Vivre la vie de la Sainte Famille : une véritable mission pour Jésus
Homélie pour la fête de la Sainte Famille - Année B
Dimanche 31 décembre 2023
De la famille dépend le destin de l’homme, son bonheur, la capacité de donner sens à son existence.
Nous célébrons en ce dimanche la sainte Famille de Nazareth, modèle de toutes les familles et de notre famille Domini.
Cette vie de famille, le Seigneur Jésus l’a vécue pendant 30 ans dans le plus grand secret. En effet, mis à part l’événement de la Présentation de Jésus et celui de la perte et du recouvrement de Jésus au Temple, nous ignorons presque tout des 30 premières années de la vie du Seigneur.
Ainsi, dans l’Évangile que nous avons lu en ce dimanche, saint Luc semble vouloir résumer en une seule phrase plus des trois quarts de la vie du Seigneur : « Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes » écrit saint Luc. Soit 15 mots pour décrire 30 années de vie.
De fait, il y a certainement là une des vérités les plus étonnantes de notre foi. Car nous croyons non seulement que Dieu s’est fait petit enfant, mais nous allons presque plus loin encore en affirmant qu’Il a voulu vivre ignoré de tous pendant la plus grande partie de sa vie terrestre. Nous chrétiens, croyons que Celui qui est la Parole de Dieu n’a rien dit publiquement pendant des années. Que Celui qui était venu dans le monde pour le transformer le monde a longtemps exercé une activité toute ordinaire. Que celui qui est le Fils de Dieu a été pris pour le fils du charpentier de Nazareth, saint Joseph.
Il y a là certainement un profond mystère : pourquoi une telle discrétion ? Pourquoi Jésus s’est-il caché et n’a-t-il pas agi tout de suite, publiquement, et d’une manière apparemment plus efficace ? Après tout, 33 ans de vie, c’était court. Pourquoi donc avoir vécu tant d’années apparemment inutiles selon nos critères d’efficacité, alors qu’Il aurait pu prononcer tant de paroles réconfortantes, guérir de nombreux malades, pardonner des foules de pécheurs ?
La liturgie de ce jour éclaire ce mystère de la vie cachée. Car en tournant nos regards vers Nazareth, l’Église nous rappelle l’importance que le Seigneur a accordé à la vie de famille. Elle nous rappelle que pour Jésus, vivre la vie de la Sainte Famille était une véritable mission. Une mission pas moins importante que celle de prêcher, de faire des miracles ou de guérir les malades. En choisissant de partager avec saint Joseph et la sainte Vierge une vie cachée faite de joies et de peines ordinaires, Jésus a voulu sanctifier et magnifier la famille, intime communauté de vie et d’amour et sanctuaire de la vie.
À la suite de Jésus, le Pape saint Jean-Paul II n’a cessé de rappeler cette importance de la vie de famille. Il disait : « Beaucoup de personnes se demandent : pourquoi la famille est-elle aussi importante ? Pourquoi l’Église insiste-t-elle tant sur le thème du mariage et de la famille ? La raison est simple, même si tous ne parviennent pas à le comprendre : de la famille dépend le destin de l’homme, son bonheur, la capacité de donner sens à son existence. Le destin de l’homme dépend de celui de la famille et c’est pour cette raison que je ne me lasse jamais d’affirmer que l’avenir de l’humanité est étroitement lié à celui de la famille. »
En cette fête de la Sainte Famille, Jésus Marie et Joseph nous rappellent donc l’importance de la famille comme école de l’amour. La famille est en effet le lieu où nous apprenons notre métier d’homme qui consiste à aimer en se donnant. La famille est l’école où l’enfant apprend de ses parents ce que veut dire être aimé, et où il apprend à rendre amour pour amour.
La famille est également la cellule de base de la société qui la précède et qui la fonde. Formée par l’union d’un homme et d’une femme par le sacrement de mariage, la famille montre aux États leurs finalités et donc leurs limites. Dans la famille, les enfants apprennent à vivre des principes sur lesquels toute société juste peut se construire : l’amour de la justice, le sens du devoir, l’oubli de soi pour le bien commun, l’estime du travail bien fait.
La famille est enfin le trésor de l’Église. Car comme le disait si justement le Concile Vatican II, la famille est une Église domestique. Dans les familles, l’Église contemple en quelque sorte un reflet de son mystère puisque saint Pierre appelle l’Église la « famille de Dieu » (1 P 4, 17). Dans les familles, l’Église n’hésite pas non plus à contempler une image de la sainte Trinité. Saint Jean-Paul II avait déclaré à Puebla, lors de son premier grand voyage apostolique : « Nous devons faire cette belle et profonde considération que notre Dieu n’est pas une solitude, mais une famille, parce qu’il y a en lui la paternité, la filiation et l’essence de la famille qui est l’amour. Cet amour dans la famille divine est le Saint-Esprit. Ainsi, le thème de la famille n’est pas étranger à l’essence divine. » Et pour ceux qui trouvaient ces mots trop audacieux, le Pape avait écrit dans sa Lettre aux familles que « le modèle originel de la famille doit être cherché en Dieu même, dans le mystère trinitaire de sa vie ».
En ce jour s’éclaire le mystère de la vie cachée du Seigneur. Ces 30 années passées dans la discrétion de la sainte Famille nous disent tout l’amour de Jésus pour la famille. En chaque famille fondée sur le sacrement du mariage et l’ouverture généreuse à la vie, le Seigneur Jésus voit une image de la sainte Trinité et le lieu où Il pourra éduquer les hommes à l’amour.
Satan, en revanche, déteste les familles. Sœur Lucie de Fatima avait révélé au cardinal Carlo Caffarra que le dernier combat de Satan, le plus terrible peut-être, porterait contre les familles. Le résultat de cette haine satanique est devant nous : la famille est terriblement attaquée, et tant de nos familles sont blessées, divisées, parfois brisées. Mais à tous, et spécialement à ceux pour qui la vie de famille n’a pas apporté les consolations espérées, la sainte Famille de Bethléem et de Nazareth reste ce foyer ouvert et accueillant, dans lequel nous pourrons trouver le réconfort et l’amour dont nous avons besoin, et parfois le lieu où nous redécouvrons ce qu’est vraiment la famille.
Aussi, en ce jour où nous prions Jésus, Marie et Joseph pour toutes les familles, demandons également à la sainte Famille d’étendre sa bénédiction sur chacun de nous. En effet, quelle que soit notre vocation, et quelle que soit notre expérience plus ou moins heureuse de la vie de famille, nous sommes tous appelés à goûter ici-bas la douce intimité du foyer de Nazareth. Là, nous trouverons les grâces dont nous avons besoin pour continuer notre route. Une route qui s’achèvera le jour où, éternellement, nous goûterons la joie de la vie de la famille divine qu’est la sainte Trinité.