Persévérer dans la prière...

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Homélie pour le 29e dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche 16 octobre 2022

La prière est un combat...

À la suite de saint Paul, sous faisons souvent la douloureuse expérience que « Nous ne savons pas prier comme il faut » (Rm 8, 26). C’est pourquoi, dimanche après dimanche, le Seigneur se fait lui-même notre maître pour nous enseigner cet « art des arts » qu’est la prière.

Dimanche dernier, l’Evangile de la guérison des dix lépreux nous exhortait à demander sans oublier de rendre grâces. En ce dimanche, le Seigneur Jésus nous apprend à persévérer dans la prière sans nous décourager.

En effet, le découragement est peut-être l’un des ennemis les plus redoutables du chrétien. Une dure réalité de la vie chrétienne que Jésus révélait à sainte Faustine, à qui il dit un jour : « Sache, mon enfant, que les plus grands obstacles à la sainteté sont le découragement et l'inquiétude, Ils t'enlèvent la possibilité de t'exercer à la vertu. Toutes les tentations réunies ne devraient pas, même un instant, troubler ta tranquillité intérieure.» (Petit journal, V.91/1487).

Fort heureusement, le Seigneur, en même qu’Il nous découvre notre mal, nous en donne le remède. Aussi, contre la tentation du découragement, le Seigneur nous offre comme remède en ce dimanche la méditation d’une parabole qui cache sous sa simplicité  apparente un message d’une grande élévation.

Le personnage central de cette parabole est une veuve. Le sort des veuves en Israël, du temps de Jésus, était particulièrement peu enviable. Privées de ressources depuis la mort de leur mari, elles vivaient grâce aux dons de ceux qui les entouraient. La veuve ne subsistait que par la bonté des autres. Soit une image de notre condition de créature. En effet, pour nous, comme pour la veuve, tout est don. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Co, 4, 7) demandait saint Paul aux Corinthiens. « L’homme est un pauvre qui a besoin de tout demander à Dieu. » disait quant à lui St Jean-Marie Vianney à ses paroissiens. Parce que nous sommes des créatures, et des créatures marquées par le péché, nous ne pouvons donc que prier, c’est-à-dire implorer de Dieu qu’il nous vienne en aide dans notre misère. On entre d’ailleurs vraiment dans la prière, on ne commence vraiment à prier, que lorsqu’on saisit que, devant Dieu, nous ne sommes que des mendiants et que nous devons tout à sa bonté.

Dans la parabole, la veuve subit une injustice et, pour cette raison, va s’adresser à un juge. De là s’ensuit un étrange rapport de force entre d’un côté cette femme opiniâtre et de l’autre ce juge insensible. Et celui-ci, de guerre lasse, cède aux demandes de la veuve et finit par lui rendre justice.

La prière est en effet un combat. À tel point d’ailleurs que l’un des rédacteurs de la partie du Catéchisme de l’Eglise catholique consacrée à la prière a dit un jour que l’« on va à la prière comme on va à la guerre ». Ce prêtre libanais avait pourtant vécu la guerre dans son pays. Il savait donc de quoi il parlait.

La prière est un combat qui se jour à plusieurs niveaux. Un combat tout d’abord contre notre désir spontané de voir et de sentir. Dieu est spirituel. Son action et sa présence mystérieuses échappent à nos sens. S’adresser à lui dans la prière requière donc de notre part la foi. Une foi qui devient une véritable épreuve lorsque cessent les consolations sensibles. Mais la prière est également un combat contre notre égoïsme. Car prier, c’est s’oublier au moins un instant pour être attentif à Dieu, pour nous tenir en sa présence. Apprendre à prier, c’est apprendre à se décentrer de soi-même pour se tourner vers Dieu, gratuitement, par amour. Enfin, comme semble le suggérer Jésus lui-même dans l’Evangile, la prière est parfois un combat contre Dieu lui-même. Car Dieu ne répond pas toujours immédiatement à nos prières, un peu à la manière du juge de l’Evangile qui tarde à répondre aux implorations de la veuve. Pour cette raison encore, la prière est un combat.

Dans ce combat aux multiples visages, le chrétien pourra être tenté comme Moïse de « baisser les bras ». Comme nous l’avons entendu dans la première lecture, Moïse baisse littéralement les bras sur la montagne parce que persévérer dans la prière était devenu pour lui difficile, voire impossible.

Cette scène du Peuple hébreux combattant contre les Amalécites exprime d’ailleurs un dilemme que nous avons tous expérimenté un jour :

D’une part, nous savons que la victoire contre nos défauts et le démon n’est possible que par la prière. La prière nous est absolument nécessaire, tout comme pour les hébreux qui combattaient les Amalécites. Mais, d’autre part, notre prière elle-même est un combat. Dans le livre de l’Exode, on ne sait d’ailleurs qui livre la plus dure bataille : les hébreux dans la plaine, ou Moïse sur la montagne.

Or, l’histoire se répète et nous sommes souvent pris dans ce dilemme de Moïse : nous ne pouvons vaincre nos ennemis que par la prière, mais par ailleurs, « nous ne savons pas prier comme il faut ».

Comme Moïse, notre dilemme ne prendra fin que lorsque nous recevrons un secours extérieur. Moïse a reçu de l’aide : après s’être assit sur un rocher, deux hommes lui ont tenu les bras. Et les Hébreux ont alors vaincu leurs ennemis. Il y avait là comme une préfiguration de ce qui devait advenir. Car, un jour, Jésus sera lui aussi, comme Moïse, sur un rocher : le Calvaire. Et sur ce rocher du Calvaire, comme Moïse, Jésus aura les bras levés en Croix, priant son Père pour notre salut. Et Jésus ne baissera pas les bras. En effet, saint Luc remarque que Jésus est monté au Ciel les bras élevés. Du haut du ciel, Jésus continue d’élever les bras pour nous qui sommes dans la plaine, afin de nous obtenir la victoire contre nos ennemis.

À cette lumière s’éclaire sous un jour nouveau la parabole de la veuve importune. En effet, si Jésus nous demande en ce dimanche d’imiter la veuve qui ne s’est jamais découragée, c’est que lui, Jésus, est à la fois le juge qui rend justice et notre intercesseur qui demande la justice à notre place. Dans son humanité, Jésus intercède sans relâche son Père pour nous, ses frères. Et dans sa divinité, Il accomplit les prières que nous lui adressons en son nom. Il nous donne toujours quand on lui demande, même s’il ne donne pas toujours ce qu’on lui demande.

Voilà pourquoi le chrétien peut prier sans se décourager : parce que sa prière n’est pas seulement la sienne, si pauvre, mais qu’elle est une participation à celle du Christ lui-même, qui est parfaite et efficace. La prière du chrétien est radicalement différente de celle de tous les autres croyants. La prière chrétienne est en effet la prière de Jésus lui-même à laquelle l’homme à l’immense grâce de pouvoir participer.

Le secret de notre persévérance dans la prière est donc de croire avec foi en cette prière de Jésus. D’où la question posée par le Seigneur dans l’Evangile, juste après avoir parlé de la prière : « Lorsque le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Trouvera-t-il des hommes de foi qui, sans se décourager, continueront à prier avec lui ? Trouvera-t-il des chrétiens qui s’uniront à sa prière pour le salut du monde ?

La réponse à cette question, nous la donnons en participant au moins chaque dimanche à la Messe. En effet, à la Messe, nous nous unissons au prêtre qui élève les bras vers le Ciel, en un geste qui reproduit celui de Moïse sur la montagne, et celui du Seigneur sur la Croix. Participer à la Messe est donc certainement la prière la plus haute et la plus efficace que nous puissions faire monter vers Dieu. Aussi, en ce dimanche, demandons à la Vierge Marie la grâce de vivre toutes nos Messes avec foi. Qu’elle nous donne la confiance inébranlable que le Seigneur Jésus, du haut du Ciel, intercède pour nous sans relâche. Qu’il écoute toutes nos prières, mêmes les plus pauvres et les plus discrètes. Et qu’ainsi nous obtenions la victoire dans nos combats.

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