Les mots du Saint Père
Le Pape François parle aux Européens
Ce mardi 25 novembre, le Pape François s’est rendu à Strasbourg où il a été reçu et a parlé au parlement européen et au Conseil de l’Europe. Extraits de son discours au Parlement, 14 fois interrompu par les applaudissements des eurodéputés... Ma visite a lieu plus d’un quart de siècle après celle accomplie par le Pape Jean-Paul II. Beaucoup de choses ont changé depuis lors, en Europe et dans le monde entier. Les blocs opposés qui divisaient alors le continent en deux n’existent plus, et le désir que « l’Europe, se donnant souverainement des institutions libres, puisse un jour se déployer aux dimensions que lui ont données la géographie et plus encore l’histoire », se réalise lentement. En m’adressant à vous aujourd’hui, à partir de ma vocation de pasteur, je désire adresser à tous les citoyens européens un message d’espérance et d’encouragement. Comment donc redonner espérance en l’avenir, de sorte que, à partir des jeunes générations, on retrouve la confiance afin de poursuivre le grand idéal d’une Europe unie et en paix, créative et entreprenante, respectueuse des droits et consciente de ses devoirs ? Pour répondre à cette question, permettez-moi de recourir à une image. Une des fresques les plus célèbres de Raphaël qui se trouvent au Vatican représente la dite École d’Athènes. Au centre se trouvent Platon et Aristote. Le premier a le doigt qui pointe vers le haut, vers le monde des idées, nous pourrions dire vers le ciel ; le second tend la main en avant, vers celui qui regarde, vers la terre, la réalité concrète. Cela me parait être une image qui décrit bien l’Europe et son histoire, faite de la rencontre continuelle entre le ciel et la terre, où le ciel indique l’ouverture à la transcendance, à Dieu, qui a depuis toujours caractérisé l’homme européen, et la terre qui représente sa capacité pratique et concrète à affronter les situations et les problèmes. L’avenir de l’Europe dépend de la redécouverte du lien vital et inséparable entre ces deux éléments. Une Europe qui n’a plus la capacité de s’ouvrir à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui lentement risque de perdre son âme, ainsi que cet « esprit humaniste » qu’elle aime et défend cependant. Chers Eurodéputés, l’heure est venue de construire ensemble l’Europe qui tourne, non pas autour de l’économie, mais autour de la sacralité de la personne humaine, des valeurs inaliénables ; l’Europe qui embrasse avec courage son passé et regarde avec confiance son avenir pour vivre pleinement et avec espérance son présent. Le moment est venu d’abandonner l’idée d’une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l’Europe protagoniste, porteuse de science, d’art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi. L’Europe qui contemple le ciel et poursuit des idéaux ; l’Europe qui regarde, défend et protège l’homme ; l’Europe qui chemine sur la terre sûre et solide, précieux point de référence pour toute l’humanité.
Homélie pour la Toussaint
Lorsque dans la première lecture, nous avons entendu cette voix de l’ange qui cria à grande voix aux quatre anges auxquels il avait été permis de dévaster la terre et la mer et de tout détruire : « Attendez, pour malmener la terre et la mer et les arbres » (Ap 7, 3), il m’est venu à l’esprit une phrase qui n’est pas ici, mais qui est dans notre cœur à tous : « Les hommes sont capables de faire mieux que vous ». Nous sommes capables de dévaster la terre mieux que les anges. Et c’est ce que nous faisons, nous le faisons : dévaster la création, dévaster la vie, dévaster les cultures, dévaster les valeurs, dévaster l’espérance. Et combien avons-nous besoin de la force du Seigneur afin qu’il nous scelle de son amour et de sa force, pour arrêter cette folle course à la destruction ! Destruction de ce qu’Il nous a donné, des choses les plus belles qu’Il a faites pour nous, pour que nous les portions de l’avant, pour que nous les fassions croître, pour porter du fruit. Lorsque, dans la sacristie, je regardais les photos d’il y a 71 ans [le bombardement du Verano a eu lieu le 19 juillet 1943], j’ai pensé : « Cela a été si grave, si douloureux. Cela n’est rien en comparaison de ce qui a lieu aujourd’hui ». L’homme s’empare de tout, se prend pour Dieu, pour le roi. Et les guerres : les guerres qui continuent, pas précisément à semer le blé de la vie, mais à détruire. C’est l’industrie de la destruction. C’est un système, même de vie, qui fait que lorsque l’on n’arrive pas à arranger les choses, on les met au rebut : on met au rebut les enfants, on met au rebut les personnes âgées, on met au rebut les jeunes sans travail. Cette dévastation a produit cette culture du rebut : on met au rebut les peuples… Dans la deuxième lecture, nous avons entendu : « Dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, et ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lors de cette manifestation nous lui serons semblables, parce que nous le verrons tel qu'il est » (1 Jn 3, 2): c’est-à-dire l’espérance. Et c’est la bénédiction du Seigneur que nous avons encore: l’espérance. L’espérance qu’il ait pitié de son peuple, qu’il ait pitié de ceux qui vivent de grandes épreuves, qu’il ait pitié également des destructeurs, afin qu’ils se convertissent. Ainsi, la sainteté de l’Église va de l’avant : avec ces gens, avec nous qui verrons Dieu tel qu’il est. Quelle doit être notre attitude si nous voulons entrer dans ce peuple et marcher vers le Père, dans ce monde de dévastation, dans ce monde de guerres, dans ce monde d’épreuves ? Notre attitude, nous l’avons écouté dans l’Évangile, est l’attitude des Béatitudes. Seul ce chemin nous conduira à la rencontre avec Dieu. Seul ce chemin nous sauvera de la destruction, de la dévastation de la terre, de la Création, de la morale, de l’histoire, de la famille, de tout. Seul ce chemin: mais il nous fera passer des choses terribles ! Il nous apportera des problèmes, la persécution. Mais seul ce chemin nous mènera de l’avant. Et ainsi, ce peuple qui souffre tant aujourd’hui à cause de l’égoïsme des dévastateurs, de nos frères dévastateurs, ce peuple va de l’avant avec les Béatitudes, avec l’espérance de trouver Dieu, d’être face à face avec le Seigneur, avec l’espérance de devenir saints, au moment de la rencontre définitive avec Lui.