In Altum

Notre-Dame des Neiges, formez nos cœurs à votre image

Nantes, la balafrée

Publié le dans la rubrique (In Altum n° 149)

Mon cœur saigne en te voyant. Qu’as-tu fait de tes enfants ? En tes rues où il faisait bon vivre, on se méfie, on baisse le regard. Bellevue ou Malakoff, n’y allons plus, nous disons-nous. La moralité est en vacances quand les zadistes s’en prennent à tes pavés. Quand te reverrai-je si belle, si noble, si somptueuse ?

Souviens-toi de tes 303 382 âmes et de tes cent deux églises, tu restes ainsi la sixième ville de France. Cette France qui, comme la Grande-Bretagne ou le peuple normand, t’a désirée de tout cœur ! À l’image des Gaulois namnètes, ils ont tous voulu s’approprier ta beauté. Les ducs de Bretagne ont souvent fait de toi leur lieu de résidence principale jusqu'au XVe siècle, comme en témoigne aujourd'hui encore la présence de leur château, remarquable pour son Grand Logis, couronné de belles fenêtres à meneaux ornées de pinacles. Tu mérites vraiment d’être la neuvième hermine du drapeau breton (Naoned).

Abreuvée de tant d’eau, tu accueilles la Loire, que tu arrives à contenir par de gigantesques travaux de comblement. La fontaine en granit bleu de la Place Royale te fait siéger au-dessus des quatre affluents du fleuve : la Sèvre, le Cher, l’Erdre et le Loiret. Ville d’eau, tu es parée de grands parcs dont la nature est l’ornement. Citons l’immense Jardin des plantes, où les familles se croisent sous un soleil radieux ; le Parc de Procès, dessiné en 1883 par le paysagiste Noisette, lieu des promenades enchantées pour les rêveurs solitaires ; mais plus encore, le jardin du Grand-Blottereau, fils des colonies, dans lequel s’épanouissent des centaines de plantes exotiques ou médicinales sous de belles serres tropicales.

Tu es belle, ornée de la rue Crébillon, rue bourgeoise et populaire, où les commerçants vous ravissent par leurs sourires, tout juste intéressés. En remontant le passage Pommeraye, nous sommes plongés au cœur d’une autre galerie, couverte celle-ci d’un toit de verre à la parisienne. Ici s’entremêlent livres poussiéreux et antiquités. Aux détours de ruelles, nous découvrons la grande Tour de Bretagne, immeuble de verre visible des balcons de Petit-Mars, à 26 km de là. Ton beffroi, appelé Tour LU, nous rappelle que les époux Lefèvre-Utile commencèrent chez-toi les biscuits LU ou les BN (Biscuits Nantais). Béghin-Say a su profiter de tes élans vers l’océan pour y apporter les sucres d’outre-mer.

Le IIIe siècle est l’époque où tu te christianises, Saints Donatien et Rogatien verseront leur sang pour tes habitants. Il faudra que tu attendes 1434 pour que le duc Jean V ordonne la construction de ta cathédrale gothique, St Pierre et St Paul. Je pleure avec toi, repensant au sang de Charette, à la balle frappant Cathelineau. Je pleure sur ta bourgeoisie massacrée par le révolutionnaire Carrier, sur la venue de la Gestapo s’établissant, comme par ironie, dans les locaux de Carrier. Malgré cela, sur un de tes ronds-points s’élève le dernier monument français à l’effigie de Louis XVI. Je pleure aussi sur la terrible traite des nègres.

La Cigale, les Machines, le FC Nantes, Jules Verne, la Grue Jaune, le premier Tramway, les ponts métalliques, les dockers... Quand te reverrai-je si belle, si noble ?

Crédits photos:  

   https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=5167485 ; Par Guillaume Piolle, CC BY 3.0 ;

   https://www.flickr.com/photos/sybarite48/6511740099 ; © Daniel Jolivet

 

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