La foi et la croix, deux béatitudes inséparables
Homélie pour le 2ème Dimanche de Carême - année B
Dimanche 25 février 2024
La transfiguration : signe d'espérance et appel à l'obéissance de la foi
Dimanche dernier, la liturgie nous donnait de méditer sur les tentations de Jésus au désert pour nous aider, durant ces quarante jours de carême, à vivre avec Jésus au désert partageant à sa prière, son offrande et son combat, nous préparant à participer personnellement à ce grand mystère de la foi, dans le triduum pascal, de la mort et de la résurrection du Christ.
En ce deuxième dimanche, nous sommes invités à méditer sur le mystère de la Transfiguration. Cela peut paraitre étonnant, mais de fait, la liturgie ne fait que reprendre en quelque sorte la pédagogie même de Jésus. En effet, cet épisode évangélique, mystère lumineux par excellence, vient juste après que Jésus ait annoncé pour la première fois à ses apôtres sa douloureuse passion. À ce moment-là, Pierre n’a pas réussi à comprendre pourquoi le Seigneur, le Fils de Dieu, parlait de souffrance, de refus, de mort, de croix, et il s’oppose de manière décidée à cette perspective. Aussi, six jours après cet évènement, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène à l’écart sur une haute montagne. Il est alors transfiguré devant eux. Jésus, vrai Dieu et vrai homme, manifeste ainsi la gloire et la magnificence de sa divinité. Comme le souligne St Léon le Grand : « Par cette transfiguration, Jésus voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la grandeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa passion volontaire ne bouleversent leur foi. »
Pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement vient s’ajouter à ce miracle : « de la nuée une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé : écoutez-le ! » Dieu le Père lui-même enjoint aux Apôtres d’écouter son Fils, la Parole de Dieu faite chair. C’est un appel à l’obéissance de la foi.
En parallèle à cet épisode évangélique, il nous est donné de méditer sur l’émouvant récit de la mise à l’épreuve d’Abraham : Dieu lui demande d’offrir en holocauste son fils Isaac. Dieu avait pourtant promis à Abraham de lui accorder une descendance nombreuse à travers ce fils. Le patriarche âgé se trouve face à la perspective d’un sacrifice qui pour lui, père, est certainement le plus grand que l’on puisse imaginer. Toutefois, il n’hésite pas même un instant : il part avec Isaac pour le lieu indiqué. Et nous pouvons imaginer lors de cette marche vers le sommet du mont, ce qui a pu se passer dans son cœur et dans le cœur de son fils. Il construit un autel, il place le bois et, après avoir attaché le jeune garçon, il prend le couteau pour l’immoler. Abraham a entièrement confiance en Dieu, au point d’être disposé à sacrifier également son propre fils et, avec son fils, également l’avenir, car sans son fils la promesse de la terre n’était rien, elle finit dans le néant. En sacrifiant son fils, il se sacrifie lui-même, tout son avenir, toute la promesse. C’est réellement un acte de foi extrêmement radical. (Benoit XVI – Homélie du 4 mars 2012) C’est dans la mesure où elle est plus fortement mise à l’épreuve, que la foi peut donner ses plus fortes preuves d’amour. (Cum Clamore Valido p. 106) Abraham obéit avec promptitude, toujours disponible, il obéit avec exactitude, dès que le Seigneur fait signe, et il en résulte une joie profonde, fruit de la présence de la grâce. (cf. Cum Clamore Valido p. 249) Alors qu’il est sur le point d’immoler son fils, il entend l’ange du Seigneur l’appeler : « Ne porte pas la main sur le garçon. Je sais maintenant que tu crains Dieu. » Dieu seul n’épargnera pas son propre Fils, le livrant pour nous tous, comme le souligne St Paul dans l’épître aux Romains. « Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous. » Que ces paroles de St Paul nous affermissent dans l’espérance.
En ce temps de pénitence, de combat spirituel et de prière plus intense en union avec Jésus au désert, ces lectures soulignent les deux béatitudes terrestres de l’amour : la foi et la croix. Deux béatitudes inséparables : la foi ne pouvant être totale sans l’esprit de sacrifice, le sacrifice ne pouvant être plénier sans l’esprit de foi. (Cum Clamore Valido p. 108)
En cette année mariale, tournons-nous vers la Vierge Marie. Elle est modèle de prière et d’écoute, d’obéissance et de disponibilité confiante envers les désirs de Dieu, même les plus crucifiants. Elle est celle, parmi toutes les créatures, qui a le plus parfaitement correspondu aux demandes de Dieu dans une parfaite adhésion, dans un Fiat tout cordial, tout empreint du Magnificat d’amour, et dans un Ecce du cœur se livrant volontiers, sans réserve. Durant ce carême, laissons Notre-Dame éduquer nos cœurs à vivre avec ardeur ces deux béatitudes de l’amour que sont la foi et la croix.
Concluons en reprenant la finale de l’homélie du pape St Léon le Grand entendue ce matin à l’office des lectures : « Que personne ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c’est par le labeur qu’on parvient au repos, par la mort qu’on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l’aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu’il a vaincu et nous recevons ce qu’il a promis. Qu’il s’agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l’adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l’heure doit retentir sans cesse à nos oreilles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour ; écoutez-le ! »