La conversion devient joie
Homélie pour le 2ème Dimanche de l'Avent C
Dimanche 8 décembre 2024
Et si Jean-Baptiste revenait aujourd’hui ?
Ce deuxième dimanche de l’Avent nous fait méditer sur la figure de Jean-Baptiste, qui a préparé le peuple de Dieu à la venue du Seigneur. L’évangile de ce dimanche nous le situe très concrètement dans l’histoire, où il entre lui aussi, quelques mois avant celui dont il est le précurseur.
Mais il n’est sans doute pas inutile de rappeler qui est vraiment Jean-Baptiste. Il est celui qui – précisément pour préparer la venue du Messie – a appelé, et parfois très sévèrement, à la conversion. Il a rappelé à Hérode qu’il n’avait pas le droit de prendre la femme de son frère. Et il lui a fait des reproches « au sujet de tous les méfaits qu’il avait commis » (Lc 3, 19). Il n’a pas craint de rappeler la vérité très clairement aux foules et aux grands, aux soldats, aux prêtres, aux pharisiens, aux publicains, qui lui demandaient : « Que devons-nous faire ? » Jean-Baptiste leur a répondu avec force : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ? Produisez donc des fruits qui expriment votre conversion » (Lc 3, 7-8). Il n’a pas cherché à plaire. Il n’a pas craint de déplaire.
Or cet appel tranchant à la conversion n’est pas contraire à la joie de l’évangile. Il en est plutôt la condition. C’est ce que dira Jésus lui-même : « Jean était la lampe qui brûle et qui brille, et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière » (Jn 5, 35). Se réjouir ? En entendant tout cela ? Oui, car la lumière apporte la joie. La vérité nous rend libres (cf. Jn 8, 32). En ce temps, par exemple, le peuple ne savait plus que penser de l’adultère. Car les responsables religieux du peuple répondaient : « C’est mal… enfin, un peu… mais parfois c’est permis. D’ailleurs Moïse a accepté… donc c’est complexe… ça dépend du motif… » Jean-Baptiste, lui, a été clair : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère » (Mc 6, 18). La clarté était faite. Et Jésus a confirmé sans ambiguïté : « Ce que Dieu a uni, que l’homme de le sépare pas » (Mt 19, 6) Et : « Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre devient adultère envers elle » (Mt 10, 11). Jean était venu pour « rendre témoignage à la lumière » (Jn 1, 7), et il a réellement, comme l’a dit Jésus lui-même, « rendu témoignage à la vérité » (Jn 5, 33).
Alors, posons-nous cette question : et si Jean-Baptiste revenait aujourd’hui ? Car qui rappelle encore aujourd’hui cette parole de Jean : « Tu n’as pas le droit de prendre la femme de ton frère » ? Jean-Baptiste n’a pas parlé de peuple inclusif où tous auraient leur place sans avoir à se convertir – et Jésus non plus. La parole de Jean reste vraie, en ce temps de l’Avent où nous pensons au retour du Seigneur : « tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. » (Mt 3, 10). Ainsi, Jean-Baptiste veut certainement nous donner aujourd’hui un langage plus ferme, plus courageux, plus clair. Dans notre pays où va être encore débattue une loi sur l’euthanasie, saint Jean-Baptiste ne se contenterait pas d’euphémismes en déplorant un manque de fraternité. Il dirait sans détour ce dont il s’agit : le meurtre de personnes vulnérables.
Et il est heureux que des laïcs aujourd’hui rappellent que l’euthanasie faisait partie du programme eugénique du parti nazi. L’évêque Mgr von Galen, appelé le Lion du Münster, a dénoncé avec force, dans l’Allemagne de 1941, « une doctrine terrible qui cherche à justifier le meurtre des personnes innocentes, qui légitime le massacre violent des personnes handicapées qui ne sont plus capables de travailler, des estropiés, des incurables des personnes âgées et des infirmes ! »[1] Et il ajoutait : « La voie est ouverte, en effet, pour le meurtre de nous tous, quand nous devenons vieux et infirmes et donc improductifs. » Cet évêque a été très courageux et très libre. Sa devise était : Nec timore nec laudibus – « ni par la peur ni par les louanges ». Il a été un Jean-Baptiste pour son temps, et il demeure une lumière pour nous.
Nous devons aujourd’hui, justement pour préparer le retour du Seigneur dans le cœur des hommes, retrouver un langage clair, qui permettra de préparer le chemin du Seigneur : « Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis » (Lc 3, 5). Nous ne jugerons pas les cœurs. Jamais. Car nous ne savons pas ce qu’il y a dans les cœurs. Mais nous pouvons et nous devons juger les actes. Nous pouvons et nous devons dénoncer le mal. Nous le devons par amour. Car les générations qui viennent nous demanderont compte des graves silences de notre époque.
La vérité peut être dure d’abord. Mais à celui qui l’accueille elle devient toujours douce. Baruch aujourd’hui nous dit : « Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire, avec sa miséricorde et sa justice. »
Nous avons aussi aujourd’hui beaucoup de motifs de joie et d’espérance. Nous allons entrer dans l’année sainte, et fêter ainsi de manière plus solennelle encore le mystère de l’Incarnation. Nous sommes aujourd’hui de cœur à Notre Dame de Paris. L’incendie de 2019 a sans doute été un signe impressionnant du mal qui consume notre pays en détruisant son héritage chrétien. Mais la splendeur de Notre Dame restaurée est aussi un signe que cet héritage perdurera, que la Vierge Marie n’abandonnera jamais la France, et que la France ne lâchera jamais tout à fait la main de Notre Dame. En ce 8 décembre, et à la veille de célébrer l’Immaculée Conception de la Vierge Marie, en préparant aussi la fête de Notre Dame des Neiges, la sollicitude de la Vierge Marie nous remplit de confiance. Son divin Fils, qui est la Vérité, nous rendra libres. Et la prophétie de Baruch se réalisera pour ses enfants : « Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. »
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[1] Mgr Von Galen, Sermon de feu, 2 août 1941