Jusqu'aux profondeurs de notre misère

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Homélie pour le 30ème Dimanche du Temps Ordinaire B

Dimanche 27 octobre 2024

Qu'as-tu que tu n'aies reçu ?

260 mètres au-dessous du niveau de la mer. C’est l’altitude de la ville de Jéricho, la ville la plus basse du monde. C’est là qu’aujourd’hui Jésus rencontre Bartimée, dans les bas-fonds de notre humanité, jusqu’où il est descendu. C’est de là qu’il monte maintenant vers Jérusalem pour y souffrir sa Passion.

Cette rencontre de Jésus avec Bartimée est particulièrement touchante, et elle nous rejoint en ce dimanche. Selon saint Augustin, Bartimée n’était pas né aveugle, mais il l’était devenu. Il avait vécu d’abord dans une grande prospérité, mais il était tombé dans la misère, au point de devoir mendier. Benoît XVI voyait dans cette figure de Bartimée une image des nations et des personnes qui avaient connu la lumière de l’Évangile, mais qui l’ont perdue, et qui vivent désormais privées de cette lumière, dans une misère spirituelle et morale profonde [Cf. BENOÎT XVI, Homélie de la Messe de conclusion du synode, 28 octobre 2012].

Jésus peut et veut encore descendre à notre rencontre dans les profondeurs de cette misère, pour nous rendre la lumière, pour nous ouvrir les yeux. Or lui seul peut le faire. Car Jésus est le Fils de Dieu – et il n’y en a qu’un. En lui réside, nous dit saint Paul, « la plénitude de la divinité » (col 2, 9). Il n’y a, nous disent saint Pierre et saint Jean, « de salut en aucun autre » (Ac 4, 12).

Aujourd’hui, on évoque souvent le dialogue interreligieux, et la place des autres religions – et cette question est légitime. Pourtant nous devons rester fidèles à la Révélation, et à Jésus qui nous dit lui-même : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 6). Benoît XVI écrivait :

« Ce qui rend le Christ important, c’est Dieu, sa filiation divine. Si en lui Dieu est vraiment devenu homme, alors il est véritablement déterminant pour tous les temps. » [Joseph RATZINGER, Dogme et annonce, Parole et Silence, 2005, p. 45].

Ainsi, se poser la question de la vérité de notre religion – y compris par rapport aux autres religions – est un devoir impérieux. Comme le rappelle le concile Vatican II :

« Tous les hommes (…) sont tenus de chercher la vérité, surtout en ce qui concerne Dieu et son Église ; et, quand ils l’ont connue, de l’embrasser et de lui être fidèles. » Or, enseigne encore le Concile, « Dieu a lui-même fait connaître au genre humain la voie par laquelle, en le servant, les hommes peuvent obtenir le salut et le bonheur dans le Christ. » Et il conclut très clairement : « Cette unique vraie religion, nous croyons qu’elle subsiste dans l’Église catholique et apostolique… » [Dignitatis humanae, nº 1]

Car Jésus, qui guérit Bartimée, est en effet – et ceci est constitutif de la Révélation, de la religion chrétienne – l’unique Fils de Dieu, le seul Sauveur, Rédempteur de l’homme. Dans un document très important donné en l’an 2000 à la demande de Jean-Paul II, le cardinal Ratzinger précisait :

« On peut et on doit dire que Jésus-Christ a une fonction unique et singulière pour le genre humain et pour son histoire : cette fonction lui est propre, elle est exclusive, universelle et absolue. » [Dominus Iesus, nº 15]

Ceux qui n’enseignent pas avec clarté cette foi de l’Église sont comme les disciples qui écartent aujourd’hui Bartimée et lui barrent le chemin vers celui qui est la Lumière du monde et qui seul peut lui ouvrir les yeux, lui rendre la vue.

Dans son encyclique sur la mission, Jean-Paul II rappelait avec force :

« Le dialogue doit être conduit et mis en œuvre dans la conviction que l'Église est la voie ordinaire du salut et qu'elle seule possède la plénitude des moyens du salut. » [Redemptoris missio, nº 55]

Cette affirmation est-elle de l’orgueil ? Non. Car, comme le demande saint Paul : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifier ? » (1 Co 4, 7). Et ailleurs il souligne que ce trésor que nous avons reçu, nous le portons dans des vases d’argile (cf. 2 Co 4, 7). Aussi le concile Vatican II nous avertit :

« Tous les fils de l’Église doivent se souvenir que la grandeur de leur condition doit être rapportée non à leurs mérites, mais à une grâce particulière du Christ ; s’ils n’y correspondent pas par la pensée, la parole et l’action, ce n’est pas le salut qu’elle leur vaudra, mais un plus sévère jugement. » [Lumen gentium, nº 14]

Nous n’avons donc aucune supériorité personnelle par rapport aux autres. Mais nous avons reçu un trésor qu’ils n’ont pas – Jésus, le Fils de Dieu, la Vérité – un trésor que nous devons leur partager, en nous rappelant cette belle affirmation du concile :

« la vérité ne s’impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l’esprit avec autant de douceur que de puissance. » [Dignitatis humanae, nº 1]

Ainsi, précisait encore le cardinal Ratzinger,

« la parité, condition du dialogue, signifie égale dignité personnelle des parties, non pas égalité des doctrines et encore moins égalité entre Jésus-Christ – Dieu lui-même fait homme – et les fondateurs des autres religions. L'Église en effet, guidée par la charité et le respect de la liberté, doit en premier lieu annoncer à tous la vérité définitivement révélée par le Seigneur, et proclamer la nécessité, pour participer pleinement à la communion avec Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, de la conversion à Jésus-Christ et de l'adhésion à l'Église par le baptême et les autres sacrements. » [Dominus Iesus, nº 22]

Cette très belle rencontre de Jésus avec Bartimée, aux profondeurs de notre terre, peu avant sa Passion, est un bel encouragement pour nous aujourd’hui. Nous devons dire aux hommes qui cherchent la lumière, souvent même sans le savoir, que seul Jésus peut la leur donner. Que la Vierge Marie nous aide à nous tourner nous aussi vers lui : « Jésus, prends pitié de moi ! » Disons à ceux qui le cherchent : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle ! » Car Jésus seul peut dire à un homme, en le rendant à la lumière : « Va, ta foi t’a sauvé ! »

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