Le chrétien perd la joie quand il ne renvoie pas à Jésus
Homélie pour le 3ème dimanche de l'Avent - Dimanche de Gaudete - Année B
Dimanche 17 décembre 2023
Seule la joie qui se maintient dans la souffrance est la véritable joie
« Réjouissez-vous… » Telle est la tonalité de cette Messe du troisième dimanche de l’Avent, appelé dimanche de Gaudete – c'est-à-dire précisément « Réjouissez-vous ». Quand on suit tant soit peu les informations, dans le monde, en France, dans l’Église, on pourra trouver cette invitation à la joie vraiment décalée. Est-il à-propos, compte-tenu de l’actualité, d’être dans la joie ? Cette invitation n’est-elle pas de la provocation, ou pour le moins une forme d’inconscience assez désinvolte et déplacée ?
« Réjouissez-vous… » Ces mots, que l’Église a choisis pour introduire la liturgie de ce troisième dimanche de l’avent, elle les emprunte à saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens. Plus encore qu’une invitation, ils sont un commandement : « Réjouissez-vous ! » Pourtant, saint Paul avait bien les pieds sur terre lorsqu’il écrivait ces mots. Il ne les écrivait pas dans une extase ou un moment d’euphorie. En effet, il était alors en prison, et il risquait d’encourir d’un moment à l’autre une condamnation à mort.
Or c’est dans ces circonstances, qui pourraient le porter surtout à la tristesse et à l’inquiétude, qu’il écrit : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; je le redis : soyez dans la joie. (…) Le Seigneur est proche » (Ph 4, 4-5). Les deux dimanches que l’Église nous propose chaque année d’axer particulièrement sur la joie (le dimanche de Gaudete durant l’avent, et le dimanche de Laetare durant le carême), sont tous deux vécus durant des temps de pénitence. C’est une manière de nous montrer que nous pouvons, et que nous devons vivre la joie, au milieu des difficultés, des épreuves. Le passage de la lettre aux Thessaloniciens que nous avons entendu est très explicite lui aussi : « soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. » Il est donc possible, et même nécessaire de vivre la joie en tout temps, et même dans les temps difficiles.
Mais pourquoi et comment vivre cette joie ?
Tout d’abord, prêcher la joie au milieu des épreuves n’est pas une manière de ne pas regarder la réalité en face. Le chrétien est quelqu’un qui regarde la réalité bien en face, mais qui voit plus loin. Et qui, derrière les épreuves et les difficultés de la vie, aperçoit la lumière de la résurrection. Telle est la joie chrétienne : elle voit avec lucidité les combats, mais elle contemple déjà leur arrière plan : la victoire finale. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : la joie du salut.
C’est ce que le prophète Isaïe annonce : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice… » Malgré les épreuves – ou même grâce à elles, si elles sont unies à celles de Jésus – le salut nous est donné. C’est l’expérience de saint Paul dans sa prison ; c’est l’expérience de tous les saints. Oui, il est possible de vivre la joie de la présence de Dieu. Or cette présence, proche, compatissante, aimante, se fait plus forte encore dans nos épreuves.
Benoît XVI disait :
« La joie véritable n’est pas détruite… mais portée à maturité par la souffrance. Seule la joie qui se maintient dans la souffrance, et qui est plus forte que la souffrance est la véritable joie. » [Joseph RATZINGER, La communion de foi – tome 1 : Croire et célébrer, Parole et silence, 2008, page 160]
Voilà le sens de ce dimanche de Gaudete, de ce dimanche de la joie, de la couleur rose de cette liturgie : en ce dimanche, où la liturgie atténue le violet de la pénitence par le rose de l’aurore, l’Église nous dit avec force : au milieu des épreuves, réjouissez-vous ; au milieu des combats, réjouissez-vous ; au cœur de l’attente, réjouissez-vous. Réjouissez-vous dans le Seigneur. Réjouissez-vous, parce que le Seigneur est proche.
Et comment nous réjouir ? Comment exprimer cette joie de la présence de Jésus ?
Nous sommes maintenant à quelques jours de la fête de Noël. La liturgie de l’Église nous fait commencer aujourd’hui cette seconde partie de l’Avent, qui nous tourne directement vers le mystère de l’Incarnation, vers la crèche. En ce dimanche nous est présentée la figure de Jean-Baptiste, qui nous montre ce qu’est la vraie joie. Jean-Baptiste, ici, est interrogé sur son identité et sa mission. Or il ne répond que par rapport au Christ. Il n’est rien de ce que l’on croit de lui. Il est seulement la voix qui annonce le Messie. Il a compris comment vivre la véritable joie et en témoigner : vivre à la lumière de Jésus, et montrer aux autres cette lumière. Car le chrétien perd la joie quand il ne renvoie pas à Jésus. L’Église perd la joie quand elle ne renvoie pas à Jésus.
C’est aussi le chemin que nous indique la Vierge Marie. Elle nous montre comment vivre la vraie joie, elle qui a répondu simplement à l’archange Gabriel : « Voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole. » C’est l’expérience que Notre Dame des Neiges nous a donné de vivre hier : en nous mettant à sa suite dans la lumière de son Fils Jésus, nous avons vécu une journée de joie profonde et paisible. Nos intentions, nos épreuves demeurent. Mais nous les avons mises sous le regard de Dieu, par les mains de Notre Dame des Neiges. Nous sommes dans la joie, parce que nous avons expérimenté que ces épreuves mêmes peuvent nous rapprocher de Dieu, et qu’elles ont une valeur à ses yeux.
En ces derniers jours de préparation à Noël, préparons-nous paisiblement à accueillir Jésus : nos cœurs seront dans la joie du salut qui vient. C’est aujourd’hui l’aurore. Réjouissons-nous, soyons toujours dans la joie. Le Seigneur est proche !