Tous les rois se prosterneront devant lui !
Homélie pour l’Épiphanie
Dimanche 2 janvier 2022
Ce Divin Enfant s’adresse à tous les hommes !
C’est avec une grande joie que nous célébrons en ce dimanche la solennité de l’Épiphanie. Après Pâques, elle est, dans l’Église catholique, au plus haut degré des solennités de l’année, avec Noël, l’Ascension et la Pentecôte. C’est dire son importance. Pourquoi ?
La Tradition a beaucoup aimé et mis en valeur cette fête, et les trois rois mages, sans doute en raison de cet étonnant et harmonieux mélange entre solennité et simplicité, entre grandeur et petitesse, qui est une marque caractéristique de Jésus et du christianisme. Ces rois arrivent d’un lointain pays d’Orient, avec leurs coffrets et leurs richesses, l’or, l’encens et la myrrhe, et se prosternent devant un enfant d’Israël, dans une étable ; ces cultures si différentes se rencontrent dans cet humble cadre, à l’écart précisément des lieux officiels de la culture et du savoir ; ces savants s’inclinent devant un nouveau-né, dans la même attitude de simplicité et d’humilité que les bergers qui les avaient précédés… Cet événement historique a dû être en effet assez étonnant.
Mais il est plus que cela. Car sous les dehors très touchants de ces expressions se cache un mystère admirable, qui lui aussi est la marque de Jésus et du christianisme : c’est que ce Divin Enfant s’adresse à tous les hommes. Et c’est là sans doute la principale dimension théologique de cette fête, qui la rend de la plus haute importance. Il s’agit de l’universalité de la mission de Jésus et du christianisme.
Dans les deux lectures et le psaume de ce dimanche reviennent à plusieurs reprises les mots « tous, toutes » : « Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens… » ; « Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. » ; « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile. »
La tradition a traduit cette universalité par des symboles non seulement vraisemblables mais aussi théologiquement très justes. C’est ainsi que les mages sont réellement des rois, en vertu de l’unité entre l’ancien et le nouveau testament. C’est ainsi encore qu’ils sont souvent représentés par les trois âges de la vie : l’un des rois mages est jeune, un autre d’âge moyen et un plus âgé – pour signifier que tous, jeunes et vieux, sont appelés à la crèche par l’Enfant à devenir comme des enfants pour entrer dans le Royaume. La tradition – dont les crèches se font l’écho – fait venir les rois mages des trois continents connus à l’époque : l’Europe, Afrique et l’Asie.
Cette universalité est très importante aujourd’hui encore, et nous rappelle que Jésus est le Verbe, le Fils unique de Dieu, qui s’est fait chair pour être le Sauveur de tous les hommes. En effet, comme le diront plus tard les apôtres, « en nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver » (Ac 4, 12).
L’attitude juste de tous les hommes devant Jésus doit donc être celle des rois mages : « tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. » Le mystère de l’Épiphanie est un mystère d’adoration, car c’est ce qui convient devant celui qui, couché dans la crèche, est le « Dieu de gloire et de majesté », le seul sauveur de tous les hommes. L’adoration des rois mages est donc une prophétie du jour où les hommes de toutes cultures et de toutes religions reconnaîtront en Jésus leur unique Dieu et Sauveur. Car, comme le dit le concile Vatican II, « Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique et apostolique à laquelle le Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître à tous les hommes… » [Dignitatis Humanae, nº 1]
Enfin, cette solennité doit nous donner, en même temps qu’une profonde joie, un courage serein. Comme l’avait dit Benoît XVI, « il fallait du courage pour accueillir le signe de l’étoile comme un ordre de partir, pour sortir – vers l’inconnu, l’incertain, sur des chemins où il y avait de multiples dangers en embuscade. Nous pouvons imaginer que la décision de ces hommes a suscité la dérision : la plaisanterie des réalistes qui pouvaient seulement se moquer des rêveries de ces hommes. Celui qui partait sur des promesses aussi incertaines, risquant tout, ne pouvait apparaître que ridicule. » [BENOÎT XVI, Homélie pour l’Épiphanie, 6 janvier 2013] Mais pour eux, disait encore Benoît XVI, « ce que pensait d’eux celui-ci ou celui-là ou encore les personnes influentes ou intelligentes, n’était pas déterminant. Pour eux, ce qui comptait était la vérité elle-même, et non l’opinion des hommes. » [BENOÎT XVI, Homélie pour l’Épiphanie, 6 janvier 2012]
Cette attitude des rois mages est très touchante, et doit nous entraîner à nous mettre à leur suite pour aller comme eux à la crèche, avec leur humble courage et leur joie toute simple. Et même quand l’étoile semble disparaître en certains moments de notre vie ; ou même quand des personnes influentes de différents milieux, comme Hérode ou les grands prêtres et les scribes de Jérusalem, risquent de nous décourager de suivre l’étoile ; rappelons-nous que : « L’approbation des opinions dominantes (…) n’est pas le critère auquel nous nous soumettons. Le critère c’est Lui seul : le Seigneur. »[ BENOÎT XVI, Homélie pour l’Épiphanie, 6 janvier 2013]
Alors, prions les saints rois mages. Avec eux approchons-nous de la crèche, et faisons comme eux : « ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, se prosternant, ils l’adorèrent. »