Rayons de joie et de consolation...

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Homélie pour la solennité de la Toussaint

Lundi 1e novembre 2021

Au travers de nos ténèbres, le Seigneur fait percer pour nous en ce jour de la Toussaint des rayons de joie et de consolation, des traits lumineux d’espérance et de réconfort. Ces rayons, ce sont les saints. Les saints que nous célébrons en cette fête sont en effet comme les rayons du Christ, le Soleil de Justice. Les saints sont le resplendissement créé de la beauté et de la bonté de Dieu. En illuminant les ténèbres du monde et de nos péchés, les saints rappellent à travers l’histoire que la terre n’est habitable que s’il y a le Ciel. Que le temps dans lequel nous sommes ne prend sens que par rapport à l’éternité qui nous attend. Que l’imperfection des créatures n’est supportable que si l’on espère qu’elle sera transfigurée par la perfection de Dieu.

En ce jour, élevons donc nos regards vers le haut. Laissons-nous illuminer par les rayons de Dieu. Contemplons avec ferveur le magnifique spectacle qu’est l’assemblée de tous les saints, cette « foule immense que nul ne saurait dénombrer » dont nous parle le livre de l’Apocalypse. Une foule composée de connus et d’inconnus, de puissants et d’humbles, d’hommes et femmes de toutes origines et époques de l’histoire. Les voilà revenus de la « grande épreuve », ils ont porté la Croix, ils ont vaincu le mal. Aujourd’hui, ils se rassasient de la contemplation du visage de Dieu.

Devant ce mystère, nos sens et notre raison défaillent. Mais notre foi quant à elle nous donne fermement d’en goûter déjà quelque chose. Notre foi vivant est le moyen que Dieu nous donne afin d’entrer en contact dès maintenant avec la vraie vie, la vie du Ciel.

Dans sa vision des élus retranscrite dans le livre de l’Apocalypse, saint Jean souligne deux détails qui peuvent en ce jour affermir notre foi. La foule des saints, remarque en effet saint Jean, se tient devant le « trône » et devant « l’Agneau ».

Que les saints se tiennent devant un trône n’est pas anodin. Ce trône qu’a vu saint Jean est en effet le signe du pouvoir de Dieu. Un pouvoir qui n’est pas celui des puissants de ce monde, qui va et vient. Le pouvoir de Dieu est un pouvoir créateur capable de faire l’être après le néant. Mais il est aussi un pouvoir re-créateur capable de faire jaillir l’amour après le péché, capable de transformer une existence médiocre en sommet d’héroïsme. Que l’assemblée des saints se tienne devant le trône de Dieu est donc tout un symbole qui nous rappellent en ce jour que les saints sont comme les trophées du Seigneur, les signes de sa victoire sur le mal. Avant même d’être le fruit leurs efforts personnels, la sainteté des habitants du Ciel est le triomphe de Dieu, le triomphe de sa grâce qui a été capable de les transformer en parfaits amis de son Coeur.

En célébrant les saints, nous célébrons donc par anticipation ce que sera la victoire définitive de Dieu. Mais nous nous souvenons également que nous pouvons nous aussi devenir ces « trophées du Seigneur », que notre sainteté est possible, qu’il n’est pas folie de vouloir devenir de grands saints. Nous avons tous fait la douloureuse expérience que la perfection n’est pas de ce monde. Mais la fête de ce jour nous engage à ne pas oublier qu’en Jésus, la perfection est venue du Ciel pour habiter jusque dans nos cœurs. En Jésus, la perfection devient de ce monde. La sainteté qui vient de Dieu, c’est la grâce qui se coule dans nos tempéraments et dans nos histoires pour les diviniser. Par la grâce, la sainteté devient à notre portée ; la sainteté est à la portée de notre « Ecce », de notre consentement à l’œuvre Dieu en nous. Notre « oui » dit et redit est comme la clé qui ouvre la main de Dieu et qui nous transforme petit à petit.

La contemplation des saints nous engage donc en ce jour à faire le pas qu’ils ont fait. Sainte Thérèse écrivait dans son Acte d’Offrande à l’Amour miséricordieux des mots que nous pouvons faire nôtres : « Je désire être sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d’être vous-même ma sainteté. » Le principal mérite des saints est d’avoir cru en la puissance de Dieu capable de les transformer. Comme la petite Thérèse, les saints ont compris que le Royaume des Cieux n’est donné qu’aux ambitieux. Qu’à ceux qui ont compris que la mesure de l’amour est d’aimer sans mesure ; qu’à ceux qui ne réfrènent pas leur désir de perfection et qui n’acceptent jamais la médiocrité.

Mais remarquons également que la vision de saint Jean comporte un autre détail très éloquent : les saints, souligne l’apôtre saint Jean, se tiennent devant l’Agneau. Qui est cet Agneau sinon l’image très expressive du Christ, lui qui est comme l’« icône des béatitudes » proclamées en ce jour ? Le Christ, dans son Incarnation, s’est fait Agneau pauvre et doux. Dans la Rédemption, il a pleuré nos péchés. Aujourd’hui, le Christ demeure l’Agneau affamé de notre sainteté et dont la pureté est notre modèle. Jésus est l’Agneau paisible, pacifique, miséricordieux. Il est enfin l’Agneau immolé, persécuté. Il est celui qui actualise sans cesse son sacrifice sur nos autels. Celui qui se donne en nourriture pour devenir notre pâque, notre viatique de la terre jusqu’au Ciel.

Les saints ont aujourd’hui le bonheur de contempler l’Agneau immolé. En méditant sur une joie si intense, nous pensons que si les saints ont été capables de vivre les béatitudes, c’est parce qu’ils se sont nourris avec ferveur du corps et du sang de l’Agneau. Les hébreux avaient mangé l’agneau pascal pour passer de l’Egypte à la Terre Promise. Les saints quant à eux se sont nourris de l’Agneau immolé pour passer du péché à la perfection de l’amour, pour traverser cette terre de larmes à la joie du Ciel. En se tenant devant l’Agneau immolé, les saints nous pressent de comprendre qu’il n’existe pas de sainteté sans Eucharistie ; que dans le Saint-Sacrifice de la messe se trouve tout ce dont nous avons besoin pour devenir saints.

Tout à l’heure, le prêtre élèvera la Sainte hostie en faisant entendre le cri de l’Agneau : « Heureux les invités au festin du Seigneur. Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». En ce jour, avec les saints, répondons à cet appel de l’Agneau immolé. Désirons suivre l’Agneau qui nous appelle à la joie de son festin.

En une expression savoureuse, S. François de Sales disait que les saints se sont avancés vers Dieu avec les béquilles de l'humilité et de la confiance. Aussi, mêlons nous à ce grand cortège des saints. Marchons nous aussi vers l’Agneau sans nous effrayer de nos misères et de notre pauvreté. Dieu est capable de nous sanctifier si nous le voulons activement. Redisons en ce jour notre « oui » pour vouloir ce que Dieu veut. Lui seul a les paroles de la vie éternelle. Lui seul peut combler notre cœur.

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