Je suis venu apporter un feu sur la terre...

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Homélie pour la Vigile pascale

Samedi saint 8 avril 2023

Qui s’approche de Moi s’approche du feu

Dans la mythologie grecque, les hommes étaient privés du feu, qui était la possession des dieux. Une sorte de demi-dieu, Prométhée, se rendit auprès des dieux, et réussit à leur voler le feu. Puis il le donna aux hommes, qui dès lors furent eux aussi en possession du feu. Ce récit est un mythe. Pourtant, il nous dit quelque chose de ce que les hommes attendaient depuis des siècles, et qui s’accomplit réellement dans l’histoire, en cette nuit.

Le feu est le symbole de la vie de Dieu, de cette vie divine, dont l’homme, depuis le péché originel, n’était plus en possession. Or l’homme a le désir d’être comme Dieu. Et ce désir est légitime : il est inscrit dans son cœur, puisque l’homme est créé à l’image de Dieu et selon sa ressemblance (cf. Gn 1, 26).

Mais les hommes ont voulu être comme Dieu sans lui, ou même contre lui. Ils ont alors perdu la vie divine que Dieu leur avait pourtant partagée. Voilà pourquoi le Fils de Dieu s’est fait Fils de l’homme : pour venir nous donner ce feu – sa vie divine. Jésus a dit un jour : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49).

Cette nuit, Jésus, Fils de Dieu et Fils de l’homme, allume ce feu – il nous rend la vie divine que nous avions perdue. Ce n’est pas l’homme qui vient prendre ce feu à Dieu – nous en sommes bien incapables. Mais c’est Dieu lui-même qui, dans son immense amour, se fait l’un de nous pour nous apporter ce feu : « pour libérer l’esclave, tu as livré le Fils. »

Notre veillée pascale a commencé dans la nuit noire, autour d’un tas de bois mort. Comment mieux représenter la condition de notre monde sans Dieu, qui vit dans « les ténèbres et l’ombre de la mort » (cf. Lc 1, 79) ? Mais cette nuit, Jésus, Notre Seigneur, allume un feu sur la terre, et ramène ainsi à notre humanité la lumière, la chaleur, la joie.

Le bois de la mort, le bois de la Croix s’embrase, et de la mort jaillit la vie divine, le feu. Origène nous a transmis une parole de Jésus qui a dit : « Qui s’approche de moi s’approche du feu. » Cette flamme qui s’est élevée dans la nuit, c’est lui, Jésus, Notre Seigneur, qui nous rend la vie que nous avions perdue : « C’est toi qui éclaires ; c’est toi qui réchauffes ; c’est toi qui ressuscites. » Après la révélation de son nom dans le feu du buisson ardent, Dieu nous révèle son amour dans le feu qu’il allume par sa mort et sa résurrection.

Le vendredi saint, l’homme a cru tuer Dieu. Mais Dieu ne meurt pas : du bois mort de la Croix, il allume une flamme vivante.

Aujourd’hui encore, nous voulons tuer Dieu. Aujourd’hui encore, certains veulent réaliser le mythe de Prométhée : nous voulons nous procurer le feu par nous mêmes. Nous voulons être nous-mêmes des dieux, maîtrisant la vie, et décidant du bien et du mal (cf. Gn 3, 5). Mais ce chemin est une impasse qui conduit au malheur, dès cette terre et pour l’éternité.

La seule voie est de recevoir et d’accueillir ce feu que Dieu ne veut pas garder jalousement pour lui, mais qu’il vient nous donner. C’est ce que nous avons signifié en allumant le cierge pascal au feu nouveau, puis en allumant nos cierges à cette flamme. Ce cierge pascal représente Jésus, le Christ : il est la colonne de feu qui conduit l’Église.

Le feu est la rencontre de la lumière et de la chaleur – c'est-à-dire de la vérité et de l’amour. Or cette rencontre de la vérité et de l’amour ne peut se réaliser que dans le sacrifice. Lors de la dernière veillée pascale qu’il célébra, en 2012, Benoît XVI avait souligné que la flamme du cierge pascal est « une lumière qui vit en vertu du sacrifice. Le cierge illumine en se consumant lui-même. Il donne la lumière en se donnant lui-même. Ainsi il représente d’une façon merveilleuse le mystère pascal du Christ qui se donne lui-même et ainsi donne la grande lumière. » [BENOÎT XVI, Homélie pour la vigile pascale, 7 avril 2012].

Dans quelques instants, le célébrant accomplira un rite qui passe un peu inaperçu, mais qui est très riche de signification : durant la prière de bénédiction de l’eau baptismale, le cierge pascal sera plongé dans l’eau des fonts baptismaux. Dans le mystère de cette nuit, c’est le signe de la colonne de feu qui précède le peuple dans sa traversée des eaux de la mer – « Ta lumière éclaire la route… » C’est le signe que l’immortel plonge dans la mort et en ressort vivant, ressuscité, nous ouvrant le passage : il nous précède dans la résurrection, après nous avoir précédés dans la mort.

Que le feu de cette nuit, au milieu des ténèbres actuelles, soit une flamme d’espérance invincible.

Le monde et l’Église sont aujourd’hui plongés dans des ténèbres épaisses. Or dans ces ténèbres, nous voyons parfois luire également des lueurs trompeuses – ce sont les « demi-vérités du diable », dont parlait Benoît XVI ; ce sont les fausses lueurs de celui qui se fait appeler Lucifer (« porte-lumière »), et qui égare les hommes par la confusion. Car le combat entre la lumière et les ténèbres prend en nos temps une forme plus redoutable encore : c’est le combat entre la vraie lumière et les fausses lumières ; entre Celui qui est la Lumière du monde et Lucifer. Aussi au cœur de cette longue nuit, notre prière rejoint cette exclamation de Dieu à l’aube de la création et qui est sa première parole dans la Bible : « Que la lumière soit ! »

Ce combat est insidieux et éprouvant. Nous sommes réalistes : il continuera demain. Mais nous avons le bonheur d’en connaître l’issue victorieuse, qui nous est montrée en cette nuit – et déjà donnée : le Christ ressuscité triomphe de la mort. Les saints brillent au ciel comme le feu des étoiles ; eux qui sont déjà passés par la grande épreuve (cf. Ap 7, 14) sont les témoins de ce feu qui ne s’éteindra jamais : ils nous indiquent la route et ils éclairent nos combats d’aujourd’hui. La Vierge Marie, étoile de la mer, nous guide et nous conduit.

En cette nuit, allumons comme eux nos cœurs à la flamme du Seigneur ressuscité en reprenant avec ferveur cette joyeuse prière de l’annonce de la Pâque : « Ô Père, accueille la flamme qui vers toi s’élève en offrande, feu de nos cœurs. Que brille devant toi cette lumière. Demain se lèvera l’aube nouvelle d’un monde rajeuni dans la pâque de ton Fils ! »

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