L'église face à la peste brune
Quand Pierre démasque le virus "nazi"
En 1937, le cardinal Pacelli (futur Pie XII) réunit Mgr Bertram (Breslau), président de la Conférence épiscopale allemande, Mgr Schulte (Cologne), Mgr von Faulhaber (Munich) et Mgr von Galen (Münster), ainsi que Mgr von Preysing (Berlin), en vue de rédiger une encyclique contre le nazisme, "Mit brennender Sorge". Mgr von Faulhaber s’occupa de la partie dogmatique, dévoilant l'incompatibilité entre nazisme et catholicisme, le cardinal Pacelli de la partie diplomatique, exposant l'attitude à avoir face à l’idéologie nazie. Pie XI suivit de près la rédaction du texte, qui dura sept semaines. Étant donné la situation, l’encyclique fut rédigée en allemand (et non en latin comme d’habitude), pour une meilleure compréhension et une diffusion rapide. Il fut publié le 10 mars 1937.
La rédaction de l’encyclique se justifiait, du fait que le Concordat devant garantir des libertés aux catholiques allemands n’était pas respecté, que l’Église d’Allemagne était persécutée de bien des façons et ce malgré quarante-cinq protestations (!) du cardinal Pacelli, cardinal secrétaire d’État, adressées au gouvernement entre 1933 et 1939, et l’excommunication latae sententiae d’Hitler pour son eugénisme.
La première partie porte sur le Concordat et son non-respect par le régime ; la deuxième partie, à partir d’éléments du cardinal von Faulhaber, dénonce l’incompatibilité du nazisme avec les vérités essentielles de la foi : divinisation du peuple, de la race et de l’État par un culte idolâtrique, volonté de mettre en place une Église nationale, nationalisation de la morale, remise en question de concepts fondamentaux de la foi chrétienne.
À la fin, Pie XI s’y adresse aux jeunes, au clergé, ainsi qu’aux fidèles, pour les encourager et les appeler à la résistance : « C'est pour quiconque confesse le Christ un devoir de dégager nettement sa responsabilité, de libérer sa conscience de toute coopération à une telle machination et à une telle corruption. »
Le texte fut diffusé en Allemagne en secret et lu en chaire dans toutes les paroisses le dimanche des Rameaux. La surprise fut totale, le régime n’avait rien vu venir. Les nazis étaient furieux ; les persécutions contre l’Église iront en augmentant. Les catholiques allemands surent désormais qu’il n’y avait rien de bon à attendre du nazisme pour l’Allemagne, et ce texte poussa bon nombre d’entre eux à résister au nazisme sans avoir le sentiment de trahir leur pays et en restant fidèle à leur conscience de chrétiens.
Le régime adressa une note de protestation à laquelle le cardinal Pacelli répondit en maintenant avec vigueur les positions du Saint-Siège. Alors que beaucoup de politiques européens pensaient pouvoir s’accorder avec les nazis, et que des concessions sauveraient la paix – accords de Munich, remilitarisation de la Rhénanie, annexion de l’Autriche… –, Pie XI et le card. Pacelli refusèrent, convaincus de la menace qu’était le nazisme et du danger de guerre qu’Hitler faisait planer sur l’Europe.
B.H Levy a qualifié cette encyclique « de l’un des manifestes antinazis les plus éloquents de l’époque ».