Le sens de la foi des fidèles
Texte de la CTI, n°49-50, 61-63
Le sensus fidei est une sorte d’instinct spirituel qui permet au croyant de juger de façon spontanée si tel enseignement particulier ou telle pratique particulière est ou n’est pas conforme à l’Évangile et à la foi apostolique. […] C’est une connaissance par empathie, ou une connaissance du cœur. [Il] s’apparente à une réaction naturelle, immédiate et spontanée, comparable à un instinct vital ou à une sorte de « flair », par lequel le croyant adhère spontanément à ce qui est conforme à la vérité de la foi et évite ce qui s’y oppose. […]
Le sensus fidei confère au croyant la capacité de discerner si un enseignement ou une pratique est cohérent avec la vraie foi dont il vit déjà. [Il] permet aussi à chaque croyant de percevoir une dysharmonie, une incohérence ou une contradiction entre un enseignement ou une pratique, et la foi chrétienne authentique dont il vit. Il réagit alors à la manière dont le mélomane perçoit les fausses notes dans l’interprétation d’un morceau de musique. Dans ce cas, les croyants résistent intérieurement aux enseignements ou aux pratiques en cause, et ils ne les acceptent pas ou n’y prennent pas part. […] Avertis par leur sensus fidei, les croyants peuvent aller jusqu’à refuser leur assentiment à un enseignement de leurs pasteurs légitimes s’ils ne reconnaissent pas dans cet enseignement la voix du Christ, le Bon Pasteur, [Lui que] « les brebis suivent parce qu’elles connaissent sa voix. Elles ne suivront pas un étranger ; elles le fuiront, parce qu’elles ne connaissent pas la voix des étrangers » (Jn 10,4-5).
Pour St Thomas, un croyant, même sans compétence théologique, peut, et même doit, résister en vertu du sensus fidei à son évêque si ce dernier prêche des choses hétérodoxes. En un tel cas, le croyant ne s’érige pas lui-même en critère ultime de la vérité de foi ; au contraire, face à une prédication matériellement « autorisée » mais qui le trouble, sans qu’il puisse expliquer exactement pourquoi, il diffère son assentiment et en appelle intérieurement à l’autorité supérieure de l’Église universelle.