Théophile au bout du fil… !
Depuis ma dernière intervention (cf. In Altum déc. 2014), des Domini s’inquiètent ou se questionnent… Moi, Théophile la drosophile, je reprends donc du service pour leur répondre !
De Sr Bertille, la cuisinière : dites-moi Théophile, vous et vos collègues, ne feriez-vous pas pourrir mes fruits ? Pas du tout ma bonne sœur ! Par contre l’odeur de vos fruits bien mûrs ou en décomposition nous attire irrésistiblement… C’est que nos antennes nous permettent de détecter des molécules odorantes à plusieurs kilomètres de distance ! Ce qui nous intéresse surtout, c’est le sucre des fruits et les bactéries ou levures qui s’y développent naturellement : un régal ! C’est là que notre trompe entre en action : nous aspirons les aliments par son extrémité en forme d’éponge ; les fruits prémâchés (liquéfiés en quelque sorte !) font donc notre bonheur, car nous ne mangeons pas, nous buvons ! De Fr André, mémoire des traditions rurales : Et pour la pêche, vous donnez aussi des asticots ? Nous passons bien par plusieurs stades de développement : l’embryon ou œuf, pondu par la mère sur un milieu nutritif (vos fruits lorsque nous sommes en liberté !) est une sorte de petit ballon de rugby de 0.5 mm de long qui se transforme en larve au bout d’une journée. Cette larve ou asticot n’a qu’un objectif : manger pour grossir en passant par 3 stades de croissance, mais elle n’atteindra alors que 4 ou 5 mm : un peu petit pour vos hameçons, ne changez donc pas vos habitudes ! Au bout du 6e jour environ elle se transforme en pupe, cet espèce de cocon où aura lieu la métamorphose et donnera naissance à l’adulte 4 jours plus tard… Et 2 jours après, notre adulte est prêt à assurer sa postérité…Une seule femelle peut engendrer plusieurs centaines de descendants ! De Sr Madeleine-Sophie, petits travaux en tous genres : ça m’arrangerait bien de pouvoir comme vous marcher au plafond pour mes finitions de peinture… C’est quoi votre truc ? On vous fait marcher sur la tête hein ? Je doute que vous y arriviez… cela nécessite des milliers de ventouses et deux griffes que nous possédons sur nos pattes auxquelles viennent s’ajouter 200 mouvements d’ailes par seconde... Bref, il ne vous reste que l’échelle ! De Père Bernard, grand voyageur : dites, des drosophiles, j’en retrouverai dans tous mes pique-niques, où que je sois ? Et oui P. Bernard… Mes sœurs et moi sommes présentes sur tous les continents, et avons colonisé à peu près tous les milieux : des fins fonds des forêts africaines (D. teissieri), à l’Amazonie (D. paulistorum), des Seychelles (D. sechellia) à votre cuisine (D. melanogaster)… Aujourd’hui, plus de 3500 espèces de drosophiles ont été décrites dont 12 pour lesquelles on a séquencé le génome, ce qui est un grand avantage pour l’étude de la conservation des gènes. De Mère Magdeleine, esprit pratique s’il en est : Comment font donc les chercheurs pour s’assurer que la mutation génétique que l’on a induite chez les parents se retrouve à la génération suivante ? C’est qu’ils ont bien réfléchi ! Ils associent le gène muté d’intérêt avec un gène muté pour un caractère visible morphologiquement (couleur de l’œil, forme de l’aile…) : la présence ou l’absence de l’un signe la présence ou l’absence de l’autre ! Des vérifications directement sur le génome des générations suivantes sont aussi possible grâce à des techniques de biologie moléculaire. Allez je file, à bientôt dans votre cuisine ! Théophile