Pie XII, un pape qui dérangeait…
1943, dans Rome occupée : « Il ne manquerait plus qu’ils (les nazis) nous emmènent le Pape ! » s’exclame un Italien.
Cela surprend, et pourtant c’est vrai : Hitler voulait faire disparaître Pie XII. Le motif : châtier l’Église catholique en la personne du Pape pour avoir caché des milliers de Juifs dans ses maisons religieuses. Le général Wolff, commandant SS de Rome, assure que Hitler regardait Pie XII comme un « ami des Juifs ». Il aurait alerté le Pape d'un plan visant à l'enlever du Vatican et l’aurait aussi averti d'« être sur ses gardes car, même si en aucun cas il n'aurait exécuté l'ordre, la situation était de toute façon confuse et comportait des risques ». Le Souverain pontife demanda à Wolff, en signe de sa sincérité, de relâcher des Italiens condamnés à mort, ce qui fut fait.
La colère du Führer contre le Pape éclata les 25, 26 et 27 juillet 1943, devant les militaires réunis suite à la chute du régime fasciste en Italie. Le 26 juillet, Hitler pointa l'index sur général Wolff, hurlant : « Vous, Wolff, où en êtes-vous du projet d'enlever le Pape ? Vous devez le reprendre immédiatement ! Tenez-vous prêt à partir pour Rome ! »
Le diplomate britannique Francis d’Arcy Osborne et le chargé d’affaires américain Harold Tittmann, avisèrent Mgr Montini (futur Paul VI) qu’ils avaient appris l’existence d’un plan pour capturer et déporter le Saint-Père. La menace étant imminente, les alliés étaient prêts à l'empêcher immédiatement, y compris par des débarquements au nord de Rome et une opération aéroportée. Il était nécessaire de préparer une cache où abriter le Saint-Père le temps nécessaire – deux ou trois jours – à l’intervention militaire. Si le plan avait réussi, le Pape aurait été enfermé dans un château proche du Bade-Wurtemberg. Le plan de Hitler prévoyait même une élimination physique du Pontife en cas de nécessité.
L’histoire risquait de se répéter : Pie VI, captif des révolutionnaires, n’avait pu renoncer à son ministère, n’ayant pas la liberté requise pour une telle décision. L’Église dut donc attendre sa mort pour élire son successeur, Pie VII. Souhaitant éviter ce risque, Pie XII écrivit une lettre de renonciation qui prévoyait le transfert du Saint-Siège au Portugal, où les cardinaux éliraient le nouveau Pape, et qu’il remit à un laïc. Pie XII eut cette parole : « Si je suis enlevé, c’est Eugenio Pacelli qui sera prisonnier, et non Pie XII. » Sa secrétaire, sœur Pascalina Lehnert, l’a confirmé. Le 6 septembre 1943, le Pape en informa les cardinaux, les incita à faire leurs valises et à être prêts à quitter le Vatican pour demander de l'aide à un pays neutre, où ils éliraient le nouveau Pape.
Mais la Providence veillait : l’ambassade d’Allemagne attira l’attention de Berlin sur les réactions prévisibles des peuples catholiques, pays neutres inclus. Si l’opération n’eut pas lieu, également grâce à l'action des diplomates allemands à Rome, les craintes concernant la sécurité du Pontife ne cessèrent qu’après le départ de l’occupant.