La dernière place

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Homélie pour le 22e Dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche 28 août 2022

Prendre la dernière place

Cet évangile nous est bien connu, et est riche de leçons. À vrai dire, il nous fait même sourire, quand on essaie de se représenter la scène  avec ces pharisiens qui s’évertuent à se placer le mieux possible pour le repas. Jésus en profite pour donner une leçon de vie… spirituelle. Car on se doute que Jésus, même si les bonnes manières et la politesse ne sont probablement pas exclues de son propos, ne veut pas seulement nous apprendre à bien nous tenir en société. Au cœur de son propos, il nous invite à prendre la « dernière place ». Mais qu’est-ce, au juste, que cette dernière place ? Ce qui nous vient immédiatement à l’esprit, c’est de prendre la place la moins en vue, tout au fond – ce que bien des chrétiens semblent avoir compris comme une invitation de Jésus à se placer tout au fond de l’église pour la messe ! Est-ce vraiment cela, la dernière place ? Est-ce vraiment toujours la place la plus discrète – la plus tranquille ?

Comme toujours, nous savons qu’en filigrane des paraboles nous pouvons voir la figure de Jésus lui-même. Aussi, la phrase donnée par l’abbé Huvelin à Charles de Foucauld est très belle : « Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne ne pourra la lui ravir. » C’est déjà une indication essentielle : la dernière place a été prise par Jésus. Mais cela ne fait aussi qu’ajouter à notre question… Car Jésus, s’il a passé trente années à Nazareth, dans la plus grande discrétion, a ensuite enseigné des foules, accompli des miracles, été connu par toutes les régions alentours, d’où l’on venait vers lui… Alors, aurait-il délaissé ensuite cette dernière place ? Non, bien sûr. Alors nous comprenons que cette « dernière place » n’est pas nécessairement la moins en vue ou la plus obscure. Elle est en réalité celle que Dieu veut pour nous, celle de son plus grand service, et celle que bien souvent nous ne voulons pas. Elle est peut-être la moins facile, la moins agréable, la moins confortable, la moins tranquille. C’est ainsi que Jésus occupait bien cette dernière place, aussi lorsqu’il rappelait la vérité aux pharisiens, ou qu’il parlait à des milliers de personnes pour appeler à la conversion. Il a d’ailleurs donné à ses apôtres un bel enseignement : « Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Mt 20, 28). La dernière place n’est pas incompatible avec l’autorité, à condition que celle-ci soit exercée comme un service, à l’image de Jésus. Le jeudi saint, Jésus dit à ses disciples : « Vous m’appelez maître et Seigneur, et vous dites bien, car vraiment je le suis… » La dernière place, il la prendra enfin sur la Croix. Alors il sera exalté, selon ce qu’il a enseigné : « quiconque s’élève sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

Prenons une image à l’aide d’une parabole de Jésus, celle du bon berger. Cela peut sembler paradoxal, mais la dernière place du troupeau  est celle du berger, qui, justement parce qu’il marche devant, prend les coups pour le troupeau, et se trouve entre le loup et ses brebis. Il doit être prêt à donner sa vie pour ses brebis. Voilà la dernière place : celle où l’on est exposé pour le Royaume, pour la vérité, pour l’amour.

En fait, la dernière place, ce sont les saints qui, tous, l’ont prise, chacun à sa manière, et ce sont eux qui nous l’indiquent le mieux. Dernière place, celle de Jean-Baptiste qui dit à Hérode : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère. » Dernière place, celle de saint Augustin, que nous fêtons aujourd’hui, et qui a délaissé une belle carrière d’intellectuel pour être pasteur de son peuple ; qui a accepté de devenir évêque, alors que c’était la dernière place qu’il envisageait – c’est la même dernière place qu’a prise également et pour les mêmes raisons le pape émérite Benoît XVI… Dernière place, celle de sainte Zita, servante toute sa vie dans la prière et le dévouement. Mais dernière place aussi, celle de saint Louis, roi de France, qui a toujours fait passer son intérêt après le service de Dieu et le bien de son peuple. Dernière place, celle de saint Thomas More, chancelier du royaume d’Angleterre, qui a su laisser un poste qu’il n’avait pas recherché, pour rester fidèle à sa conscience. Dernière place, celle de saint John Fisher, seul parmi tous les évêques d’Angleterre à rester fidèle à la loi de l’Église. Dernière place, celle de Jérôme Lejeune, scientifique de renommée mondiale, mais qui a sacrifié sa carrière et le prix Nobel de médecine qui aurait dû lui revenir pour défendre les petits. Dernière place, celle de Dominique Savio ou de Carlo Acutis, et des jeunes aujourd’hui qui ne veulent pas seulement vivre comme les autres, mais comme le Christ. Dernière place, celle de Jean-Paul II, qui a tenu ferme le gouvernail de l’Église, agissant réellement en « serviteur des serviteurs de Dieu »… Dernière place, celle du cardinal Wyszynski, qui a lutté et résisté contre un régime qui attentait aux droits de Dieu et aux droits de l’homme.

Ainsi, la dernière place n’est pas à chercher nécessairement dans le fauteuil de derrière. Elle est celle que Dieu veut de nous. Mais elle est la dernière, car elle est bien souvent celle que nous ne voulons pas. Cependant si nous la prenons simplement, Dieu nous fait ensuite partager son exaltation et sa joie.

En ce temps qui est encore un temps de retraite pour la Communauté, et où nous préparons les Vœux de deux de nos Sœurs, méditons sur la beauté de cet enseignement de Jésus. Faisons-le en contemplant d’une manière spéciale la Vierge Marie : Dieu a regardé l’humilité de sa servante, puis il l’a glorifiée. Apprenons d’elle à prendre cette dernière place, qui est la plus belle, parce qu’elle nous met à côté de Dieu lui-même, dès maintenant, et pour l’éternité.

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