In Altum

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L'orgueil du cuisinier

Publié le dans la rubrique (In Altum n° 174)

Jusqu'où peut aller l'incapacité à supporter l'échec...

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A l’âge de quinze ans, le jeune François Vatel (ci-contre) décide de devenir pâtissier. Actif et doué,  il est rapidement nommé maître d’hôtel de Fouquet, alors intendant des finances de Louis XIV. En 1661, le ministre invite le roi, la reine mère et toute la cour à l’inauguration de son château de Vaux-le-Vicomte. À la fois chef du protocole et maître d’hôtel, Vatel organise une fête somptueuse avec de la vaisselle en or massif. On y joue Molière et Lully.

Mais le jeune Louis XIV est profondément blessé dans son orgueil par tout ce faste, qui dépasse celui de sa cour.  Deux semaines plus tard, il fait arrêter Fouquet par d'Artagnan à Nantes. Il le condamne à la détention perpétuelle et le remplace par Jean-Baptiste Colbert !

François Vatel, ignorant que le roi désire reprendre le personnel de Vaux-le-Vicomte pour son nouveau château de Versailles, s’enfuit en Angleterre de peur d’être emprisonné lui aussi. Il se met au service du prince de Condé, alors en exil. Lorsque ce dernier est autorisé à rentrer en France, aucun emploi public ne lui est proposé. Il se retire alors dans son château de Chantilly.  Vatel y est promu « contrôleur général de la bouche ». C'est là qu'il sert ce qui sera appelé par la suite la  crème chantilly (dont il n'est toutefois pas l'inventeur).

En 1671, le prince de Condé, invite Louis XIV à une fête visant à une complète réconciliation. La réception doit durer trois jours et trois nuits pour séduire les trois mille membres de la cour. Le destin de Condé dépend du succès des festivités et le prince fait peser tout le poids de ce succès sur son maître d’hôtel de génie. Vatel n’a que quinze jours pour préparer des menus recherchés et des mises en scènes grandioses, dont le roi et la cour raffolent.

Le soir du jeudi 23 avril, les convives arrivent à Chantilly après une grande partie de chasse. Les invités d’honneur sont installés à vingt-cinq tables dans le château magnifiquement illuminé. Mais soixante-quinze invités de plus que prévu se sont présentés et il manque du rôti à deux tables. Vatel, qui n'a pas dormi depuis douze nuits, répète à plusieurs reprises qu'il a « perdu son honneur et ne peut survivre à une telle disgrâce ». De plus, le feu d’artifice qui suit le souper est un échec partiel en raison du brouillard. Le soir, le prince visite Vatel dans sa chambre pour le rassurer sur l'excellence du repas et lui dit de ne pas donner d'importance au manque de viande.

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Le lendemain, vendredi, jour maigre, et de surcroît de carême, Vatel a passé sa commande de poisson dans divers ports de la Manche. Mais à 4 heures du matin. seuls deux paniers lui parviennent. Pour lui, c’est le comble ! Il déclare : « Je ne survivrai pas à cet affront-ci, j’ai de l’honneur et de la réputation à perdre. » Selon la marquise de Sévigné, il monte  à 8 heures dans sa chambre et se jette à trois reprises sur son épée calée dans la porte. Tragédie de l'histoire : au même moment, la commande de  poisson si attendue arrive en vue du château...

Tirons leçon de l'histoire : l'humilité ne commence-t-elle pas par l'acceptation joyeuse de nos limites ?

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