Les évêques allemands à Rome
La rencontre entre la soixantaine d’évêques allemands et le Pape avec la Curie romaine, était attendue depuis longtemps. Le moins que l’on puisse dire est que cette traditionnelle visite ad limina s’est déroulée dans un étrange et inquiétant climat, sur fond d’âpres discussions au sujet du Chemin synodal de l’Église allemande.
Mgr Georg Bätzing, évêque de Limbourg (Hesse) et président de la Conférence des évêques d’Allemagne, s’est néanmoins voulu rassurant : « Pour tous les évêques et les laïcs en chemin synodal, le schisme n'a jamais été une option » a-t-il en effet déclaré dans sa conférence de presse, le 19 novembre. Et le prélat d’ajouter ces mots qui en disent long : « Nous sommes catholiques et nous le restons. Mais nous voulons l’être d'une manière différente, nous nous sentons responsables. Certaines choses sont dites à l'extérieur pour faire peur ». C’est donc une Église d’Allemagne sûre d’elle-même et convaincue de la justesse de ses intentions « réformistes » qui a arpenté les couloirs des dicastères romains ces derniers jours. Parmi les faits les plus significatifs de cette semaine dans la Ville éternelle, nous en retiendrons deux. Le premier a été la rencontre personnelle des évêques avec le Saint-Père. De l’avis des prélats allemands, la rencontre fut cordiale, simple et directe. L’impression des participants a été celle d’un encouragement fraternel de la part du Pape (« Un échange stimulant et en confiance » selon Mgr Bätzing).
Bien plus contrastées en revanche furent les réactions à l’issue des échanges entre différents cardinaux de la Curie romaine – et non des moindres (P. Parolin, L. Ladaria, M. Ouellet) – avec l’ensemble des évêques allemands venus à Rome. À la crainte exprimée en demi-teinte par le cardinal Secrétaire d’État P. Parolin que le Chemin synodal en vienne à confonde les nécessaires « réformes dans l’Église » avec la « réforme de l’Église » elle-même, Mgr Bätzing a répondu au nom de ses confrères que seules les personnes mal renseignées sur la situation actuelle pouvait craindre une « protes-tantisation » de l’Eglise catholique en Allemagne.
Et pourtant, force est de constater que les revendications des pasteurs d’outre-Rhin ne semblent pas avoir changées d’un iota : « On ne peut pas continuer comme avant, déclarait ainsi Mgr Bätzing, il s'agit de transmettre le message de l'Évangile ici et maintenant, sans regarder uniquement vers le passé. Le Pape l'a toujours dit : nous devons courir le risque d'une Église "accidentée". La conversation avec le Saint-Père a été vraiment très encourageante à ce sujet. Nous avons exprimé des positions différentes, même sur le plan théologique... Le Pape a souligné qu'il ne craint pas une Eglise avec des tensions, il nous a dit que pour trouver une solution il fallait du courage et de la patience ».
Parmi les « tensions » évoquées par G. Bätzing, la participation des femmes au ministère sacerdotal et la bénédiction des personnes homosexuelles ont cristallisé les débats. D’un côté, les évêques d’Allemagne ont défendu ce qu’ils présentent comme de légitimes « questions » venues de leurs fidèles, lesquelles exigeraient des réponses audacieuses et rapides. De l’autre, certains cardinaux ont émis des réserves sur un tel projet de dénaturation de la morale catholique, et ont même proposé un moratoire d’un an pour surmonter les difficultés. Proposition lapidairement rejetée parce que, explique Mgr Bätzing : « Cela signifiait un arrêt pour notre ‘Synodaler Weg’. Ce n'est pas une option, ce n'est pas une solution, beaucoup d'évêques l'ont dit clairement, donc cela a été retiré de la discussion ». Soit une fin de non-recevoir au nom d’un progressisme érigé en principe absolu.
Et, de tout cela, que pense le Saint-Père ? Va-t-il mettre un terme à la dérive des Allemands ? À Rome, la réponse à ces questions ne va pas de soi. En effet, le Pape, qui avait ici ou là émis des réserves sur le Chemin synodal n’a cependant pas jugé bon de participer à la réunion interdicastérielle. Le Pape, croit savoir Mgr Bätzing, « nous a laissé entre nous pour débattre entre frères. Cela a été bien ainsi ». Bref, la triste histoire écrite par le Chemin synodal allemand n’est donc malheureusement pas encore achevée.