Commencement de la manifestation divine...
Homélie de la solennité de l'Epiphanie du Seigneur - 8 janvier 2017
Dans le Missel romain et le bréviaire se trouve la liste, par ordre d’importance, des solennités et fêtes de l’année liturgique. Au-dessus de toutes se trouve bien sûr le Triduum pascal. Et ensuite, au plus haut rang des fêtes se trouvent ensemble Noël, l’Épiphanie, l’Ascension et la Pentecôte. Nous vivons donc aujourd’hui l’une des plus grandes solennités de l’année, qui passe pourtant assez inaperçue après la fête de Noël. Pourquoi donc l’Épiphanie est-elle si importante ? Parce que c’est le commencement de la manifestation de Dieu au monde. Cette manifestation déborde le Peuple Juif, puisqu’aujourd’hui les Païens eux aussi sont appelés à venir adorer le vrai Dieu qui se révèle à tous : « Toutes les nations – nous dit saint Paul – sont associées au même héritage. » C’est ce que nous voyons dans ce bel épisode de la venue des Mages à la crèche : ces rois, dont nous parle le psaume, qui viennent se prosterner et faire leur offrande. Qui sont donc ces rois mages ?
Ils sont d’abord des hommes au cœur inquiet, c'est-à-dire non satisfaits de ce que le monde leur propose. Ils cherchent réellement la vérité. C’est pourquoi ils scrutent les signes que peut leur donner la création. Et parce qu’ils ont le cœur ouvert, Dieu va se révéler à eux au moyen de l’étoile. Il va les conduire en pèlerinage vers la crèche. Et eux vont accepter de se mettre en route, pour chercher cette vérité que leur cœur désire tant. Arrivés à Jérusalem, ils vont ensuite se laisser guider par la Parole de Dieu. Celle-ci indiquait la naissance du Messie à Bethléem. Les exégètes, les théologiens érudits du temps vont trouver sans difficulté la réponse à la question des Mages : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » ; et ils indiqueront Bethléem. Mais, comme l’a souligné Benoît XVI dans plusieurs homélies, eux-mêmes ne se mettent pas en route. La Parole de Dieu est pour eux comme un atlas : on y puise des connaissances académiques, mais on n’y conforme pas sa vie. Les rois mages, par contre, se mettent en route. Avec l’étoile, la Parole de Dieu devient leur guide. Ils peuvent dire en vérité : « Ta parole est une lampe sur mes pas, une lumière sur ma route. »
Puis ils arrivent à la crèche. Ils y rejoignent les bergers. Quoi de commun entre eux ? Entre les bergers et les rois mages ? À première vue tout les sépare : origine géographique, connaissance, richesse matérielle, langue, pouvoir… Et pourtant, ils se retrouvent, parce qu’ils ont en commun quelque chose : la pauvreté. Oui, la pauvreté, la pauvreté évangélique, qui n’est pas la pauvreté selon Karl Marx… Ils ont en commun la pauvreté de l’évangile, c'est-à-dire un cœur de pauvre ; un cœur humble, qui sait qu’il a besoin de Dieu ; un cœur qui ne trouve qu’en Dieu sa vraie richesse ; un cœur qui sait reconnaître que Dieu est si puissant et si grand qu’il s’est fait si petit pour nous rejoindre ; un cœur qui cherche la vérité, et qui la trouve loin des critères du monde ; un cœur qui ne craint pas les moqueries ou la dérision. Les rois mages étaient des hommes courageux. De ce vrai courage, si nécessaire aujourd’hui, qui sait se démarquer de ce que pense le monde. Sans doute ils ont dû affronter les moqueries de leurs compatriotes, lorsque – comme jadis Abraham – ils partirent en suivant l’étoile, sans savoir où ils allaient. Il a fallu ensuite affronter le scepticisme d’Hérode, et des théologiens de Jérusalem… Peu importe. « Pour eux – disait Benoît XVI – ce qui comptait était la vérité elle-même, et non l’opinion des hommes. Pour cela ils affrontèrent les renoncements et les fatigues d’un voyage long et incertain. Ce fut leur courage humble qui leur permit de pouvoir s’incliner devant le petit enfant de gens pauvres et de reconnaître en Lui le Roi promis dont la recherche et la reconnaissance avait été le but de leur cheminement extérieur et intérieur. »[1] À leur suite, ajoutait Benoît XVI, « l’approbation des opinions dominantes (…) n’est pas le critère auquel nous nous soumettons. Le critère c’est Lui seul : le Seigneur. »[2]
Les bergers et les rois mages ont donc en commun d’être le petit reste. Les bergers sont le petit reste d’Israël. Les rois mages sont le petit reste des païens. Alors que les théologiens à la mode, les responsables politiques et religieux du temps, sont à Jérusalem, dans leurs palais et leurs universités, les pauvres sont dans la crèche, dans cette grotte qui servait d’étable. Elle est un beau symbole de ce qu’est l’Église des pauvres. Cette authentique Église des pauvres est celle où l’on garde ce seul trésor : la foi. Même si la « maison » est délabrée et semble misérable, en ruines, elle est riche tant qu’y demeure Jésus, avec autour de lui ces pauvres : la Vierge Marie et saint Joseph, le bœuf et l’âne, les bergers, les rois mages. Leur seul bien est la foi en Jésus qui est là. La seule attitude des pauvres est l’adoration dans la foi, et l’offrande d’eux-mêmes. Leur foi pure et leur humble courage leur ont permis de trouver le chemin de la crèche, de trouver Jésus, et ils peuvent maintenant l’adorer… Bien sûr, ils repartiront chez eux. Mais avant cela, ils se retrouvent, unis dans la foi, autour de Jésus et ils l’adorent. C’est à partir de là seulement qu’ils pourront apporter au monde ce qu’ils ont cherché et trouvé : la véritable étoile, et la seule véritable joie, Jésus, devant qui ils déposent l’or, l’encens et la myrrhe, parce qu’ils reconnaissent en lui leur roi, leur Dieu et leur sauveur.
[hr]
[1] BENOÎT XVI, Homélie du 6 janvier 2012
[2] BENOÎT XVI, Homélie du 6 janvier 2013