Suivons Jésus au désert
Homélie pour le 1er Dimanche de Carême
Dimanche 26 février 2023
Pour le Salut de nos âmes et du monde entier...
Depuis mercredi dernier, l’Eglise est entrée dans le saint temps du Carême. Un temps durant lequel chaque Chrétien est personnellement invité par Jésus à le suivre au désert.
Le Carême, temps du désert, est certainement marqué par la pénitence et l’ascèse. Mais il ne faudrait cependant pas oublier que le Carême est également et avant tout un temps de grâce et de joie. Le désert est en effet pour nous Chrétiens un lieu de bénédiction, l’école où nous apprenons par l’épreuve à vivre dans l’amitié de Dieu.
Beaucoup de saints à travers les siècles sont partis au désert. Le prophète Elie, saint Jean-Baptiste, saint Antoine d’Egypte, mais aussi, plus proche de nous, saint Charles de Foucault : tous ont compris que le désert, malgré les renoncements et les combats qu’il impose, est une merveilleuse école de conversion.
En ce dimanche, l’Evangile que nous venons d’entendre nous a rappelé que Jésus lui-même a pris le chemin du désert et s’est mis à son école. Car avant de vivre sa mission publique, le Seigneur Jésus a mystérieusement été conduit par l’Esprit saint vers le désert. Là, pendant 40 jours, il s’est soumis à des épreuves dont il nous est impossible de mesurer l’intensité : l’épreuve de l’accablement physique par la faim et la soif ; mais aussi l’épreuve des tourments intérieurs en pensant à sa Passion qu’il devrait subir ; et enfin l’épreuve des tentations extérieures du Démon. Jésus n’avait rien à apprendre de l’école du désert. S’il l’a vécue, c’était pour nous : afin de nous rejoindre dans nos combats et nous obtenir la grâce de les remporter.
La première lecture nous a rappelé notre condition depuis le péché d’Adam. L’homme, comme les anges, devait faire le choix de Dieu et renoncer au mal. Par sa désobéissance, Adam a été chassé du Jardin d’Eden. Privé de la grâce de Dieu, le monde est devenu un désert inhospitalier.
Dans ce désert, les hommes erraient à la recherche d’une libération. Comme les Hébreux qui, durant 40 ans après leur sortie d’Egypte, ont marché dans le désert en succombant à de multiples tentations, l’humanité toute entière était désorientée, incapable de résister aux attaques de l’Adversaire. Dieu avait certes envoyé son serviteur Moïse, mais celui-ci avait été impuissant pour faire entrer les Hébreux dans la Terre promise. Les hommes attendaient donc un nouveau Moïse qui viendrait achever leur exode.
Il n’est donc rien d’étonnant que le Seigneur Jésus, après son Baptême dans le Jourdain, ait inauguré sa mission en partant au désert. Par là, il voulait signifier qu’Il est le vrai et nouveau Moïse : celui dont la mission était conduire le Peuple de Dieu de l’esclavage de Pharaon, c’est-à-dire du Mal et de nos péchés, vers la Terre Promise du Ciel, terre de grâce et de liberté.
Le Carême est donc un temps béni durant lequel nous pouvons réaliser ce que les Hébreux n’avaient pu connaître en plénitude. En nous unissant à Jésus, notre nouveau Moïse, nous vivrons avec Lui le mystère de l’Exode, en passant du péché à la grâce, de cette vallée de larmes à la béatitude du Ciel. Unis à Lui, nous vaincrons par sa grâce les tentations du Démon.
La première des tentations rapportées par saint Matthieu nous rappelle que le Carême est fondamentalement cette école où l’on apprend à aimer en vérité. En lui demandant de transformer les pierres en pain, Satan tentait Jésus pour qu’Il privilégie son bien propre sur sa mission. En triomphant de cette première tentation, le Seigneur nous a obtenu la grâce de réajuster notre amour. Bien souvent en effet, notre amour de Dieu et des autres est comme entravé par notre amour désordonné des biens créés, et particulièrement des plaisirs sensibles. La première grâce du Carême est donc, par le jeûne et nos mortifications, de réordonner notre amour en le portant sur les biens véritables qui ne passent pas.
Dans la deuxième tentation, nous voyons Satan tenter Jésus d’accomplir une action d’éclat : être sauvé par les anges après s’être jeté du haut du Temple de Jérusalem. Une action qui aurait valu à Jésus une gloire immédiate et universelle. Mais Jésus oppose à cette soif du sensationnel une attitude diamétralement opposée : celle de l’humble confiance en Dieu. Par là, le Seigneur nous a obtenu la grâce de guérir de notre superficiel. Car bien souvent, en effet, notre marche vers la sainteté est affaiblie par notre manque de profondeur. Nous acceptons de vivre les choses extraordinaires mais nous méprisons la vie ordinaire de la foi. Nous aimons le bruit, et nous n’écoutons plus. Nous nous attachons à ce qui se voit, et nous oublions peu à peu que l’essentiel est invisible. La victoire de Jésus dans sa deuxième tentation nous a donc obtenu la grâce bien nécessaire d’une vie intérieure plus profonde.
Enfin, dans la troisième tentation, le Diable demandait à Jésus de l’adorer. Cette dernière tentation peut nous sembler particulièrement grossière : comment en effet Jésus, le Fils de Dieu, pourrait-il adorer Satan qui n’est qu’une créature ? En réalité, Jésus nous a obtenu par cette troisième tentation la grâce de nous libérer de nos idoles. Une idole, c’est une créature qui prend peu à peu dans nos vies la place qui revient à Dieu. C’est le relatif que nous érigeons en absolu. En ce Carême, nous avons tous à nous libérer de ces idoles qui font peser sur nous un dur esclavage et qui réclament de nous le sacrifice de notre énergie et de notre temps. Le Carême est ce temps où nous nous détournons de l’idole de notre ego et de ses revendications parfois tyranniques pour apprendre à n’adorer que Dieu seul.
Les Hébreux suivaient Moïse dans l’espoir de connaître les douceurs de la Terre Promise. Malgré leur dureté, les multiples épreuves qu’ils avaient rencontrées les avaient fait grandir dans l’intimité du Seigneur et dans l’apprentissage de sa loi. Ils avaient alors constaté l’étonnante bonté de Dieu qui, chaque matin, leur avait envoyé la manne.
En ce début du Carême, Jésus, notre Nouveau Moïse, nous fait entendre l’appel du désert. Il nous invite à quitter nos terres d’Egypte, nos vieilles habitudes, nos compromissions cachées, pour le suivre au désert. Là, dans l’espérance de la Terre Promise du Ciel, Jésus nous apprendra par le jeûne à faire triompher en nous la loi de l’Esprit sur la loi de la chair. Par la prière, il nous donnera de goûter l’intimité avec son Père. Par le don de nos biens et dans le don de nous même, nous apprendrons de Lui qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Et enfin, dans l’Eucharistie, ce Pain descendu du Ciel, cette Manne véritable, nous anticiperons sur la terre ce que sera la vie du Ciel où tous, nous serons tout en Lui.
Aussi, avec la Vierge Marie et tous les saints, ne résistons plus à l’Esprit saint : avec Jésus, partons au désert pour le salut de nos âmes et celui du monde entier.