Francisco Castelló Aleu (1914-1936) (2/2)
Quand un jeune va à la mort en chantant (suite - voir le début ici)…
Dans l’ambiance déprimante de la prison de Lérida, où la plupart désespèrent, Francisco griffonne des petits mots à sa famille pour la rassurer. S’il demande quelque chose, du tabac par exemple, c’est d’abord pour ses compagnons (il ne fume jamais !). Voici quelques témoignages : Jacinto Caus Picó : « Les conversations étaient toujours gaies parce que, avec lui, on ne pouvait être triste. Il possédait l’allégresse des hommes qui vivent au contact de Dieu. Cette lumière qui irradiait de son visage est difficile à expliquer pour ceux qui ignorent le pouvoir surnaturel de la Grâce. Son rire franc et sonore avait le pouvoir de rendre courage. » José María Anglés : « Il eut une grande activité apostolique. Il introduisit dans notre cellule la récitation du chapelet, avec le chant de cantiques eucharistiques. Il insista auprès de plusieurs prisonniers pour qu’ils aillent voir le Père José Valles et se confessent, et je sais qu’il l’obtint de plusieurs d’entre eux. » «Il me dit : ‘Nous, nous mourrons. Mais ils ne nous considéreront pas comme des martyrs. Nous serons toujours des condamnés fascistes. Cependant, bien qu’ils nous privent de la gloire du martyre aux yeux des hommes, il faut nous préparer à mourir dignement, renonçant même à cette fierté aux yeux du monde ; car notre sacrifice est agréable à Dieu. Rien d’autre ne compte.’ » Sa famille sollicita, pour témoigner en sa faveur, les employés de l’usine d’engrais chimiques où il avait travaillé comme ingénieur. Francisco était sûr de leur soutien ; mais face aux menaces, ils consentirent à admettre que c’était un ‘misérable’. Malgré la blessure, il dit : « S’ils me considèrent comme leur ennemi, moi je ne les considère pas du tout ainsi, et je leur ferai toujours tout le bien que je pourrai, comme je l’ai fait jusqu’à présent. » L’un des 3 principaux juges en cette affaire, Pepe Claverol, étant son cousin germain, chercha à le sauver en tentant de le convaincre de renier sa foi. Malgré toute sa force de persuasion, il reçut pour toute réponse : « Pepe, tu perds ton temps, tu peux t’en retourner chez toi. », « Si cent fois on m’invite à apostasier, cent fois je proclamerai ma foi catholique. » Après sa dernière absolution en prison, le prêtre lui dit : « Va-t-en tranquille et confiant, mon fils. Un ange comme toi ne peut pas rester sur cette terre. » Et voici le 29 septembre. Devant le tribunal, sa défense est calme et sereine : « Je ne suis pas fasciste. Je n’ai jamais milité dans un parti politique. » « Enfin, terminons-en. Es-tu catholique ? » « Oui, cela, oui. Je suis catholique ! » Devant pareil courage, une indicible émotion saisit le public et force le respect. Plusieurs crient, en vain : ‘Innocent’, ‘liberté’. C’est le sourire aux lèvres que Francisco écoute la demande de peine de mort. « As-tu quelque chose à déclarer ? » « Non, et pour quel intérêt ? Je veux seulement vous remercier. Si j’avais mille vies, je les donnerais toutes pour le Christ, sans hésiter un instant. » Dans le camion qui le conduit au lieu d’exécution avec 5 compagnons, il les entraîne à chanter le Credo et le célèbre refrain des retraitants de Catalogne : « Haut les cœurs mes frères ! Montons en chantant. Persévérons, persévérons, déjà nous atteignons la cime. » Face au peloton, il crie : « Un moment s’il vous plaît ! Je vous pardonne tous. Et je vous donne rendez-vous dans l’éternité. » Enfin, un dernier cri lancé de toute son âme de feu : « Vive le Christ Roi ! » Le lendemain, sa fiancée affrontera courageusement les autorités et parviendra ainsi à récupérer ses trois lettres d’adieu, pour elle, pour les siens et pour son père spirituel : « On vient de m’annoncer ma condamnation à mort, et jamais je n’ai été aussi paisible que maintenant. Je suis sûr que cette nuit je serai au ciel avec mes parents, c’est là que je vous attendrai... »