Noël : Dieu vient rompre le silence

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Homélie pour le jour de Noël

Lundi 25 décembre 2023

Le Verbe a franchi la très longue distance qui nous séparait de lui, mais le dernier pas nous revient

Chant des calendes ouvrant la messe de la nuit de Noël

En ce jour de Noël, la liturgie nous donne de pénétrer au cœur du mystère de l’Incarnation. Un mystère que saint Jean résume dans le Prologue de son Évangile en des mots que nous ne finirons jamais de méditer : « Le Verbe s’est fait chair. Et il a demeuré parmi nous ».

En quelques mots, saint Jean résume la très longue course du Verbe. Une course commencée au lendemain de la création, dans le jardin de la Genèse. Le Verbe créateur, « celui par qui tout a été fait », recherchait Adam. « Adam, où es-tu ? » (Gn 3, 9). Et Adam se cachait, honteux de sa faute, animé par la peur. Lui qui autrefois conversait familièrement avec Dieu, lui qui, créé à l’image du Verbe, avait reçu la grâce de parler avec Dieu comme on parle à son ami, s’était alors muré dans le silence. Et pendant des siècles, ce silence de mort a recouvert la terre, parfois entrecoupé par la voix des prophètes qui appelait Israël à revenir vers Dieu pour écouter sa Parole.

À Noël, Dieu achève sa course et vient enfin rompre le silence. Dieu envoie son Verbe, sa Parole, afin de reprendre son dialogue d’amour. Le Verbe de Dieu se fait chair pour retrouver Adam, pour renouer avec lui son commerce familier, et pour l’inviter à entrer de nouveau dans son intimité.

L’Enfant Jésus qui repose sur la paille de la Crèche est donc un Verbe, une Parole, qui nous délivre un message d’une infinie densité. Un message de lumière qui nous dit tout l’amour de Dieu pour les hommes. Une parole qui nous parle dans le silence de la compassion de Dieu pour notre misère.

Mais si le Verbe a franchi la très longue distance qui nous séparait de lui, s’Il a accomplit une très longue course, le dernier pas nous revient. En effet, la Parole de Dieu n’est pas venue faire un monologue, mais pour entrer en dialogue avec nous. Il nous faut donc accepter de l’écouter, et de lui répondre. Une écoute et une réponse que nous vivons dans la foi. La foi est en effet la réponse de l’homme à la Parole de Dieu qui se révèle. En ce jour, nous ne pouvons entendre la voix du Verbe sinon par la foi. On n’entre dans la Crèche que par la « porte de la foi » (cf. Ac 14, 27).

Malheureusement, comme saint Jean le rappelle dans le Prologue de son Évangile, cet acte de foi n’est ni spontané, ni universel. « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu ». Peu nombreux en effet sont ceux qui sont venus à la Crèche pour écouter la Parole.

Les habitants de Bethléem tout d’abord n’ont pas fait le pas pourtant si simple d’aller jusqu’à la Crèche. Il est vrai qu’accueillir la Parole de Dieu, poser un acte de foi, c’est accepter de se laisser bousculer. C’est admettre que les principes qui guident notre vie ne seront désormais plus fixés par nous mais par Dieu. La foi en Dieu rend la vie plus belle et plus heureuse. C’est évident. Mais elle l’a rend aussi plus surprenante, plus risquée. En un mot, la foi convertit, elle transforme. Et c’est en définitive ce pour quoi les habitants de Bethléem semblent en ce jour refuser d’entrer dans le dialogue de l’Enfant Dieu. Ils savent au fond d’eux-mêmes qu’un tel dialogue viendra les transformer.

Mais il existe une autre manière – plus subtile – de refuser d’entrer en dialogue avec la Parole de Dieu : celle des savants de Jérusalem qu’Hérode a consultés pour savoir où allait naître le roi des Juifs. Ces spécialistes de la Bible connaissaient les mystères de la foi. Mais leur adhésion à la révélation n’était qu’intellectuelle : ils connaissaient leur foi, mais ils n’en vivaient pas.  Dieu était pour eux une idée importante, mais Il n’était qu’une idée. Leur foi n’était pas informée par la charité. Ils savaient, mais ils n’agissaient pas. Et ils n’ont pas fait eux aussi le pas de la foi. Ils n’ont donc pas accueilli la Parole.

Enfin, le triste personnage d’Hérode incarne une dernière manière de refuser la Parole de Dieu. Car Hérode ne peut s’empêcher de voir dans l’Enfant Jésus un concurrent. Dieu a beau se présenter comme le libérateur d’Israël, le Prince de la Paix, Hérode ne peut s’empêcher de penser avec le Serpent de la Genèse que sa soumission à la loi de Dieu fera sa servitude. Que le règne de l’Enfant de Bethléem viendra compromettre ses affaires. Et c’est pourquoi Hérode se cache, comme autrefois Adam s’était caché de Dieu pour ne pas lui révéler son péché. En effet, devant les mages, Hérode cachera sa malice derrière de nobles intentions : lui aussi, affirmera-t-il, désire voir Jésus et se prosterner devant lui. En réalité, Hérode, comme tant d’autres à travers l’histoire, rêve de tuer l’Enfant-Dieu. L’Innocence de Dieu lui est devenue insupportable. La douceur de la Parole de Dieu faite chair lui est devenue trop « dure » (cf. Jn 6, 60).

Heureusement, saint Jean évoque en ce jour tous ceux qui ont accueilli la Parole de Dieu et qui sont entrés dans son commerce familier. « Mais à ceux qui l’ont reçu, Il a donné de pouvoir devenir enfant de Dieu, eux qui croient en son nom ». En entendant ces mots de saint Jean, nous pensons à la foi ardente de Marie et de Joseph, à la foi humble des bergers. Aucun d’eux n’avaient l’évidence que Jésus était le Fils de Dieu. Mais, plongés dans la nuit de la foi, ils ont entendu la Parole, et ils l’ont accueillie, aidés par les signes donnés par Dieu : le chant des anges et le signe de l’Enfant.

En ce Noël 2023 s’actualise le mystère de Noël. Nous aussi, comme les bergers, nous étions plongés dans les ténèbres. Mais en cette nuit Dieu nous a fait entendre sa Parole par la voix de son Église et Il a fait briller à nos yeux la lumière de sa vérité. Ce que Dieu avait « caché aux sages et aux savants », il a voulu le révéler aux « tout-petits » (cf. Mt 11, 25) que nous sommes. La Parole est venue jusqu’à nous sous les voiles de l’Hostie, pour entrer avec nous dans un dialogue où l’amour remplace les mots.

En ce saint jour de Noël, avec la Vierge Marie et saint Joseph, avec les bergers, n’ayons pas peur de faire un pas vers l’Enfant de la Crèche. En ce jour de Noël, faisons à nouveau le pas de la foi. Jésus a soif de parler aux cœurs de ses amis fidèles, d’épancher en eux le trop plein de son amour. Aussi, avec une confiance renouvelée, accueillons sa Parole, le Verbe de Dieu. Écoutons-le nous parler. Ne nous cachons plus. Ne le faisons plus attendre.

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