La vision de Jean Paul II et Benoit XVI sur l'Europe
Homélie du samedi 6e Pâques. 9 mai 2015
La Liturgie de la Parole de Dieu, en ce samedi de la 5e semaine de Pâques, est vraiment d’actualité en ce 9 mai où nous prions particulièrement pour l’Europe. Saint Luc, dans les Actes des apôtres, nous révèle comment le Saint-Esprit a guidé le deuxième voyage missionnaire de Saint Paul. Ce grand apôtre missionnaire avait entrepris de continuer l’évangélisation du territoire actuel de la Turquie. Par deux fois, écrit Saint Luc, le Saint-Esprit l’empêcha d’aller dans la région qu’il voulait évangéliser. Saint Paul reçut la vision d’un Macédonien qui l’appelait à venir en Europe. Saint Luc tire cette conclusion : « nous étions certains que Dieu venait de nous appeler à y porter la Bonne Nouvelle » ! Dieu a voulu l’évangélisation de l’Europe.
Il a voulu, c’est évident, les racines chrétiennes de notre Continent ! En ce 9 mai 2015, au lendemain du 70e anniversaire de la fin de la deuxième guerre mondiale, il me semble important de rappeler la vision commune des Papes Jean-Paul II et Benoît XVI sur l’Europe. La semaine dernière, nous avons cité notre Pape François dans son discours au Parlement européen, en totale continuité avec ses deux illustres prédécesseurs.
Le dernier livre de Jean-Paul II « Mémoire et Identité » était comme un testament philosophique et théologique de ce Saint Pape polonais qui a connu dans sa chair les grandes épreuves du vingtième siècle. Jean-Paul II a été bouleversé par cette très grave crise spirituelle et morale : le mal a été érigé en système. On s’est servi des structures de l’État de Droit pour le répandre sous l’aspect de la légalité ! Hitler a pris « légitimement » le pouvoir et, par les structures de l’État, il a répandu son idéologie démoniaque ! Le marxisme s’est également servi des structures de l’État, en URSS et en d’autres pays, pour répandre une autre idéologie démoniaque qui a fait couler tant de sang et déporter injustement tant de populations ! Les sociétés dites libérales se servent aussi des structures de l’Etat pour légaliser l’avortement. Saint Jean-Paul II a cherché les raisons du déchaînement du mystère de l’iniquité en Europe pendant le vingtième siècle. La raison principale, c’était évident pour lui, était le rejet de la Loi de Dieu. Le 17 avril 1994, Jean-Paul II avait dit:
«N'y a-t-il pas déjà des symptômes préoccupants qui font craindre pour l'avenir de l'humanité ? Regardant vers l'an 2000, comment ne pas penser aux jeunes ? Que leur propose-t-on ? Une société de "choses" et non de "personnes". Le droit de tout faire dès leur plus jeune âge, sans contrainte, mais avec le plus de "sécurité" possible. Le don désintéressé de soi, la maîtrise des instincts, le sens de la responsabilité sont autant de notions que l'on considère appartenir à un autre âge... Il est à craindre que demain ces mêmes jeunes, devenus adultes, demandent des comptes aux responsables d'aujourd'hui pour les avoir privés de raisons de vivre en ayant omis de leur indiquer les devoirs qui incombent à un être doué de cœur et d'intelligence ».
Le 9 novembre 1982, Jean-Paul II avait lancé à l’Europe, de St-Jacques de Compostelle, cet appel :
« Moi, Jean-Paul II, fils de la Nation polonaise qui s’est toujours considérée européenne. Moi, successeur de Pierre sur le siège de Rome. Moi, évêque de Rome et Pasteur de l’Église universelle, de Saint-Jacques je te lance, vieille Europe, un cri plein d’amour : rencontre–toi de nouveau. Sois toi-même. Découvre tes origines. Ravive tes racines. Revis ces valeurs authentiques qui firent glorieuse ton histoire et bienfaisante ta présence dans les autres continents. Reconstruis ton unité spirituelle, dans un climat plein de respect envers les autres religions et les authentiques libertés. Donne à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Tu peux être encore un phare de civilisation et un stimulant de progrès pour le monde. Les autres continents te regardent et attendent aussi de toi la même réponse que Jacques donna au Christ : « je le puis » ».
Dans son livre sur l’Europe, le Cardinal Ratzinger, quant à lui, a écrit :
« l’Occident semble se haïr lui-même ; certes, il s’efforce de s’ouvrir – et c’est louable – avec beaucoup de compréhension aux valeurs étrangères, mais il ne s’aime pas lui-même ; de sa propre histoire, il ne retient plus désormais que ce qui est déplorable et causa des ruines, n’étant plus en mesure de percevoir ce qui est grand et beau. Si elle veut survivre, l’Europe a besoin de s’accepter à nouveau elle-même, non sans humilité ni critique… Face aux autres et pour eux, notre devoir est de nourrir en nous-mêmes le respect de ce qui est sacré et de révéler le visage de Dieu qui nous est apparu – du Dieu de la compassion envers les pauvres, les faibles, les veuves, les orphelins, les étrangers ; de ce Dieu qui est tellement « humain » qu’Il est devenu lui-même un homme, un homme souffrant, qui souffre avec nous, donnant ainsi dignité à la douleur et espérance. Si nous ne le faisons pas, non seulement nous renions l’identité même de l’Europe, mais nous privons les autres d’un service auquel ils ont droit. Pour les cultures du monde, la dimension absolument profane, qui est apparue en Occident, est quelque chose de profondément étranger. Elles en sont persuadées : un monde sans Dieu n’a pas d’avenir ».
Notre Pape François disait au Conseil de l’Europe :
« Aujourd’hui nous avons devant les yeux l’image d’une Europe blessée, à cause des nombreuses épreuves du passé, mais aussi à cause des crises actuelles, qu’elle ne semble plus capable d’affronter avec la vitalité et l’énergie d’autrefois. Une Europe un peu fatiguée, pessimiste, qui se sent assiégée par les nouveautés provenant d’autres continents. À l’Europe, nous pouvons demander : où est ta vigueur ? Où est cette tension vers un idéal qui a animé ton histoire et l’a rendue grande ? Où est ton esprit d’entreprise et de curiosité ? Où est ta soif de vérité, que jusqu’à présent tu as communiquée au monde avec passion ? De la réponse à ces questions, dépendra l’avenir du continent... Un tronc sans racines peut continuer d’avoir une apparence de vie, mais à l’intérieur il se vide et meurt. L’Europe doit réfléchir pour savoir si son immense patrimoine humain, artistique, technique, social, politique, économique et religieux est un simple héritage de musée du passé, ou bien si elle est encore capable d’inspirer la culture et d’ouvrir ses trésors à l’humanité entière.
Confions à la Vierge Marie, en ce mois de mai, la conversion de la France et de l’Europe. Hâtons le triomphe de son Cœur Immaculé.