Je vous le dis, à vous qui m’écoutez !
Homélie pour le 7ème dimanche du Temps Ordinaire C
Dimanche 23 février 2025
Pour une vie selon Dieu
Écouter
L’évangile de ce jour commence par ces paroles de Jésus : « Je vous le dis, à vous qui m’écoutez. » De fait Saint Luc insiste pour dire que les foules venaient à Jésus non seulement pour être guéries de leurs maladies mais aussi pour l’entendre. Elles recherchaient donc une guérison du corps, mais aussi une guérison de l’âme, précisément en écoutant les paroles de Jésus. Écoutons donc et avec un cœur ouvert ce que Jésus nous dit.
Pardonner du fond du cœur et intercéder
Que dit Jésus ? Il dit : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. » On peut parler là d’une véritable révolution de la miséricorde qui est essentielle, non seulement en vue de la vie éternelle, mais aussi pour un renouvellement de la face de la terre. La stricte justice ne saurait, en effet, suffire pour mettre la paix entre les hommes, la justice doit être vivifiée par la miséricorde.
Mais il est difficile de pardonner du fond du cœur, en ne gardant aucune amertume. Pour y arriver, on peut commencer, comme le demande Jésus, par prier pour qui nous fait du mal. Si l’on demande à celui qui a du mal à pardonner : « Quand même tu ne désires pas que ceux qui t’ont fait du mal aillent en enfer ! » Il répondra : « Oh non ! » Mais l’on peut être tenté d’ajouter que Jésus a dit qu’il y avait beaucoup de demeures dans la maison du Père » (cf. Jn 14), alors qu’ils aillent au ciel mais dans une demeure assez éloignée de la mienne.
Ici le témoignage de Sainte Maria Goretti peut nous éclairer sur le vrai pardon. A l’âge de 12 ans, elle a été tuée à coups de poinçon par un jeune homme de 18 ans qui voulait abuser d’elle. La petite Maria n’est pas morte immédiatement et son curé avait ce souci : que Maria ne meure pas sans avoir pardonné à son agresseur. Or Maria a vraiment pardonné ; elle a surmonté son aversion et a même dit au sujet de son agresseur : « Je veux qu’il soit à côté de moi en paradis ! » Sa prière a obtenu la conversion de son agresseur.
Cela permet de montrer que le pardon, quand il est authentique, devient intercession pour le coupable. De fait pardon et intercession grandissent ensemble : le vrai pardon devient intercession et l’intercession généreuse développe le pardon. C’est là un ferment qui non seulement conduit à la vie éternelle mais qui peut aussi renouveler le monde.
Nous en avons l’exemple le plus parfait en Jésus qui, sur la croix, a adressé cette prière : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Le pardon et l’intercession du juste persécuté percent le ciel et touchent le cœur de Dieu ; ils peuvent aussi briser le cœur du coupable. C’est en tout cas ce qui s’est passé pour le bon larron. Ce dernier savait que Jésus était innocent car il a proclamé : « Pour nous c’est justice, après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal ! » Et cela l’a conduit à se confier à l’intercession du juste condamné auquel il a demandé : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ! » (cf. Lc 23).
Des actes de miséricorde
Au pardon et à l’intercession, il faut ajouter des actes de miséricorde, comme le demande Jésus : « faites du bien à ceux qui vous haïssent. […].Aimez vos ennemis, faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour. »
Pas de moralisme mais une vie selon Dieu
Comprenons aussi que Jésus ne fait pas du moralisme ou de l’horizontalisme, nous demandant simplement d’être gentil avec tout le monde. Non, les demandes de Jésus sont intrinsèquement liées à la Révélation qu’il nous fait de son Père : lui seul connaît le Père et nous le fait connaître. Jésus nous demande donc de devenir « les fils du Très-Haut » et il nous dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. »
Ne jugez pas
Jésus dit encore : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous serez pardonnés. […] la mesure dont vous vous servez pour les autres servira de mesure aussi pour vous. »
L’apôtre saint Jacques dira la même chose en d’autres mots : « Le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, mais la miséricorde l’emporte sur le jugement » (Jc 2, 13). Ces paroles permettent de comprendre que le christianisme est fondamentalement une religion de miséricorde. La miséricorde, le pardon, sont peut-être les plus belles fleurs du christianisme.
Il faut cependant bien comprendre ce que signifie « Ne jugez pas, ne condamnez pas, pardonnez. » Cela ne signifie pas tout tolérer, puis à force de tout tolérer, tout accepter et, finalement tout approuver. Cela ne signifie pas : « Dieu vous aime comme vous êtes et vous n’avez pas à vous convertir. » D’ailleurs, si l’on y fait attention, une telle attitude conduit finalement à juger et à condamner le pécheur, car cela revient à lui dire : « Tu es pécheur et tu resteras pécheur ; tu ne changeras jamais et Dieu lui-même ne te changera pas. »
Le « ne jugez pas » est au contraire une exhortation pleine d’espérance : cela indique qu’il est possible à tout homme de se convertir, par la grâce de Dieu qui nous précède et nous porte dans nos efforts.
L’exhortation « Pardonnez et vous serez pardonnés » est un appel à pardonner ce qui me touche moi, personnellement, ce qui m’atteint dans mes biens, dans ma santé, dans mon honneur. Celui qui pardonne ainsi sera jugé par une loi de miséricorde et il échappera à la condamnation.
Le jubilé
Nous sommes dans l’année du Jubilé. Pour recevoir l’indulgence plénière et aussi pour obtenir des grâces de conversion pour nous-mêmes et pour d’autres, il y a les trois conditions habituelles auxquelles il faut ajouter une œuvre.
Les trois conditions sont une confession accompagnée d’un vrai repentir et d’une vraie détestation de ses péchés, une communion fervente et la prière aux intentions du pape. En ces jours où le pape est gravement atteint dans sa santé, il est particulièrement important de prier pour lui.
Pour l’œuvre particulière, il y a un certain choix. Il y a par exemple la prière pour les vivants ou les défunts. Eh bien, il est certain qu’un vrai pardon et la prière pour ceux qui nous font du mal sont une œuvre qui convient très bien pour le Jubilé. Si l’on y ajoute un acte de bonté envers ces mêmes personnes qui nous font du mal, c’est encore mieux.
La grâce du Jubilé nous incite à renouveler cela plusieurs fois et il est bien certain que nous pouvons ainsi contribuer à un don a bondant de grâce durant cette année sainte.
Avec Notre Dame
Vivons cela avec le secours de la Sainte Vierge, elle qui a si bien écouté et mis en pratique les paroles de Jésus. Qu’elle nous conduise maternellement à vivre en vérité la miséricorde que son divin Fils nous a enseignée !