Dieu attend de nous quelque chose de concret

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Homélie pour le 33ème Dimanche du Temps Ordinaire A

Dimanche 19 novembre 2023

Ce qui est en jeu, c’est la transmission du trésor qui nous est confié.

L’Évangile n’est pas un conte de fées. C'est-à-dire qu’il ne se termine pas de manière inéluctablement positive pour tous. L’Évangile est beau : il est aussi réaliste. Car Dieu nous prend au sérieux ; il prend au sérieux notre liberté. Voilà pourquoi, dans les trois passages très riches de ce chapitre 25 de l’évangile de saint Matthieu, Jésus nous met en garde sur une possible issue tragique – et éternelle : dimanche dernier, nous avons entendu l’époux dire aux cinq vierges insouciantes frappant à la porte fermée de la salle des noces : « Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas » ; aujourd’hui nous entendons le maître dire du serviteur qui n’a pas fait fructifier son talent : « Ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres extérieures ; là, il y aura des pleurs et des grincements de dents ! » Dimanche prochain, nous entendrons le roi dire à ceux qui n’auront pas mis en pratique ses appels à l’amour : « Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. » Ainsi, en ce mois de novembre, en méditant sur les fins dernières, nous méditons en même temps sur la responsabilité qui est la nôtre pendant ce temps que nous passons sur la terre.

La parabole de ce dimanche nous montre que Dieu attend de nous quelque chose de concret.

Benoît XVI disait :

« Le "talent" qui nous est confié, le trésor de la vérité, ne doit pas être caché, il doit être audacieusement et courageusement transmis afin qu’il agisse et (…) renouvelle l’humanité comme un levain. Nous sommes aujourd’hui empressés en Occident d’enterrer le trésor – par lâcheté devant l'exigence (…) comme aussi par indolence : nous l’enterrons parce que nous ne voulons pas non plus être importunés par lui – parce que nous voudrions vivre sans être dérangés par la charge de sa responsabilité. » [Joseph RATZINGER, La communion de foi – tome 2 : Discerner et agir, Parole et silence, 2009, page 123]

Comme le dit Benoît XVI, ce qui est en jeu, c’est la transmission de ce trésor qui nous est confié. Nous n’avons pas le droit de le corrompre ni de l’enterrer. Ce doit être pour nous une inquiétude ! C’est, aujourd’hui comme hier, la première mission de l’Église : conserver et transmettre le précieux trésor de la foi. Préparer les âmes pour le retour du maître, et les aider à vivre dans la fidélité, afin que beaucoup entendent un jour cet appel : « Entre dans la joie de ton maître ! »

La parabole est parlante. Le maître est parti en voyage : il nous fait confiance, et nous a laissé ses biens, avec pour mission de les faire fructifier. À son retour, il rassemblera ses serviteurs et leur demandera des comptes. Nous devrons donc rendre compte de ce que nous avons fait des biens que le maître nous a confiés. Or le critère du jugement, évoqué dans cette parabole, c’est la fidélité. Voilà ce qui nous est demandé en ce dimanche, le dernier du temps ordinaire en cette année liturgique : être fidèles. Fidèles à la vérité que Dieu nous a révélée. Fidèles à l’amour que Dieu nous demande de vivre en actes et en vérité, c'est-à-dire en vivant ses commandements. C’est à cela que nous nous sommes engagés par le baptême ; c’est à cela que les consacrés et les prêtres se sont engagés par leurs Vœux et leur ordination. C’est à cela que tend l’Église, qui doit attendre dans la fidélité le retour du maître.

Beaucoup sont ébranlés par les événements qui, en ce moment, secouent l’Église – laquelle a précisément pour mission de conserver et de transmettre fidèlement le précieux trésor de la foi. Car il peut sembler aujourd’hui que des membres de la hiérarchie non seulement n’accomplissent plus cette mission de transmission, mais altèrent ce trésor. Dans ce contexte difficile, que la prière à la Vierge Marie soit notre soutien et notre joie. L’Église l’invoque comme « Vierge fidèle » et « rempart de la foi ».

Terminons en méditant avec elle cette longue citation du Père de Lubac, qui exprime assez bien ce que nous pouvons avoir au fond du cœur :

« Il se peut que bien des choses, dans le contexte humain de l'Église, nous déçoivent. Il se peut aussi que nous y soyons, sans qu'il y ait de notre faute, profondément incompris. Il se peut que, dans son sein même, nous ayons à subir persécution. Le cas n'est pas inouï, quoiqu'il faille éviter de nous l'appliquer présomptueusement. La patience et le silence aimant vaudront alors mieux que tout ; nous n'aurons point à craindre le jugement de ceux qui ne voient pas le cœur et nous penserons que jamais l'Église ne nous donne mieux Jésus-Christ que dans ces occasions qu'elle nous offre d'être configurés à Sa Passion. Nous continuerons de servir par notre témoignage la Foi qu'elle ne cesse pas de prêcher. L'épreuve sera peut-être plus lourde, si elle ne vient pas de la malice de quelques hommes, mais d'une situation qui peut paraître inextricable : car il ne suffit point alors pour la surmonter d'un pardon généreux ni d'un oubli de sa propre personne. Soyons cependant heureux (…), si nous achetons alors au prix du sang de l'âme cette expérience intime qui donnera de l'efficace à nos accents lorsque nous aurons à soutenir quelque frère ébranlé, lui disant avec saint Jean Chrysostome : "Ne te sépare point de l'Église ! Aucune puissance n'a sa force. Ton espérance, c'est l'Église. Ton salut, c'est l'Église. Ton refuge, c'est l'Église. Elle est plus haute que le ciel et plus large que la terre. Elle ne vieillit jamais : sa vigueur est éternelle." » [Henri de LUBAC, Méditations sur l’Église, Aubier, Paris, 1954, pages 184-185]

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