Abordons le Carême avec joie et contrition
Homélie pour le Mercredi des Cendres
Mercredi 2 mars 2022
Joie et contrition
Nous commençons en ce jour le temps du Carême. Comme nous l’indique la liturgie, nous abordons ce temps avec deux sentiments qui peuvent paraître contradictoires, mais qui sont en réalité profondément complémentaires : la joie, et la contrition.
La joie, parce que nous savons que ce temps a pour unique but de nous rapprocher de Dieu. Au terme de ce Carême, nous vivrons le Triduum pascal ; pensons que notre joie sera à la mesure du Carême que nous aurons vécu, pour nous rapprocher de Dieu. Et pour nous rapprocher de Dieu, il faut nous détacher de nous-mêmes, pour lui faire davantage de place dans nos vies, dans nos cœurs.
Alors une seconde attitude doit nous habiter en ce mercredi des Cendres, pour commencer ce temps de pénitence : c’est la contrition. Autrement dit, la tristesse devant les péchés du monde, et plus particulièrement devant les nôtres. Cette tristesse est nécessaire pour éprouver ensuite la joie de nous rapprocher de Dieu, selon la Béatitude : « Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés. » Ainsi, la contrition est la condition de notre réconciliation avec Dieu, qui est elle-même la condition de notre joie…
Pour mieux comprendre ce sentiment qui doit nous habiter, nous pouvons reprendre la lettre extrêmement touchante que le pape émérite Benoît XVI a adressée au diocèse de Munich il y a quelques jours. Vous le savez, Benoît XVI a été accusé une nouvelle fois d’avoir couvert des péchés de prêtres. Il est inutile de démontrer ici la fausseté de ces calomnies – ses avocats l’ont fait. Sa pureté, son honnêteté et son innocence sont au-dessus de tout soupçon et peu de personnes ont, autant que lui, contribué à faire la lumière et la vérité. Dans cette lettre, Benoît XVI ne reconnaît aucun manquement de sa part à ce sujet, c’est très clair. Mais il fait comme Jésus : il prend sur lui les péchés des hommes, les péchés des membres de l’Église. Ces mots qu’il a adressés sont un exemple de l’attitude que nous devons avoir en commençant ces quarante jours de pénitence.
Tout d’abord, comme la lecture de Joël et le psaume 50 nous y invitent, il nous faut reconnaître notre propre péché (« Oui, je connais mon péché… Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait »), et considérer aussi « les péchés du monde » (« Pitié, Seigneur, pour ton peuple ! »). C’est pourquoi, dit Benoît XVI, la liturgie de l’Église nous fait commencer la célébration de la sainte Messe en nous faisant reconnaître que nous avons péché : « Je suis à chaque fois plus profondément touché que jour après jour, l’Église mette au début de la célébration de la Sainte Messe – au cours de laquelle le Seigneur nous donne sa Parole ainsi que Lui-même – la confession de notre faute et la demande de pardon. Nous prions publiquement le Dieu vivant de pardonner notre faute, notre grande et très grande faute. Il est clair que les mots "très grande" ne s’appliquent pas de la même manière à chaque jour, à chaque jour particulier. Mais chaque jour me demande si, aujourd’hui, je ne devrais pas parler d’une très grande faute. Et il me dit d’une manière consolante que, aussi grande que puisse être ma faute aujourd’hui, le Seigneur me pardonne si je me laisse scruter par lui en toute sincérité et si je suis réellement disposé à me changer moi-même. » [BENOÎT XVI, Lettre au diocèse de Munich, 6 février 2022]
La seconde lecture nous invite à nous laisser réconcilier avec le Christ. Jésus est Notre Seigneur, et il a accepté de prendre sur lui le poids effrayant de notre péché, des péchés du monde. La méditation de ce mystère en ce temps de Carême est nécessaire à notre conversion. Benoît XVI dans sa lettre nous donne l’exemple de l’humble attitude de celui qui sait que le Fils de Dieu a porté nos péchés – mes péchés : « Je comprends de plus en plus la répugnance et la peur que le Christ a ressenties sur le Mont des Oliviers quand il a vu tout ce qu’il allait devoir surmonter intérieurement. Que les disciples dorment à ce moment-là, représente malheureusement la situation qui, aujourd’hui encore, se reproduit, et par laquelle je me sens aussi interpellé. Ainsi, je ne peux que prier le Seigneur, les anges et tous les saints et vous aussi, chères sœurs et frères, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu. »
Enfin, l’évangile nous rappelle que nous aurons à rendre compte : « Ton Père qui voit au plus secret te le rendra. » Et cela aussi nous met devant le sérieux de notre vie et de ce temps de Carême : « Bientôt, je serai face au juge ultime de ma vie. Bien que, regardant en arrière ma longue vie, je puisse avoir beaucoup de motifs de frayeur et de peur, mon cœur reste joyeux parce que je crois fermement que le Seigneur n’est pas seulement le juge juste mais, en même temps, l’ami et le frère qui a déjà souffert lui-même mes manquements et qui, en tant que juge, est en même temps mon avocat (Paraclet). À l’approche de l’heure du jugement, la grâce d’être chrétien me devient toujours plus claire. Être chrétien me donne la connaissance, bien plus, l’amitié avec le juge de ma vie et me permet de traverser avec confiance la porte obscure de la mort. » C’est aussi ce que nous rappellent les cendres que nous allons recevoir dans un instant.
Entrons donc avec confiance et sérieux en ce beau temps de pénitence pour vivre cet appel de saint Paul : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu. » Alors nous ferons l’expérience que ne sont pas contradictoires ces expressions de la Parole de Dieu en ce jour : nous reviendrons au Seigneur « dans les larmes et le deuil » en lui disant pleins de confiance : « rends-moi la joie d’être sauvé. »