ciel pour abandonner le monde, mais pour porter le monde jusqu’à Dieu. « Lorsqu’une âme s’élève vers Dieu dira Elisabeth Leseur, elle élève le monde ». En s’élevant vers le Ciel, Notre-Dame élève le monde. Son élévation est le modèle et les prémisses de notre propre élévation. Aussi, en pensant à la Vierge Marie qui monte au Ciel, les Apôtres non seulement ne sont pas dans la tristesse, mais ils sont joyeusement encouragés à rester sur la terre, dans la vallée de larmes, car ils savent que la victoire de leur mère annonce leur propre victoire. Ils savent que Notre-Dame, depuis qu’elle est proche de Dieu, n’a jamais été aussi proche de ses enfants. Le corps de Notre-Dame qui a échappé à la corruption de la mort, et qui est désormais irradié par la lumière Dieu, est pour les Apôtres le signe de la victoire certaine et totale de Dieu sur les puissances du mal à l’œuvre sur la terre.
D’ailleurs, les apôtres savent ce qui les attendent et ils ne s’en cachent pas ; ils savent qu’après la joie de l’Assomption, le combat contre le Dragon continuera, peut-être plus violemment que jamais. Mais ils sont maintenant convaincus qu’au jour de leur martyre, ils pourront confesser courageusement la Vérité car ils tiendront la main de leur mère, tels de petits enfants. Le Dragon, malgré toute sa rage, ne pourra rien contre eux s’ils continuent à tenir la main de la mère des Apôtres, la femme couronnée d’étoiles, illuminée du soleil, écrasant la tête du Serpent.
Mais les Apôtres n’ont pas été les seuls témoins du mystère de l’Assomption. Les anges eux-aussi l’ont contemplé, et plus directement encore. Un verset de la Bible, tiré du Cantique des cantiques, pourrait nous aider à comprendre les sentiments qui habitaient les anges lorsque la sainte Vierge a fait son entrée dans la cour céleste. Ce verset mystérieux nous dit : « Qui donc est celle-là qui surgit, semblable à l’aurore, belle comme la lune, brillante comme le soleil, terrible comme une armée rangées pour la bataille ? »
Oui, les anges s’étonnent probablement en ce jour. Ils s’étonnent et se réjouissent de ce qu’une femme soit élevée plus haut que les Cieux. Une humble femme qui a puisé de l’eau au puits de Nazareth, qui a accompli les plus humbles tâches au service de sa famille. Cette humble créature, la voici placée au-dessus du chœur des anges, ces purs esprits lumineux. Et alors que les démons, dans leur orgueil, ne peuvent supporter cette scène, les anges, quant à eux, s’en réjouissent profondément. Car l’Assomption de la Vierge est pour eux le triomphe de l’humilité, de l’amour qui s’abaisse. À travers l’élévation de Notre-Dame, les anges voient advenir le triomphe de l’armée des humbles, ceux dont la puissance consiste justement à ne pas chercher à être puissant à la manière du monde. Les anges exultent de que ce se réalise en ce jour d’une manière inattendue, parce que littérale, les paroles de la Vierge Marie dans le Magnificat : « Dieu élève les humbles ». En Notre-Dame, le Seigneur nous manifeste que l’humilité est un levier capable de soulever les poids les plus lourds. Que l’humilité peut soulever l’histoire universelle et nos histoires personnelles jusqu’à Dieu. « Qui s’abaisse sera élevé ».
Enfin, il est nous bon en ce jour de tenter de percer le secret du Roi, en essayant – autant que nous le pouvons – de comprendre les sentiments de la Vierge Marie elle-même lors de son entrée au Ciel. Son départ de la terre, Notre-Dame l’a certainement vécu comme lorsqu’on patiente avant des retrouvailles, après un long temps de séparation. Dans cette attente, la douleur de la séparation d’avec son Fils n’accablait pas la sainte Vierge, mais cette douleur profonde attisait plutôt son désir de le rencontrer de nouveau. Et dans la nuit de la foi, en un suprême acte d’amour, Notre-Dame a achevé cette attente douloureuse en livrant à Dieu jusqu’à son dernier souffle. Et c’est alors qu’au milieu de la nuit de la foi, la voix de son Epoux s’est fait attendre et que la Vierge Marie est allée à sa rencontre.
En entrant dans le Ciel, les ténèbres ont laissé place à la lumière ; l’angoisse du combat, à la paix du repos ; ses douleurs pour enfanter nos âmes à la joie indicible de la fécondité. Tout, maintenant, dans le corps et l’âme de la Vierge Marie, est envahi par l’amour de Dieu. En présence de la Trinité, Notre-Dame s’est peut-être exclamée avec l’épouse du Cantique des cantiques : « Mon bien aimé est à moi. Et je suis à mon bien-aimé ».
Après de longues années d’attentes après la Pentecôte, Notre-Dame a aujourd’hui la joie d’être auprès de son Fils ; d’être auprès du Père dont elle est la fille très aimée ; d’être entièrement couverte de l’ombre de l’Esprit saint. Mais elle a aussi joie de se savoir éternellement mère de ses enfants qu’elle aime tant. Et en ce jour, Notre-Dame à la joie de se pencher vers chacun de nous, de nous voir à ses pieds, nous qui essayons de redevenir enfants en sa présence.
Comme à son habitude, Notre-Dame s’adresse à nous en ce jour davantage par son exemple que par ses paroles. En ce jour, la sainte Vierge veut en effet nous parler, comme autrefois à nos ancêtres aux heures les plus dures de notre histoire. Chacun d’entre nous, s’il s’ouvre à elle, pourra entendre Notre-Dame lui parler. Elle nous redira sûrement que notre confiance éperdue en son action sera bénie. Que ce n’est ni illusion ni folie que de placer en elle notre avenir incertain. Notre-Dame nous redit en ce jour qu’elle saura bénir nos familles et les guider jour après jour, si tant est que nous suivions ses avertissements. Marie nous rassurera en nous redisant qu’elle sera notre réconfort dans l’épreuve, notre soutien dans la peur, notre arme dans le combat et, enfin, un jour, au Ciel, notre joie. Nous aurons en effet la joie de voir de nos yeux son sourire, de nous tenir à ses pieds, de l’entendre nous parler.
Aujourd’hui, nous sommes tels des marins sur une mer agitée, dans la nuit sombre de la tempête où tous nos repères ont disparu les uns après les autres. Mais nous fixons nos regards vers l’étoile qui seule, demeure le point stable dans un monde déboussolé. En fixant la lueur de cette étoile qui perce la nuit, notre cœur se gonfle d’espérance. Cette faible lueur qui vient à nous dans la nuit est le signe de la victoire de la lumière sur les ténèbres. Elle est le signe que la vérité, la charité l’emporteront un jour définitivement. Aussi avec saint Bernard et les saints de France, regardons nous aussi l’étoile de la mer, Notre-Dame.
« Mon Cœur immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu » avait dit Notre-Dame à la petite Lucie de Fatima qui souffrait beaucoup. En ce jour, empruntons de nouveau le chemin qui conduit au Ciel. Faisons-nous enfants pour pouvoir nous réfugier sous son manteau de joie. Et, avec tous les saints de France, disons-lui en ce jour de tout notre cœur : Notre-Dame de l’Assomption, priez pour nous, et priez pour la France.