Ne vous modelez pas sur le monde présent

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Homélie pour le 23e Dimanche du Temps Ordinaire

Dimanche 5 septembre 2021

Avoir un regard profond sur le monde

Le passage de la lettre de saint Jacques que nous avons entendu est très parlant. L’apôtre nous invite à ne pas nous fier aux apparences, ce qui pourrait être interprété comme une simple illustration de la sagesse populaire quand elle dit que « l’habit ne fait pas le moine ». Plus spirituel, Saint-Exupéry faisait dire par le renard au Petit prince : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »

Si cette dimension n’est certainement pas absente de l’enseignement que veut donner saint Jacques, celui-ci va cependant plus en profondeur encore. Il veut nous inviter à ne pas nous fier à ce que l’on appelle improprement les « valeurs du monde » – comme celle, immémoriale et pourtant si trompeuse, de la richesse. Ce que saint Paul formulera ainsi : « Ne vous modelez pas sur le monde présent » (Rm 12, 2). Nous sommes invités en ce dimanche à avoir un regard profond sur le monde, les personnes, les événements. Un regard animé par l’intelligence spirituelle, et par la considération des vraies valeurs, celles qui demeurent, celles de l’Évangile. Un regard qui est celui de Dieu.

Aujourd’hui, nous sommes marqués – et les chrétiens n’y échappent pas – par la mondanité spirituelle. Le cardinal de Lubac la décrivait comme « le plus grand péril pour l’Église que nous sommes, la tentation la plus perfide… » Et il la définissait ainsi : une « attitude radicalement anthropocentrique, voilà la mondanité de l’esprit. Elle deviendrait irrémissible dans le cas – supposons-le possible – d’un homme rempli de toutes les perfections spirituelles mais ne les rapportant pas à Dieu." » [Henri de LUBAC, Méditations sur l’Église, Aubier, Paris, 1954, pages 327-328]

L’Évangile vécu à la lettre a toujours fait grandir l’homme – rappelons seulement les ordres hospitaliers, les éducateurs, les missionnaires acteurs de civilisation… Ce qui fit dire à Benoît XVI dans son encyclique sociale : « la plus grande force qui soit au service du développement, c’est donc un humanisme chrétien, qui ravive la charité et se laisse guider par la vérité, en accueillant l’une et l’autre comme des dons permanents de Dieu. L’ouverture à Dieu entraîne l’ouverture aux frères et à une vie comprise comme une mission solidaire et joyeuse. Inversement, la fermeture idéologique à l’égard de Dieu et l’athéisme de l’indifférence, qui oublient le Créateur et risquent d’oublier aussi les valeurs humaines, se présentent aujourd’hui parmi les plus grands obstacles au développement. L’humanisme qui exclut Dieu est un humanisme inhumain. » [BENOÎT XVI, Caritas in Veritate, nº 78] Ainsi, la mondanité spirituelle, c’est le monde qui pénètre dans l’âme.

Quand on parle ici du monde, il s’agit de ce qui, dans le monde, oublie Dieu, le nie, ou plus grave le combat. Car en un sens différent, nous savons que « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… » (Jn 3, 16). Et cet amour de Dieu pour le monde – c'est-à-dire pour tous et chacun des hommes qu’il veut sauver – demeure une réalité actuelle.

En ce dimanche, nous voyons cet amour se manifester très concrètement par Jésus qui rend à un homme l’ouïe et la parole. Jésus commence par le conduire à l’écart de la foule, montrant ainsi qu’il veut avec chacun un contact personnel, unique, intime. Et il va accomplir ce miracle dans la prière : « les yeux levés au ciel, il soupira et lui dit : "Effata !", c’est-à-dire : "Ouvre-toi !" » Jésus s’écarte du monde, et met en première place la prière, l’union avec son Père, pour accomplir ce miracle. Belle leçon pour nous : pour accomplir des choses profondes, nous devons savoir nous détacher du monde, être libres par rapport à la foule – c'est-à-dire aux pressions de la mode et aux pensées toutes faites – et mettre en première place notre lien avec Dieu. Alors notre rapport au monde sera juste ; nous pourrons participer à cet authentique amour du monde, selon Dieu, et travailler à son salut.

Ce que nous avons vécu hier par la célébration perpétuelle de nos deux Sœurs est l’illustration de cette exigence évangélique.

Les Vœux perpétuels – pauvreté, chasteté et obéissance – sont aux antipodes de l’esprit du monde. Pourtant, ils sont prononcés par des hommes et des femmes qui veulent être libres par rapport au monde pour mieux le servir et mieux l’aimer, en mettant Dieu à la première place dans leur vie, avec radicalité. Ainsi, le vœu de pauvreté fait de nous des riches, libres par rapport à la course effrénée de notre monde vers ce qui est matériel, libres pour la vraie richesse : l’amour de Dieu pour les hommes. Le vœu de chasteté fait de nous des amoureux de Dieu, libres pour aimer comme lui tous les hommes et être tout à tous. Le vœu d’obéissance fait de nous des hommes et des femmes libres, de la vraie liberté, qui ne consiste pas à faire tout ce qu’on veut, ni à satisfaire toutes ses envies et tous ses caprices ; mais à faire la volonté de celui que nous aimons pour grandir dans la ressemblance avec lui, qui est l’infinie liberté. Oui, la vie consacrée est réellement source de la véritable richesse, de l’authentique amour, et de la vraie liberté.

La Vierge Marie en est le parfait modèle, elle qui fut pauvre, donc riche ; chaste donc pleine d’amour ; obéissante, donc libre. Forts de ces valeurs sûres, nous pouvons comme Isaïe en ce jour annoncer la belle « vengeance d’amour » de notre Dieu – et ces mots résonnent avec une particulière force en nos temps : « Dites aux gens qui s’affolent : "Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va… vous sauver." »

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