Prenez Sara, c'est-à-dire la vertu, pour épouse !

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En parcourant l’Écriture... Les homélies d'Origène sur la Genèse (4/8)

3 - Abimelech et Sara

Avec cette série "En parcourant l'Ecriture", nous voudrions à nouveau vous faire partager les richesses de la littérature patristique et nous vous proposons de découvrir cette fois les écrits d'Origène avec ses Homélies sur la Genèse.

Voici aujourd'hui un extrait de la 6ème homélie, sur le séjour d'Abraham et de Sara chez Abimélech (Gn 20)

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— Après l'apparition des trois hommes, après la destruction de Sodome et la préservation de Lot que celui-ci dut à son hospitalité ou à sa parenté avec Abraham, le récit de la Genèse qu'on vient de nous lire raconte qu' " Abraham partit de là vers le Midi " et s'en vint chez les Philistins. Selon le récit, Abraham avait convenu avec sa femme Sara qu'elle ne se ferait pas passer pour sa femme mais pour sa sœur. Si bien que le roi Abimélech la prit pour l'épouser. Mais Dieu vint chez Abimélech durant la nuit et lui dit, selon le texte : " Tu n'as pas touché cette femme, et je n'ai pas permis que tu la touches, etc. ". Après quoi, Abimélech la rendit à son mari et reprocha en même temps à Abraham de ne lui avoir pas dit la vérité. Alors, toujours d'après le récit, en prophète qu'il était, Abraham pria pour Abimélech, " et le Seigneur guérit Abimélech, sa femme et ses servantes ". Le Dieu tout-puissant prit soin de guérir aussi les servantes d'Abimélech, " parce que, dit l'Ecriture, il les avait rendues stériles pour qu'elles n'enfantent pas ". Par la suite, à cause de la prière d'Abraham, elles purent enfanter.

Quiconque veut n'entendre ce récit que selon la lettre ferait mieux de se ranger parmi les Juifs que de rester avec les Chrétiens. Mais quiconque veut être chrétien et disciple de Paul doit écouter Paul qui dit que " la loi est spirituelle ", et qui déclare, parlant d'Abraham, de son épouse et de ses fils, que c'est un " sujet allégorique ". Il n'est pas facile à qui que ce soit de découvrir toutes les allégories que ce sujet renferme. Il lui faut néanmoins prier pour que " soit ôté le voile " qui est sur son cœur " à lui qui s'efforce de se tourner vers le Seigneur ", — " car le Seigneur c'est l'Esprit ", — il faut prier pour que le Seigneur lui-même ôte le voile de la lettre et fasse briller la lumière de l'esprit, et qu'ainsi nous puissions dire que " le visage découvert, réfléchissant la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image de plus en plus resplendissante, comme par l'esprit du Seigneur ".

Pour ce qui est de Sara, dont le nom signifie chef de file ou principe dominant, je pense qu'elle représente la vertu morale. C'est l'homme sage et fidèle qui s'attache et s'unit cette vertu, tel le Sage qui disait de la sagesse : " J'ai cherché à l'avoir pour épouse ". Aussi Dieu dit à Abraham : " Tout ce que te dira Sara, accomplis-le. " Cette parole ne se rapporte pas au commerce charnel, puisque Dieu a déjà prononcé cette autre phrase à l'adresse de la femme à propos de son mari : " Ton désir te portera vers ton mari, et il dominera sur toi. " — Si donc l'Ecriture fait de l'homme le maître de la femme, comment se fait-il qu'elle puisse dire cette fois à l'homme : "Tout ce que te dira Sara, accomplis-le " ? C'est que lorsqu'on s'est adjoint la vertu en mariage, il faut accomplir toutes les inspirations qu'elle suggère.

Or, Abraham ne veut plus que la vertu soit appelée sa femme. Car tout le temps qu'on appelle la vertu une épouse, elle est strictement personnelle et ne peut être communiquée à personne. Il est bien naturel, tant que nous sommes en marche vers la perfection, que la vertu morale soit en nous et bien à nous , mais une fois que nous sommes devenus assez parfaits pour être capables d'enseigner aussi les autres, alors, comme une épouse serrée contre notre sein, ne gardons pas la vertu pour nous tout seuls, mais, comme une sœur, donnons-la en mariage à d'autres qui la désirent. — A ceux qui sont parfaits, la parole divine dira : " Dis à la Sagesse : qu'elle est ta sœur". C'est pourquoi Abraham disait de Sara qu'elle était sa sœur. De la sorte, comme quelqu'un de parfait, il laisse prendre la vertu par qui la désire.

— Cependant, jadis, Pharaon lui aussi avait voulu prendre Sara, mais il ne le voulait pas " avec un cœur pur ". — La vertu ne peut entrer chez qui que ce soit sans la pureté de cœur. Aussi l'Ecriture rapporte que " le Seigneur frappa Pharaon de grands et terribles malheurs ". Car la vertu ne pouvait pas habiter avec l'exterminateur, — ainsi que signifie en notre langue le mot de Pharaon.

Mais considérons ce qu'Abimélech dit au Seigneur : " Tu sais, Seigneur, dit-il, que j'ai fait cela avec un cœur pur. " — Abimélech agit tout autrement que Pharaon. Il est loin d'être totalement ignorant et perverti : il sait au moins qu'il faut un cœur pur pour se préparer à la vertu. Aussi Dieu le guérit-il, à la prière d'Abraham, pour avoir voulu prendre la vertu avec un cœur pur. Et il n'y eut pas que lui à être guéri, il y eut aussi ses servantes.

Que signifie ce qu'a ajouté l'Ecriture : " Et le Seigneur ne lui permit pas de la toucher " ? Si Sara représente la vertu et si c'est avec un cœur pur qu'Abimélech a voulu avoir la vertu pour épouse, pourquoi l'Ecriture dit-elle que " le Seigneur ne lui permit pas de la toucher " ?

Abimélech signifie : mon père est roi. Or il me semble qu'Abimélech représente les sages parmi les amis du siècle, adonnés à la philosophie, sans avoir encore entièrement ni pleinement atteint la règle de piété, sachant toutefois que Dieu est le père et le roi de tout, autrement dit qu'il a tout fait et qu'il gouverne tout. Sur ce plan de la philosophie morale, il est bien vrai que ces gens-là ont cultivé jusqu'à un certain point la pureté de cœur et qu'ils ont cherché généreusement, avec zèle, à entrer en communication de la vertu divine. Mais " Dieu n'a pas permis qu'ils la touchent ". Car ce n'était pas Abraham — quelque grand qu'il fût, il n'était qu'un serviteur, — mais le Christ qui était destiné à donner cette grâce aux Gentils. Aussi, malgré l'impatience d'Abraham de voir la parole qui lui avait été dite : " Toutes les nations seront bénies en toi ", s'accomplir en lui et par lui, c'est en Isaac que lui est faite la promesse, c'est-à-dire dans le Christ, selon ce que dit l'Apôtre : " Il n'a pas dit " et à ses descendants " comme s'il s'agissait de plusieurs, mais " et à ta descendance ", comme ne parlant que d'un seul qui est le Christ. "

Cependant " le Seigneur guérit Abimélech, sa femme et ses servantes ".

— Ce n'est pas sans raison, à mon avis, que l'Ecriture, non contente de mentionner la femme d'Abimélech, a mentionné aussi ses servantes, notamment en ce passage : " Dieu les guérit et elles enfantèrent, car il les avait rendues stériles. " Autant que nous pouvons avoir un avis sur des passages si difficiles, nous pensons qu'on peut faire de l'épouse d'Abimélech la philosophie naturelle, et de ses servantes les divers systèmes de la dialectique qui se différencient suivant les écoles.

[...]

Donc, selon notre système d'allégorie, Pharaon — c'est-à-dire l'homme impur, l'exterminateur — ne pouvait absolument pas prendre Sara, c'est-à-dire la vertu, pour épouse. Tandis qu'Abimélech, c'est-à-dire l'homme à la vie pure, le philosophe, le pouvait, lui qui la cherchait avec un cœur pur. Cependant " le moment n'était pas encore venu ". Aussi la vertu reste avec Abraham, elle reste avec la circoncision, jusqu'à ce que vienne le temps où, avec le Christ Jésus notre Seigneur " en qui habite corporellement la plénitude de la divinité ", la Vertu totale et parfaite passe à l'Eglise des Gentils.

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Dans la même série : 

Introduction : il a écouté la Parole de Dieu et l'a mise en pratique

1 - Mesurons la grandeur de l'homme !

2 - Il en rencontre trois mais n'en adore qu'un

3 - Prenez Sara, c'est-à-dire la vertu, pour épouse !

4 - Perdre quelque chose pour Dieu, c'est le retrouver plusieurs fois

5 - En aucun cas on ne s'éloigne des puits, en aucun cas on ne cesse de puiser de l'eau !

6 - Si la philosophie n'est pas en opposition en tout avec la Loi de Dieu, en tout non plus elle n'est pas en accord avec elle

7 - Il ne doit pas craindre d’affronter les luttes de ce monde, ni les combats avec les démons ennemis, celui avec qui Dieu descend au combat.

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