La parole de Dieu est tranchante... sommes-nous toujours capables de l'entendre ?
Homélie pour le 26e Dimanche du Temps Ordinaire - Année C
Dimanche 28 septembre 2025
Nous vivons dans un monde qui ne connaît plus rien entre la violence et la mollesse. Or l’Évangile refuse ces deux voies.
Dans un enseignement, il y a deux niveaux : le fond et la forme.
Regardons tout d’abord le fond de l’enseignement qui nous est donné en ce dimanche par ces lectures. Trois points peuvent attirer notre attention.
1) Tout d’abord l’importance de la vie éternelle, et la préparation de celle-ci dès cette terre. Le livre de l’Apocalypse dit des justes : « Leurs actes les suivent » (Ap 14, 13). C’est valable aussi des damnés. Jésus nous le montre dans le récit de ce jour, où il nous fait voir le riche en enfer…
2) Une autre leçon est la dénonciation des inégalités sur la terre. La justice n’est pas une valeur réservée à certains courants politiques ! Elle est au cœur de l’Évangile. Le riche qui vit dans le luxe, qui voit un pauvre à sa porte, et ne prête aucune attention à celui qui meurt devant sa maison, met en danger son salut éternel. Nous devons exercer la justice, et nous l’exercerons envers les hommes si nous l’exerçons aussi et d’abord envers Dieu, en lui rendant ce que nous lui devons, en obéissant à ses commandements, donnés par amour et pour notre bien.
3) Enfin, ces lectures évoquent la responsabilité que nous avons les uns envers les autres. Dès cette terre, par la charité. Mais aussi en vue de la vie éternelle. Après le péché originel, Caïn croit se dédouaner en répondant à Dieu qui lui demande où est son frère Abel : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gn 4, 9). Oui, nous pouvons avoir à répondre du salut de l’âme de nos frères. Nous avons reçu un trésor : qu’en faisons-nous ? Dans le domaine spirituel, nous pouvons nous comporter comme le riche. Nous pouvons jouir de ce que nous avons, et laisser à notre porte mourir de faim ceux qui ne connaissent pas l’Évangile. Notre responsabilité alors sera grande, car ce trésor que nous avons reçu, nous n’avons pas le droit de le garder pour nous. Nous serons jugés sur le partage que nous en aurons fait, pour le salut des âmes.
Voilà pour le fond. Mais il y a aussi la forme. Et c’est certainement nécessaire de l’aborder aussi. Car la forme est seconde, mais pas secondaire. Elle est au service du fond, mais elle le porte. Or nous voyons aujourd’hui que la parole de Dieu est tranchante. Celle d’Amos d’abord : « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles… La bande des vautrés n’existera plus. » Celle de saint Paul, aussi : « Mène le bon combat, celui de la foi, empare-toi de la vie éternelle ! » Celle de Jésus, enfin : il nous montre le riche « dans une fournaise, en proie à la torture », séparé du sein d’Abraham par « un grand abîme ». Et au sujet des frères du riche, il est seulement dit : « Ils ont Moïse et les Prophètes : qu’ils les écoutent ! » Sommes-nous capables, aujourd’hui, d’entendre encore des propos tranchants comme ceux des prophètes, comme ceux de Jésus, comme ceux des apôtres ?
Nous vivons dans un monde qui ne connaît plus rien entre la violence et la mollesse. Entre l’outrance et l’inconsistance. Or l’Évangile refuse ces deux voies. Jésus est doux, et il est énergique. Jésus est bon, et il est clair. Aujourd’hui, dans un monde où règnent le relativisme et la confusion, une parole claire est souvent qualifiée d’intolérante, de conflictuelle, de clivante. Benoît XVI avait dit : « Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Église, est souvent défini comme du fondamentalisme. »1
C’est aujourd’hui le jubilé des catéchistes, et notre pape Léon XIV célèbre en ce moment pour eux la Messe sur la Place Saint-Pierre. Prions pour que les catéchistes s’appuient sur ce trésor qu’est le Catéchisme de l’Église catholique pour transmettre ces vérités de la foi avec conviction et fidélité à l’aide de cet instrument exceptionnel au service de la foi et donc de l’unité de l’Église.
Jésus n’a pas craint, en maintes occasions, d’être « clivant ». On estime qu’il faut de l’amour – ce qui est vrai. Mais quel amour ? Un amour qui tolérerait le mensonge ? Un amour qui tolérerait l’injustice ? Le cardinal Sarah écrivait : « On mesure à notre apathie devant les déviations doctrinales la tiédeur qui s'est installée parmi nous. »2 Et le cardinal Müller disait il y a quelques jours : « L’Église catholique doit proclamer la vérité mais aussi contredire les mensonges. En d’autres termes, nous devons non seulement expliquer positivement la foi, mais aussi réfuter activement l’erreur. Le concile de Nicée a affirmé les vérités de la foi mais a aussi dénoncé Arius comme hérétique. Proclamer la vérité ne suffit pas. Saint Paul parle des "ennemis de la Croix" au sein de l’Église. »3 Jésus nous montre à la perfection comment allier l’amour de la vérité et l’amour des personnes. Il savait être doux. Il savait être vrai. Le cardinal Journet écrivait : « Plus l’homme adhère à la vérité, plus il découvre ses lumineuses profondeurs, plus aussi il est sévère contre ce qui s’acharne à la détruire. Il y a des paroles très dures qui ne sont que l’envers d’un très grand amour. Les tièdes ne les comprendront jamais. »4
En ce dimanche, où nous avons entendu des vérités importantes sur l’éternité, sur la justice, et sur notre solidarité dans l’ordre spirituel, demandons à la Vierge Marie la grâce de vivre et de transmettre ces réalités dans la douceur de l’amour. La vraie douceur de l’amour. En concluant son encyclique sur la morale, Jean-Paul II écrivait : la Vierge Marie « est du côté de la vérité et partage le fardeau de l'Église dans son rappel des exigences morales à tous et en tout temps. (…) elle n'accepte pas que l'homme pécheur soit trompé par quiconque prétendrait l'aimer en justifiant son péché, car elle sait qu'ainsi le sacrifice du Christ, son Fils, serait rendu inutile. »5 Que la Vierge de douceur, Mère de miséricorde, nous guide vers son Fils, plein d’amour et de vérité.
1 Joseph Ratzinger, Homélie de la Messe Pro eligendo romano Pontifice, 18 avril 2005
2 Cardinal Robert Sarah, Le soir approche et déjà le jour baisse, 2019, pages 411-412
3 https://dianemontagna.substack.com/p/interview-cardinal-muller-on-charlie
4 Guy Boissard, Charles Journet 1891-1975, Paris, Éditions Salvator, 2008, page 137
5 Veritatis splendor, nº 120